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Demain dès l'aube...

Il est tôt.
Personne encore n'a osé faire face à la brume matinale qui enveloppe encore ce petit monde. D'ici quelques heures, elle se sera sûrement dissipée.
Seule, en proie à ses insomnies, se tient debout dans un champ une jeune fille aux cheveux gris. Elle est droite, fière, et semble défier l'horizon. Elle tient un vieux katana dans sa main droite : Voilà déjà plusieurs mois qu'il semble n'avoir pas été aiguisé.
Seule, dans cet abîme de silence, elle a froid.
Elle regrette son décolté qu'elle troquerait volontiers contre un pull. Mais lorsque le jour sera levé, elle s’exhibera, fière, et les pêcheurs de Fushia la regarderont.
Sur la partie dévoilée de son sein, on peut lire une phrase tatouée d'une écriture agréable : "Demain dès l'aube...". Qui ne connait pas ce poème?
Brisant le calme précédant l'aube, elle effectue quelques mouvements, pivotant sur place, son sabre semblant glisser dans le vent. Elle soulève autour d'elle des grains de sable, et sa silhouette trouble, que masque le nuage, parait danser. Enfin, elle s'arrête.
Son front est baigné d'une sueur glacée. Il fait vraiment très froid, aujourd'hui.
On peut voir des cernes sous ses yeux. Il faudrait qu'elle trouve un endroit où dormir. La nuit finira par avoir raison d'elle. C'est dangereux, la nuit. Elle nous enveloppe, de son amère étreinte, et ne nous relâche que lorsque l'astre de jour ne daigne se montrer. Mais, durant tout ce temps, si l'on se laisse bercer par le sommeil, qui sait si l'on en apercevra les rayons? Qui sait si l'on ne sera pas condamné à errer pour l'éternité dans cet amas d'obscurité?
La jeune fille se méfie de la nuit. On est jamais trop prudent.
Mais elle se méfie du jour aussi.
Car, quand vient celui-ci, nos préoccupations accourent aussitôt à sa suite.
Qu'allait-elle bien pouvoir manger aujourd'hui?
Elle souhaitait au possible économiser les 8000 berrys qui lui restaient jusqu'à la fin du mois. Mais il lui fallait se nourrir. Une heure sans doute s'est écoulée depuis le début de son entraînement.
Elle range finalement le katana dans son fourreau et prend la route qui mène aux habitations.
Un quart d'heure plus tard, elle voit enfin s'étaler devant elle le village de Fushia. Les premiers habitants s'éveillent : Au coin de la rue, une alléchante odeur de pain vient assaillir les narines de la vagabonde. Elle s'approche, et découvre le boulanger du village en plein ouvrage. Il entasse dans sa vitrine viennoiseries et baguettes en tout genre : par chance, il ne l'a pas aperçue. Discrètement, elle saisit un pain au chocolat et le dissimule dans son sac. Alors qu'elle s'éloigne hâtivement du commerce, elle aperçoit un individu de grande taille, la fixant avec insistance, de l'autre côté de la rue. La peur la fait tressaillir : L'a-t-il vue ?
Sa main effleure le fourreau de son arme. Craintive, elle dévisage cet homme de taille colossale qui se dresse face à elle.
Pourvu qu'il ne soit pas de la marine.
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L'aube. Premières lueurs du jour, un jour nouveau. Avec lui naît son lot d'ennuis propre à chacun, ainsi que quelques rares joyeuses nouvelles. Pas assez pour gommer les galères que nous subissons. L'agent Kar est  depuis maintenant quelques jours sans mission, traînant ici et là dans l'immensité du royaume de Goa. Il ne peut s'en empêcher, de protéger ces terres de possibles criminels, même un jour de repos. Il ne dort que très peu, ne parvient jamais à trouver le sommeil plusieurs heures d'affilées. Un cauchemar vient le prendre à la gorge lorsque cela arrive. Il se relève de son lit, gouttes de sueur au front, la respiration saccadée, la fatigue envolée. Jamais il ne fait l'erreur de vouloir se recoucher, c'est inutile. Rester allongé dans ses draps, les yeux grands ouvert, perdus dans la pénombre, sans parvenir à replonger dans sa torpeur, ce n'est pas pour lui.

Il laisse cela aux bureaucrates. Personnes coincées derrière un bureau et une pile affolante de paperasses, qui doivent leur sort misérable à leur incompétence sur le terrain. Les tâches du Cipher Pole. Celles qui doivent être nettoyées un jour ou l'autre, car elles commettent des délits afin de pimenter d'un soupçon de danger leur pathétique petite vie merdique. Ansèth quitte sa chambre, sort de l'auberge et met le nez dehors. La fraîcheur lui met une claque au visage. Pas une petite. Le genre à lui faire regretter de ne pas réussir à pioncer. Il peste un coup avant de s'élancer vers une quelconque direction. Fushia est encore éteint à cette heure, seuls pécheurs et marchands sont à l'éveil, préparant le terrain avant le réveil du reste du village. Rapidement, les boutiques se mettent en marchent, diffusant un mélange d'arômes titillant l'odorant.

L'homme du gouvernement se laisse entraîner, oublie un instant ce qu'il est et pourquoi il l'est. Une minute de répit avant que frappe de nouveau, et sous ses yeux, le crime. Une main frêle se saisit d'un pain au chocolat, tandis que le boulanger a le dos tourné. Aussitôt, la main se rabat et cache son larcin dans un sac, son propriétaire met immédiatement les voiles avant que les choses tournent mal. Seulement il est déjà trop tard. La justice est là, dardant de ses yeux accusateur la voleuse, qui ne manque pas de s'en rendre compte. Elle sait qu'il sait. Elle tressaille, il doit l'intimider. Pourtant, lui n'esquisse pas le moindre geste, pas un son ne sorte de sa bouche. Son regard en revanche, en dit long.

Colère, principalement de la colère, comme à chaque fois qu'il s'apprête à juger un criminel. Déception, envers cette existence qui ne fait de fleur à personne, pas même une gamine de son envergure. Et surtout, de la pitié. Elle est trop jeune pour voir sa vie enlever des mains de la brute qu'il incarne. Il ne va pas la frapper, encore moins la tuer. Le fait qu'elle envisage la possibilité de le trancher de son sabre ne change pas sa décision, il l'épargne. Avant, il faut tout de même s'assurer qu'elle ne recommence pas. Et qu'elle répare son écart. D'un pas lourd, il s'avance. Elle peut tenter de fuir, il la retrouvera. Libre à elle de brandir sa lame et tenter sa chance, mais alors qu'elle frappe avec la ferme intention de tuer.

Le mieux est de ne pas broncher, d'attendre qu'il vienne à son niveau, comme c'est désormais le cas. Son bras droit se tend dans la direction de son sac, renfermant l'objet volé. Il attend que de sa propre volonté, elle dépose ce pain chocolaté dans le creux de sa main gantée. Lorsque ce sera fait, si c'est fait, il espère l'amener présenter ses excuses à l'artisan, avant de lui rendre ce qui lui appartient. Refuser de s'exécuter n'est pas interdit. Elle le peut, si elle le veut. Elle doit simplement comprendre qu'il ne sera pas aussi clément que la première fois.


Dernière édition par Kar H. Ansèth le Jeu 17 Oct 2013 - 15:19, édité 3 fois
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Un pain au chocolat.
Cent grammes de farine. Cinquante grammes de beurre. Dix grammes de sucre. Dix grammes de chocolat. 3 heures de préparation. Un quart d'heure de cuisson. Un délit.

Il attend. Une main tendue, comme un secours que l'on porte à autrui. Comme pour aider quelqu'un à se relever. Mais non. Il veut qu'elle le lui rende. C'est tout. Ironie du geste.



Éviter de s'attirer des ennuis. Voilà quelque chose de sage. Après tout c'était elle la fautive : Si elle ne s’était pas fait prendre, personne n’aurait eu conscience de son acte. Pas même le boulanger. L’existence de ce maigre repas n’aurait été connue que d’elle-même. Ce n’aurait pas été un vol. Juste de quoi nourrir l’estomac criant famine d’une promeneuse du petit matin. Mais elle n’avait pas pris garde à s’assurer qu’elle était seule dans la rue : En plus d’être une voleuse, elle était imprudente.

Osera-t-elle le rendre ? Il lui suffira de chaparder quelque chose d’autre lorsqu’il sera reparti. De quoi se mêle-t-il, d’abord ? Si le pain ne voulait pas être pris, il n’avait qu’à le signaler. Mais il se fiche bien d’être payé. Après tout, quitte à disparaître dans un gouffre de chair, pourquoi ne finirait-il pas dans sa bouche ? Ne méritait-elle pas de manger, comme tout le monde ?

Elle dévisage l’homme. Bien taillé, le bougre. Pas d’échappatoire en vue. Se croit-il incarnation de la Justice ? Quelle farce ! Voilà bien longtemps qu’elle s’est fait la malle, amie Justice. Elle est partie, du jour au lendemain, sans prévenir. Elle n’a rien emporté, si ce n’est ses valeurs et ses idéaux. Ses morales de pacotille. Tout ça n’a plus de place ici, sur l’île de Dawn. Qu’elle les garde !

Le regard de Kyo passe de l’inconnu au sabre. Peut-elle réellement prétendre être un samouraï si elle se soumet à la volonté d’un étranger ? Monsieur, ce n’est plus une question de vol, c’est une question d’honneur. Mais peut-on réellement parler d’honneur lorsque l’on est condamnée à vivre au jour le jour ? Lorsque ses utopies ont fuies rejoindre la Justice à l’autre bout du monde, au pays du soleil levant ? Je vous le demande, monsieur le héros contemporain. Non, bien sûr. Son honneur est mort et enterré. Seule reste sa fierté. Ridicule notion qui lui empêche de raisonner. Elle soupire.

Sortant l’objet convoité de son sac, elle le fait glisser entre ses doigts. Il est gras, et chaud encore. Tu le vois, n’est-ce pas ? C’est ça que tu veux ? Et, au nom de tes valeurs puériles, tu m’ôterais donc le pain de la bouche ? Soit. Je te le rends. Et si les miséreux meurent toujours de faim chez nous, ne prétendez pas faire votre possible pour les aider. Si vous voulez faire le bien, allez voir sous les ponts, dans les auberges malfamées, les ruelles lépreuses. Là vous verrez ceux à qui vous pourriez être utile. Mais vous ne le ferez pas. Parce qu’aucun de vous n’a le courage de voir la vérité en face. Parlez au nom de la justice, parlez. Mais ne vous étonnez pas si l’écho de vos exploits ne parvient pas jusqu’au peuple.

Elle tend le pain à l’homme, portant sa pensée dans le regard. Mais elle se tait.
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Le choix est finalement le bon, la nourriture volée à son propriétaire est restituée à l'agent du gouvernement. Durant le temps qu'a duré l'échange de regards, ce dernier n'a pas tremblé. Son visage ne s'est pas adouci jusqu'à ce que le pain au chocolat termine dans sa main, en sécurité. Homme intègre, esprit rôdé à ce genre de situation, il n'aurait jamais cédé. Et si sa réaction peut paraître disproportionnée pour un si léger larcin, lui s'en fiche éperdument. Un vol est un vol. Un crime reste un crime, aussi insignifiant soit-il. Qui vole un œuf, vole un bœuf. Elle n'est pas la première à s'engager dans cette voie, en débutant par des délits mineurs. Son expérience lui a appris qu'aucun ne parvient jamais à en rester là.

Suis-moi.

Il n'attend pas de contestation de la part de l’adolescente. Il est bien décidé à la tirer du merdier dans lequel elle patauge. Et pour y parvenir, il va falloir accomplir les choses dans l'ordre et bien les exécuter. Si elle pouvait y mettre du sien, on y passerait moins de temps, tout le monde y gagnerait, spécialement elle. Retour au boulanger, devant sa vitrine. Viennoiserie dans une main, une dizaine de berrys dans l'autre, je lui explique la situation et le dédommage pour m'assurer que l'affaire en reste là. Pour conclure le tout, une seule et unique chose est attendue de la part de l'enfant, des excuses. Quelques mots innocents, visant à se faire pardonner. Sur un ton convaincant si possible, et on passe à autre chose.

Maintenant que tu n'as plus rien à te reprocher, prends ceci.

De sa main gantée de cuir, il sort de la poche de son costume une bourse pleine de pièces qui s'entrechoquent dans le mouvement. Le bruit caractéristique suffisant à signaler à quiconque l'entend le contenu du sac. De cette bourse, Kar fait tomber quelques berrys dans les frêles menottes de la petite fille. C'est au total dix mille berrys qui sont déversés, offert gratuitement. Avec une telle somme, elle devrait repousser la tentation de jouer les voleuses durant un certain temps. Pas indéfiniment, malheureusement, et cela l'attristait. La réalité étant qu'il ne pouvait pas faire grand-chose de plus pour lui venir en aide. S'il était efficace pour nettoyer les rues de la criminalité, il se révélait bien médiocre pour combattre un fléau plus dangereux encore.

L'un de ceux qui engendre le crime, la misère. Corruptible, éternelle, il n'y a rien d'efficace contre elle, pas même le temps. Chaque jour, elle ronge l'âme de personnes dans le besoin, parfois honnêtes, parfois pas. Personne n'est épargné ni à l'abri qu'elle vous tombe dessus, pas même le plus riche des milliardaires. Elle guette, choisissant ses proies, en observant de potentielles, frappant fort et ne laissant qu'une infime probabilité de s'en tirer. Aujourd'hui, dès l'aube, une main s'est tendue vers Kyo. Non pas uniquement pour la réprimander et ramener ce pain au chocolat à l'artisan. Cette main veut également prendre celle de l'enfant et l'extirper des griffes de la pauvreté.

Qui aurait pu s'y attendre à en observer le regard sévère du déplumé ? De  longues secondes s'écoulent après ce premier geste effectué, sans qu'aucun des deux ne rompt le silence. Finalement, le visage de l'agent se détend, un sourire chaleureux prend forme, rapidement talonné d'un rire léger. La situation n'a rien de comique et il le sait que trop bien. Il est ainsi. Particulier. Capable de se montrer cruel avec les âmes passant du mauvais côté de la barrière et l'instant d'après, de rayonner de bonheur. De rassurer la conscience d'une jeune femme qui s'imaginait avoir le droit au discours moralisateur du parfait petit héros. Pénible et inutile. Cela ne lui ressemble pas, à notre homme.

Aaaah ! J'ai horreur de ces moments ! Ceux où je suis obligé de froncer les sourcils et prendre un air grincheux, pour que les petites têtes dans ton genre me prennent au sérieux quand je veux faire passer un message ! J'en suis forcé ! Et je n'aime pas ça, les rides s’agglutinent sur mon front quand j'agis de la sorte...

Le physique, il y accorde tellement d'importance ! Entre les plis s'accumulant malgré sa volonté sur sa face et une calvitie précoce très préoccupante le forçant à se raser, l'agent était gâté... L'imperfection existe, il en est la preuve. Ses supérieurs n'ont de cesse de lui rappeler à chaque fin de mission. S'il est intervenu présentement, ce n'est que pour éviter à quelqu'un de pure de mal tourner. Arborant désormais un faciès plus enthousiaste, presque consolateur, Kar désigne d'un mouvement de tête le centre du village, là où commence à régner une certaine atmosphère conviviale, la journée débutant à peine. Une invitation à le suivre encore un moment, qu'il accompagne de brèves paroles, espérant réussir à la convaincre.  

Viens avec moi, je connais une taverne qui sert d'excellents repas et ne t'en fais pas pour l'argent, c'est moi qui invite. Tu mourrais de faim, non ? Alors presse-toi un peu, mon ventre se retourne dans tous les sens depuis que je suis levé !

Il fit volte-face, direction la taverne.
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Pourriture. Vois ton visage impassible, tes yeux ternes. M’enfin. De toute façon tu dois être de ces merdeux qui voient pas plus loin que le bout de leur nez. Pas plus loin que ce qui les implique, ce qui les touche, ces misérables émotions qui leur troublent la vue et leur broient le ventre. Pas plus loin que leur vérité. Mais y a pas de vérité tu sais. Chacun la sienne.

Tu vaux pas mieux que moi au fond. J’ai vécu, tu vois. Pour toi je ne suis qu’un regard, qu’un acte, qu’un instant. Tu es fier de m’avoir arrêtée, tant mieux. Et ce soir à la taverne, tout en faisant résonner sur la table la chope d’une bière que tu viendras de vider, tu seras déjà bien loin de moi. Mon regard te juge. J’te connais pas tu sais. Mais chacun de tes gestes veut dire plus que cent mots. Au fond de tes pupilles je vois le monde. Tu le sais pas encore, mais on est bien plus proche que c’que t’imagines. Nos vies se sont croisées, mêlées, et heurtées. Les choses auraient pu être différentes, mais non. C’est ainsi. A quoi tu penses, gars ?


Sa bouille de jeune femme le dévisage. Dans sa moue un peu perdue, la douleur. Un concentré de haine. Une figure rongée par les préoccupations de la vie. Un être nourri de quelque essence mystique qui coule en chaque individu et lui donne la force de se relever, même si ça fait mal.

« Suis-moi. »

Elle s’exécute.

Voilà, satisfait ? Me voilà lavée de mon crime. Ça m’en fait une belle jambe. Comme si j’allais en ressortir purifiée. Comme si ça m’avait changée. Comme si y en avait pas eu d’autres avant. Et y en aura des prochaines, tu sais. Ouais, je t’aime pas. Je pourrais même dire que je te déteste. J’le ferais pas. J’ai pas peur hein. C’est juste que ça servirait à rien.

En fait je n’aime personne. Y a pas de monde, y a pas de gens, que des utopies. Et moi je suis la Solitude, la veuve en manteau noir laissée sur le bord de la route, en souvenir. Parce qu’il s’en fout de moi le monde. Quoi que je fasse, ça l’empêchera pas de tourner. Si je m’en vais demain qui me pleurera ? Je suis restée là parce que ça faisait beau, ça faisait propre. Mais dans mes traits tous voyaient le portrait de celle qu’ils voulaient oublier. J’ai mutilé mon visage, le vois-tu ? Ces tatouages, ces piercings, cette cicatrice, ces cheveux ridiculement abîmés. Je suis vilaine hein ? Mais regarde-moi bien dans les yeux. Tu vois ce bleu ? Ce putain de bleu, il attire encore le regard de curieux qui veulent s’y promener. Je ne veux pas qu’on me voie, moi. Je veux être invisible, puis un jour, éclater. En attendant je suis un fantôme, une âme en peine. C’est tout.


Elle marmonne deux trois mots inaudibles, les voici les excuses.

On sort de l’échoppe. Et voilà que tu souris, bougre, que tu me verses dans les mains une somme surprenante d’argent. Pourquoi fais-tu ça ? Si tu veux m’acheter, ce n’est pas la peine. J’ai beau n’être qu’une adolescente je ne suis pas naïve. Crois-tu vraiment que je vole parce que l’argent me manque ? Si je le voulais, je serais jambes et bras croisés dans la plus vaste demeure que tu aies jamais vue, où tu n’oserais pas envisager d’entrer. Je dégusterais les plus succulents des mets, et n’aurais d’autres loisirs que de choisir mes tenues et peigner mes cheveux. Mais je ne suis pas de cette trempe là. Ma mère a du se tromper lorsqu’elle m’a conçu. Elle ne m’a pas modelée de son caractère et de son tempérament. Elle m’a faite misérable, malveillante et solitaire. Égoïste. Moi je veux vivre par moi-même, quitte à en crever. Quitte à tromper d’honnêtes gens, quitte à trahir ceux qui aspirent à me venir en aide. Je garde l’argent, tu permets ? Il me servira d’une manière ou d’une autre.

« Aaaah ! J’ai horreur de ces moments ! Ceux où je suis obligé de froncer les sourcils et prendre un air grincheux, pour que les petites têtes dans ton genre me prennent au sérieux quand je veux faire passer un message ! J’en suis forcé ! Et je n’aime pas ça, les rides s’agglutinent sur mon front quand j’agis de la sorte… »

Le visage de la jeune fille se décompose.

Te joues-tu de moi ? Je n’aime pas ça. Contente-toi de jouer à l’apprenti justicier et laisse moi respirer. Ne viens pas embrumer mon esprit avec ta morale et tes manières. Je n’aime pas les saints. Occupes toi de toi-même, de tes parents, de ta femme et de tes enfants. Et ne viens pas me torturer de la sorte. Je veux que l’on me laisse, que l’on m’oublie, que l’on m’ignore, et même que l’on me toise s’il leur plaît. Tu me tends la main, et moi je vais y croire. Puis tu te joueras de moi comme tous les autres auparavant, et je serais seule à nouveau. Je découvrirais une fois de plus l’amer parfum du regret. Alors rend-moi ma faim, mes vertiges et ma nausée. Laisse moi crever la dalle de l’autre côté du trottoir. C’est comme ça que je vis, que je respire, que je suis.

« Viens avec moi, je connais une taverne qui sert d’excellents repas, et ne t’en fais pas pour l’argent, c’est moi qui invite. Tu mourrais de faim non ? Alors presse-toi un peu, mon ventre se retourne dans tous les sens depuis que je suis levé ! »

Serait-ce une farce ? Le voilà maintenant qui m’invite à déjeuner. Tu veux être brave jusqu’au bout, c’est ça ? Tu ne vois donc pas à quel point je suis pourrie ? Es-tu aveugle ? Je suis sale, meurtrie, vide. La Misère souille mon âme. Tu penses que c’est de n’avoir pas de quoi manger, pas de quoi vivre. Tu te trompes, gars. La Misère est subtile. Elle se niche dans les failles de votre âme, que vous soyez pauvre, riche, laid ou beau. Et alors vous vous devez de tout laisser tomber, vous tentez de fuir avant qu’elle ne vous corrompe. Mais où que vous alliez, elle vous poursuit et lance contre vous ses soldats, déchaine contre vous sa colère. Vous n’avez rien mais elle ne vous laisse pas tomber pour autant. Elle en veut encore. Alors elle vous ronge la peau, puis les os, et bois votre vie jusqu’à la dernière goutte. Le lendemain on vous retrouve alors au coin d’une rue, ou sous un pont, le sourire aux lèvres. On hurle, on s’agite, on appelle au secours. On passe sa main sur votre front. Vous êtes froid. Pourquoi cette expression satisfaite ? Parce qu’enfin elle vous a lâché cette sangsue. Vous êtes là, tout ce qu’il y a de plus mort, et pourtant vous avez vaincu.

Moi je vais te suivre gars. Parce que tu vois, j’suis pas assez forte. Pas assez pour me retourner, et dire que j’ai pas besoin d’aide. Pour me tirer, comme ça, sans rien ajouter. J’ai faim tu vois. Et j’compte pas y rester. Alors je vais manger de ton pain, à tes frais. Sans remords. T’as pas l’air d’être un mauvais type au fond, mais c’est comme ça. C’est chacun pour soi et puis c’est tout.


La vagabonde le suit, se demandant ainsi quelles motivations anime cet homme. Elle ne dit rien. Parler serait un sacrilège. Elle ne veut pas apprendre à le connaître, qu’il essaie de la comprendre. Elle veut manger, et puis c’est tout.
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La petite, ce n'est pas ce qu'on appelle une personne bien loquace. Depuis qu'il s'est interposé entre son repas et elle, cette dernière n'a pas décroché un mot. Pas un son n'est venu étirer ses lèvres. Et cela commence à en être frustrant. A tel point qu'en l'observant bien, l'agent commence sérieusement à douter. Ne serait-elle pas dans l'incapacité de parler ? Qu'elle se révèle privée de l'usage de la parole expliquerait au moins ce comportement singulier. Il lui a tout de même fait reposer son larcin, avant de l'obliger à s'excuser pour son crime et maintenant, la contraignait à le suivre et elle ne trouvait rien à y redire ? N'avait-elle pas le désir brûlant d'exprimer sa colère face à cette situation ?

Il fit la moue, ne pouvant s'empêcher d'éprouver de la pitié pour cette gamine à qui le monde ne faisait vraisemblablement aucun cadeau. Comme si affronter la misère dans la solitude ne suffisait pas, il lui fallait également le faire dans un mutisme absolu. Si toutefois, les suppositions qu'il émettait à son sujet se révélaient être exactes. Son apparence l'amenait sur cette piste, il en était peut-être toute autre chose, ce qui aurait été préférable à dire vrai. Au moins son ouïe était-elle préservée, puisqu'elle le suivait de près, jusqu'au restaurant le plus proche du village. Restaurant étant un bien grand mot dans un village aussi modeste, cela suffirait amplement néanmoins pour combler la faim grandissante du matin.

Ses doigts agrippèrent la poignée de la porte et la poussant, l'agent de seconde catégorie s’engouffra à l'intérieur, Kyo à sa suite. Tous deux traversèrent la pièce, se faufilant entre les tables et chaises de l'établissement, pour une grande majorité occupées. En un rapide coup d’œil expert, l'habitude du métier, le déplumé analysa le type de clientèle occupant ces lieux. Principalement de simples civils, tous vivant modestement, ainsi que quelques rares plus fortunés. Il remarque l'air patibulaire d'un trio de gaillards sur sa gauche, et bifurqua immédiatement sur sa droite, choisissant finalement une table. S'asseyant sans même prendre la peine de tirer la chaise pour l'enfant.

Je ne connais pas ce restaurant, aussi il va te falloir te fier à ton estomac pour le choix du repas.

Le ton chaleureux qu'il prenait avait l'air d'agacer la frêle petite chose à qui il venait en aide. Il fit mine de ne rien remarquer, poursuivant dans son rôle de l'homme bienveillant. Pouvait-on réellement de rôle ? Il n'avait pas à se forcer, c'est ainsi qu'il était, tout simplement. Qu'elle ne soit pas le genre à apprécier qu'on veuille la soulager un temps de son fardeau, il s'en moquait bien. Lui ne la lâcherait pas avant de s'être assuré qu'elle avale un copieux repas et qu'elle ait un toit sous lequel se reposer pour la journée et la nuit à venir. Au lendemain, il quitterait Fushia et ne serait plus un problème, en attendant, elle devrait subir sa présence. D'un geste de la main, il fait signe au serveur de venir prendre les commandes.

Un steak de buffle des îles de Grand Line pour moi, avec un verre de rhum s'il vous plaît.

Il reporte immédiatement son attention sur la table à quelques mètres dans le dos de l'adolescente. Celle des trois hommes à l'allure peu commode. Il a évidemment pris le soin de se placer de sorte à les garder continuellement dans son champ de vision. Simple précaution. Laisser le soin à la fillette de commander soi-même son repas répondra à la principale question lui taraudant l'esprit, peut--elle parler ? Si c'est le cas, cela la forcera à briser son silence préoccupant. Et s'il se révèle qu'elle soit atteinte de mutité, alors devra-t-il trouver un moyen de la faire communiquer autrement que par la parole.

Dis petite, c'est quoi ton nom ? J'en connais un qui en aurait bien besoin de ce nom, pour savoir comment t'appeler...

Vrai que c'est compliqué de diversifier les synonymes de gamine durant tout un sujet. Allez, si cela peut l'encourager, amenons-le à se présenter le premier.

Moi c'est Kar. Kar Hillson Ansèth. Pour toi, ce sera Kar si tu le veux. Pas Karie, pas Kareaux, juste Kar.

Oui, ceci était une pathétique tentative d'humour de notre chez protagoniste. Il le croit doué dans le domaine, l'idiot, mais il ne l'est pas. Et nous n'avons aucun moyen de le lui faire comprendre, à notre grand regret...
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