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Un tournoi plus ou moins légal

L'île approchait. Une bonne demi-heure plus tôt, au cri de « Terre en vue ! », nombre de passagers étaient montés sur le pont. Mais la vigie devait avoir de bons yeux, car Verterre était encore au loin. Même moi, je la voyais à peine.

A présent, je pouvais voir des pics montagneux se détachant au loin, le verdoiement des prairies et des forêts, et le gris de la côte. Le navire s'approche, et aborde l'un des pontons d'amarrage du port. J'observe la manœuvre, rapidement et efficacement effectuée par les marins, manifestement chevronnés. Puis on débarque, enfin.

Je ne sais même pas comment s'appelle l'équipage de Valtien. Sur Silthe, ils étaient nommés « les corbeaux », car apparemment, leur pavillon était doté d'un de ces volatiles (quoique personne n'ait pu me le décrire précisément). Mais ils devaient bien avoir un nom officiel. Ne pas le connaître allait compliquer mes recherches, mais bon, je ferais avec.

Première étape, le QG de la marine local. S'ils sont sympa, ils m'écouteront, et pourront peut-être me renseigner. Si ce sont des connards... Deuxième étape, trouver des gens sympa dans la ville, prêter l'oreille aux rumeurs... Troisième étape, se faire de l'argent. Parce que je n'irais pas loin avec des piécettes. Rien d'insurmontable en somme. Il me faut juste énormément de chance et que tout se goupille parfaitement, et je pourrais suivre les corbeaux...

Un peu démoralisé, je marche vers le QG, surplombant la ville. Il est fermé. Pas de gardes, personne près de l'entrée. Je suis un peu surpris, pour le coup. C'est une base désaffecté, ou ils partent tous pour le déjeuner ? C'est quoi ces guignols...

"Salut. Tu fais quoi là ?"

Un marine m'interpelle du haut des remparts. Ah baa, pas trop tôt.

"Je viens d'arriver sur cette île. Je cherche des renseignements sur un équipage pirate qui a attaqué mon royaume."
"T'es pas au bon endroit mon gars. Ici c'est la caserne, où on loge et on s'entraîne, mais pour faciliter le contact avec les civils, on a une attache en ville. C'est là qu'on fait tout l'administratif. C'est eux qu'il faut que t'aille voir."

Génial... Le marine m'indique le nom de la rue, et je redescends en ville. Un aller-retour pour rien. Je me dirige à l'endroit mentionné, et vois en effet un panneau stipulant que l'endroit appartient à la marine.

"Maman, le monsieur il n'a qu'un œil !"
"Chut Timothée !"
"Mais c'est moche !"

La mère se dépêche d'emmener son rejeton. Sale gosse... Je les regarde partir d'un air mauvais, puis entre dans le bureau. L'endroit est agréable. Un comptoir en noyer, manifestement bien ciré, occupe la majeure partie de la pièce. L'endroit sent le bois et le café. Un employé boit dans une tasse en lisant le journal, ne m'ayant manifestement pas vu entrer. Son uniforme blanc et bleu le désigne comme un marine, mais il a une barrette sur chaque épaulette. Un sous-officier sans doute.

"Bonjour."
"Bonjour. En quoi puis-je vous aider ?"

Le ton de la voix est neutre, mais engageant. Quelqu'un qui pousse les gens à parler. C'était sans doute un bon choix de le caler à l'administratif. Un petit badge sur son uniforme annonce le caporal Young.

"Je cherche des informations."
"Quel genre d'informations ?"
"Je viens du royaume de Silthe. J'ai été envoyé par le maître marchand Peltar, qui a été dévalisé. Des pirates ont attaqués son navire alors qu'il allait prendre la mer, pillant sa cargaison."
"Je n'étais pas au courant d'un tel événement. Et qu'est-ce qui vous amène sur Verterre ?"
"Les pirates se sont enfuis, et maître Peltar souhaiterait savoir s'ils ont été arrêtés, pour que sa cargaison lui soit restitué. Il m'a donc envoyé sur leurs traces pour découvrir ce qu'ils étaient devenus."
"Je vous souhaite bien du courage alors. Les biens confisqués aux pirates retrouvent rarement leurs propriétaires d'origines. Vous avez intérêt à avoir plein de papiers certifiant la propriété des objets volés, mais même avec, ça prendra du temps."
"Ne m'en parlez pas... Je crois que je ne rentrerais pas de chez moi de sitôt..."
"A supposer que les pirates soient arrêtés. Vous avez leur nom d'équipage, la description du pavillon, un moyen d'identification ?"
"J'ignore comment ils se nomment eux-mêmes, mais nous les appelons les corbeaux. D'après les témoins visuel, leur pavillon arbore un corbeau sur des os."
"Ça ne me dit rien. Je vais aller chercher le livre qui recense les équipages pirates. Prenez du café en attendant, si vous voulez."

Le marine ouvre une porte derrière le comptoir, et me voilà seul. Bon. Je prends une tasse et me sert du café. Celle du sous-officier est toujours là. Tiens, c'est l'occasion de tester le mélange de restes de plantes que j'ai fait en partant de Silthe. Je vérifie qu'il n'y a personne aux alentours pouvant me voir, puis sort une fiole en verre d'une des poches de ma veste, et en vide quelques gouttes dans la tasse oubliée.
Je sirote tranquillement mon café lorsque le caporal revient, un lourd volume dans les bras.

"Bon, regardons ça."
"Votre café n'est pas fabuleux."
"Ah ? Désolé qu'il ne vous plaise pas."

C'est surtout ma remarque qui ne lui a pas plu, et comme pour me contredire, il avale une gorgée de sa tasse, et fait une grimace, avant de lui jeter un drôle de regard. Puis il revient près du comptoir.

"Bon. Alors, les corbeaux... Rien. Mais si ce n'est pas leur nom, c'est normal. Dans les pavillons, en revanche, on n'a rien avec un corbeau non plus. Ni même un quelconque oiseau."
"Donc ils ne sont pas recensés."
"Non. Ça veut dire que nous n'avons aucune information sur eux pour l'instant. C'est peut-être un équipage récent. Si ça se trouve, vous aurez des nouvelles d'eux dans les mois qui viennent. Mais pour l'instant, je ne peux pas vous aider. Il faut dire que nous sommes une petite base un peu isolée, qui n'a pas les dernières nouvelles. Si vous allez sur Inu Town ou Manshon, vous en saurez peut-être plus. Luvneel est aussi un grand royaume. Le plus grand de North Blue. Mais là-bas, il n'y a pas de marine, il faudra se renseigner autrement."
"D'accord. Merci de votre aide caporal."
"De rien."

Rien ici. Ce sont des pirates inconnus. C'est le pire scénario possible. Ecouter les rumeurs ne sert à rien non plus, personne ne sera au courant de plus que ce que savent ces gens, ou que ce que j'ai appris sur Silthe. Inu, Manshon ou Luvneel donc... Mais pour aller là-bas, il me faut de l'argent. Je suis très mal barré...

J'entends alors un râle puis des crachats. Je me retourne, et voit le sous-officier qui commence à vomir. Tiens, intéressant ça.

"Ça va ?"

Je me rapproche. L'homme est en sueur, se tient au comptoir et recommence à vomir. Je vois son ventre tressaillir. Des spasmes stomacaux ? Je m'approche, le prend par le bras, et l'aide à se redresser.

"Venez, on va s’asseoir là-bas, rester debout est une mauvaise idée quand on n'est pas bien."
"Merci... Je crois que vous aviez raison. Pas bon le café."
"Il n'avait pas très bon goût, mais de là à vous faire régurgiter le petit déjeuner... Vous avez mangé quoi récemment ?"

L'homme me fit signe de s'éloigner, eut quelques spasmes et se remit à vomir. Oui, définitivement une réaction déclenchée par l'estomac. Et rapide. Cependant il avait déjà l'air d'aller mieux. Potion à utilité peu évidente, donc, mais qui valait le coup d'être notée quelque part.
Cinq minutes plus tard, le caporal se sent mieux, mon départ ne sera pas suspect, et j'ai mentalement noté les différents stades qu'il a vécu, je repars donc.

Manshon, Inu town et Luvneel. Mes meilleurs chances d'en apprendre un peu plus sur l’équipage de Valtien... Et bien j'irais les visiter, toutes les trois s'il le faut, et j'apprendrais où ils sont. Je ne lâcherais pas l'affaire.

A supposer que ce Valtien soit bien ton frère...
"Ça doit être lui. Ça ne peut que être lui. Il faut que ce soit lui..."
Oui, je me doute que c'est important pour toi, mais évite de parler tout seul en pleine rue, les gens te regardent bizarrement.

Je lève la tête, et effectivement, on me regarde bizarrement. Il faut dire qu'entre mon bandeau qui recouvre mon œil gauche, mon manteau sale, et mes paroles destinées à moi-même, me and myself, je dois paraître curieux.
Je ne suis pas le seul à attirer les regards, pour autant. Un esclandre semble avoir lieu plus loin. Un grand type, presque ma taille parle fort là-bas. Son manteau à lui est impeccable, neuf ou presque et sans tâche. Couleur vert et or. En dessous habillé en blanc. Pas vraiment discret. Mais le plus étrange est sa coiffure. Déjà, il est blond, ce qui n'est pas courant dans cette ville, d'après ce que j'ai pu voir, mais surtout, il a trois nattes. Depuis quand les hommes se font des nattes ? C'est un travelo ?

"Incroyable. C'est du vin d'ici que vous me servez ? Apprenez que le grand Lloyd Barrel ne boit que du vin des îles !"
"Personne ne va livrer du vin des îles dans une petite ville comme la nôtre, mais notre production locale est excellente. Sinon, nous avons de la bière qui est aussi..."
"De la bière ! Vous voulez m'empoisonner ou quoi ? Je ne bois pas des choses aussi vulgaire."

Un snob. Sans doute un nobliau en villégiature.
Mes pas m'emmène à présent vers le port. Logique, il faut que je reprenne la mer. Mais avec quel argent ? Me voilà près des navires, et je marche, encore, sans but, sans réflexion, errant pour passer le temps. Se vider la tête de temps en temps, ça fait un bien fou. Me voilà dans une zone non construire. Je suis sorti de la ville. Plus rien ici, que l'herbe, les rochers, le sable et la mer. C'est apaisant.
Je saute dans le sable, et ôte mes chaussures. Mes pieds accueillent avec plaisir le sable doux et chaud. Le soleil à fait son œuvre, la température est agréable. Je m'enfonce un peu, et les grains me chatouillent les orteils. J'approche du bord, le sable devient plus dur et humide. J'avance encore, le voilà à présent meuble, alors que les vagues viennent me lécher les pieds.
Les pieds dans le sable, le bruit des vagues, du soleil. La perfection. Je m'allonge un moment, pour décompresser. C'est la première fois que je quitte Silthe après tout.

Je me réveille en sursaut. Le soleil a bien avancé, et ne va pas tarder à se coucher. Bon aller, la récréation est finie, il faut que je trouve du boulot. Je rentre en ville, et constate avec déception que les échoppes ferment. La recherche d'un emploi commencera demain. A moins que je ne vole ce dont j'ai besoin, ce serait sans doute bien plus rapide... En attendant, je me dirige vers un bar et m'y installe. Des marines y sont déjà, et semblent fêter quelque chose.

"À Poing d'acier, qui nous a encore fait rêver !"
"À la générosité de Thomson, qui nous invite tous ce soir !"
"Hé ! J'ai jamais dit que je vous invitait !"

Je m'installe aussi, commande une bière (encore des berries en moins, ouille...), mais avant même que je n'en ai bu une gorgée, l'un des marines, ayant manifestement déjà trop consommé, trébuche et s’étale sur ma table. Celle-ci se renverse. Pas ma choppe. Non, elle est projetée en l'air, décrit une trajectoire élégante se finissant droit sur mon nez. J'arrive de justesse à l'esquiver, évitant d'avoir les cartilages nasaux brisés, mais le contenu m'asperge abondamment au passage, et me voilà à présent sale ET puant le houblon...

"C'est une blague ou quoi..."
"Tu pouvais pas faire gaffe. Bordel."

Et en plus ce couillon de marine m'insulte !
Sans même réfléchir un instant aux conséquences, mon épée sort de son fourreau, et je me retrouve épée en main. Le marine s'est relevé, et me voyant arme en main, dégaine aussi. Un de ces compères vient l'aider. Les autres semblent plutôt vouloir calmer le jeu.

"Holà, du calme. Tetsuo, c'est de ta faute, alors rengaine."
"Nan nan nan, personne ne me fais de croche-pied sans le payer."

Crétin... Il s'approche de moi, confiant. Je prends mon épée à deux mains, et la lève, en garde du faucon. Il est droitier. Son copain aussi. Bon.

Il fonce et me donne un coup de taille aux côtes. Amateur. J'abats violemment mon épée sur mon flanc gauche, les deux lames se heurtent dans un bruit métallique. Le poids de mon coup, bien plus fort que le sien vu ma position dominante, déséquilibre sa prise. Ma main droite lâche la garde de mon arme. La gauche pivote, et ma lame vient bloquer la sienne, pointe vers le sol, afin qu'il ne puisse la remonter. Dans le même mouvement, j'avance la jambe droite, me retrouvant à quelques centimètres de lui, et le frappe violemment à la tête du poing droit. Le soudard retrouve le sol.
Son ami approche, mais je relève mon épée, et l'attrape à deux mains pour parer le coup. D'un grand mouvement circulaire, je nous désengage. Il n'est pas très rapide. Je met met en garde du serpent, cette fois-ci, mes poignets sur ma hanche gauche, la lame tenue à deux mains, pointe au sol derrière moi. L'homme se rapproche, mais cette fois-ci, c'est moi qui lui fonce dessus. La vitesse de charge et le coup porté à deux mains balaye sa faible défense, et le voilà lui aussi au sol pendant que son épée valdingue dans les airs.

Ils étaient cinq il me semble, les trois autres ont du dégainer maintenant. Je me tourne légèrement vers la droite. Tiens, non. Ils applaudissent...

"Impressionnant."
"Jolie technique à l'épée. La longueur de la lame est inhabituelle cependant. D'où venez-vous ?"

Attendez... Attendez... Il se passe quoi là ?
Ah, le soudard se relève.

"Putain... Les gars, aidez-moi."
"Bon, tu arrêtes tes conneries maintenant Tetsuo. C'était de ta faute et tu t'es fait étalé. N'en rajoutes pas."
"T'es vraiment nase Tetsuo. Je parierais jamais sur toi."

Les deux marines se relèvent, rouges sous les railleries de leurs camarades, mais leurs envies belliqueuses semblent passées.

"Cette épée, elle est faite pour se battre à la fois à deux mains ou d'une seule, c'est ça ?"
"Oui. C'est une épée à une main-et-demie."
"Première fois que je vois ça. C'est pratique, mais ça doit fatiguer plus vite que les sabres normaux. Dans une bataille qui dure, ça peut se retourner contre son utilisateur..."

Lui, il est pas bête. Si on se bat, il sera plus costaud que les deux d'avant...

"On s'en fout de l'épée. Dis moi mon gars, tu aimes te battre ?"
"Pas tant que ça..."
"Et l'argent ?"

Décidement, ce type est dangereux...

"Tout le monde a besoin d'argent à un moment ou à un autre..."
"Ouais. Et aussi de distraction. Il n'y a pas grand chose à faire ici. Alors on s'organise des combats régulièrement. Un tournoi à élimination directe."
"Et vous faites des paris sur les vainqueurs, c'est ça ?"
"Exactement. Les demi-finalistes gagnent 20 000 berries. Le finaliste 30 000, et le gagnant 50 000. Ça casse pas trois pattes à un canard, mais c'est le maximum qu'on peut donner aux gagnants sans que ceux qui organisent les paris ne perdent de l'argent."
"Et on cherche toujours de nouvelles têtes pour épicer un peu les combats et les paris. Voir toujours les mêmes combats et les mêmes gagnants, c'est morne."
"Et c'est légal ça ?"
"On a oublié de demander au commandant ce qu'il en pensait. Tant qu'il ne donne pas son avis, ce n'est pas illégal, et personne n'est a blâmé si c'est découvert un jour."
"Ce qui est pratique..."
"Ouais. Alors, interessé ?"

Et voilà comment on se retrouve quelques dizaines de minutes plus tard dans le sous-sol aménagé en arène d'une grande maison. Il y avait là une petite centaine de spectateurs. Et apparemment, une bonne quinzaine de participants.

"Seize combattants enregistrés. C'est parfait. Si tu gagne ton huitième et ton quart, tu es sur de repartir avec de l'argent, sympa non ? Seulement deux combats."
"Mouais. Quelles sont les règles ?"
"Combat libre. Armes de mêlée autorisées, mais pas les armes à feu. Il est interdit de tuer ou de blesser sérieusement l'adversaire."
"Pas de temps limite. Le vainqueur est déterminé lorsque son adversaire abandonne, ou s'il est mis KO. Encore une fois, attention de ne pas tuer."
"Les combattants sont tirés au sort au départ, ensuite, on suit le tableau ainsi fait, on ne re-tire pas au sort parmi les gagnants. On peut donc voir dès le tout début qui on peut affronter et si on les rencontrera en finale, en demi, en quart..."
"Ce qui permet de faire des paris pour savoir jusqu'où iront les favoris. Je vois le principe."
"Dernier point, les combattants utilisent des pseudonymes. Cela nous permet de discuter des combats, sans que les noms des impliqués circulent. Si l'arène est un jour interdite, personnes ne sera trahi comme participant par son nom."
"D'accord."
"Je t'ai inscrit comme Dead-eye. Bien, on va commencer le tirage au sort ?"
"QUOI ?"

Il se fout de moi ou il a voulu faire de l'humour à deux balles ? Dead-eye ? Mais sans se préoccuper de mon regard noir, il va au centre de l'arène, et fait un petit discours, puis tire des papiers avec des noms.

"Tu n'as pas l'air inquiet."
"A quoi ça sert de s'inquiéter ? C'est juste de la fatigue nerveuse."
"A quoi ça SERT ? Normalement, on ne choisit pas d'être inquiet."
"Ce n'est pas mon avis."
"Combattant numéro trois: un nouveau venu, Dead-eye."
"Ah, il vient de t'annoncer. On va savoir contre qui tu te bats."
"Combattant numéro quatre: Poing d'acier."

Des acclamations retentissent. Il a l'air d'être populaire.

"Ouch."
"Je peux en savoir un peu plus sur ce Poing d'acier que « ouch » ?"
"C'est l'un des deux favoris. Il a gagné le dernier tournoi, même si l'autre favori n'était pas là la dernière fois, il ne l'a pas volé. Il se bat à mains nues, c'est un boxeur. Il a un uppercut dévastateur."
"Un boxeur. Et j'ai droit à mon épée donc ?"
"Oui."

Bon. On, verra bien. Le tirage se poursuit.

"Combattant numéro sept: un autre nouveau venu, le Sérénissime Empereur de l'Univers !"

Le marine organisateur se marre en annonçant cela. Drôle de nom. Je me demande qui oserait s'appeler comme ça.
Le tirage se fini, j'y prête peu attention. Le premier combat commence, je l'observe. Après tout, si je gagne contre Poing d'acier, je me battrais contre le vainqueur de celui-ci. Mais les deux combattants sont d'un niveau guère plus élevé que le soudard du bar, et je me lasse vite du spectacle. Et puis le vainqueur est désigné, et me voilà appelé en piste. Je laisse derrière moi mon pistolet, et me dirige vers le centre de la salle. L'arène elle-même est circulaire, du sable a été étalé au sol pour éviter qu'on ne glisse sur un sol trop lisse. Tout autour, des gens qui crient des encouragements, hurlent des mises, annoncent le montant des paris pour chaque combattant... Et un nom encore et encore : Poing d'acier.

"Sacrément populaire."
"J'ai déjà gagné quatre tournois. Je suis classé deuxième au nombre de victoires finales. Encore trois victoires, et je serais premier."
"Ta vie est passionnante."

L'homme se met en garde, poings devant le visage. Puisqu'il prend une garde haute, autant que j'en prenne une basse. Je prends la posture du serpent, à ma droite.

"Commencez le combat !"

Mon adversaire s'approche à petit pas. Il est un peu plus petit que moi, mais bien plus épais et costaud. Je le laisse s'approcher. Un avantage des épées bâtardes, c'est leur portée. Je le laisse donc entrer dans la zone que je peux atteindre, et s'approcher encore un peu...
J'attaque d'un seul coup, fauchant au niveau des hanches. Interdiction de tuer ou non, si le coup avait porté, son intestin se viderait sur le sable. Mais Poing d'acier sauta en arrière, puis ressauta aussitôt en avant sur ma droite, alors que l'élan de mon coup emmenait mon arme à ma gauche.

Rapide ! Il utilise le haut de son corps comme balancier pour freiner ou accélérer, et des petits bonds pour se rapprocher ou s’éloigner tout en conservant une grande capacité de réaction. C'est sans aucun doute un boxeur confirmé. Je bondi immédiatement en arrière, tout en levant les bras. Ce qui me déséquilibre à cause du poids de l'épée, toujours en mouvement, mais je parviens à parer du coude le coup qui visait mon menton.

En équilibre précaire, il va me falloir au moins une seconde pour ramener mon épée. Je vais me faire défoncer. Je me laisse alors tomber à terre, repli aussitôt ma jambe droite, tentant de coincer la sienne, et roule sur le côté. Nous voilà tout deux par terre, et je me relève, épée en main, lui en garde, l'air furieux.

"Le problème des boxeurs, c'est qu'il ne savent pas se battre contre un ennemi au sol, non ?"
"Ça a marché une fois. La prochaine, je te casse les rotules tricheur !"
"Tricheur ? Ce n'est pas une compétition sportive. Depuis quand un combat s'embête de règles ?"

Sans répondre, il me fonce dessus. Je pare un coup avec mon épée, un deuxième est évité de justesse et mon oreille siffle et chauffe désagréablement. Son jeu de jambes est chiant. Il se précipite à l'intérieur de la portée maximale de mon épée, m'empêchant de bien utiliser son amplitude. Je saute en arrière, encore. Pas le choix... Je me met en garde du faucon, épée tenue au dessus de ma tête. Il s'approche doucement, méfiant. Le combat n'est sans doute pas aussi simple qu'il l'espérait.

Si je frappe fort dans cette position, il ne peut qu'éviter. Il ne va pas essayer de parer mon épée avec ses poings. Si je frappe au milieu, je suis mal. Mais si je frappe légèrement sur un côté, il esquivera de l'autre. Je n'aurais plus qu'à incurver la trajectoire dans le même mouvement, et je devrais avoir son flanc ou sa jambe. Et s'il tente le coup de folie d'esquiver du côté ou j'attaque, je n'aurais qu'à forcer et... Bon il mourra et je serais dans la merde. Mon dieu, faite qu'il essaye d'esquiver normalement.

Lentement, il approche, puis se rue sur moi. J'abaisse violemment mon arme sur sa droite, et il se projette sur sa gauche. Parfait. Je me tord violemment le torse vers ma droite. Je vois ses yeux s’éclairer de rage, il comprend qu'il ne peut éviter. Il tente tout de même, mais là, il ne sera pas assez rapide. Je tourne légèrement mes mains pour que le plat de la lame frappe, et non un des côtés tranchants, et je sens un choc plaisant dans mes bras. Sa jambe en prend un sacré coup.
Un deuxième choc beaucoup moins plaisant m'arrive dans la pommette. Et nous revoilà de nouveau tout deux par terre. Décidément, ce type est réellement costaud. Il a réussi à contre-attaquer dans cette situation, et m'a mis un bon pain dans la figure. J'ai la tête qui tourne, et je sens du sang dans ma bouche. Je me suis apparemment mordu l'intérieur d'une joue lors du coup. Je me remet à quatre pattes, puis me relève, difficilement. Vertiges... Nausées. Je me passe la main sur la figure. Ça va à peu près.

Poing d'acier se relève aussi. Mon coup lui a balayé la jambe droite, qui est venu percuter la gauche et l'a envoyé manger la poussière. Il semble avoir du mal à tenir debout. En fait, il tient debout sur une seule jambe.

"On arrête là, ta jambe est cassé."
"Je n'ai pas abandonné !"
"Rien à faire, c'est fini."

Je ne tiens pas à me faire écharper par sa centaine de potes qui nous regardent... Déjà que l'immense majorité semblent fous furieux. Ils avaient dus parier sur le favori, pas le petit nouveau.

"J'ai dit que je n'ai pas abandonné !"
"Ok... "

J'avance vers le marine courageux et borné. Bon combattant ceci dit. Et je lui abat mon épée sur le crâne. Sans cérémonie. Ce n'est pas comme s'il pouvait esquiver sur une jambe, de toute façon, et le fait qu'il ait mis les mains pour se protéger n'y change rien. Le voilà à terre, cette fois-ci pour de bon. Je quitte l'arène, fatigué. J'ai quand même pris une sale coup dans la figure, et je sens que celle-ci enfle. Sans compter que j'ai encore la tête qui tourne un peu...

"Incroyable, notre nouveau combattant, Dead-eye, sort Poing d'acier dès le premier tour et avance en quart de finale ! Et maintenant, le match suivant, entre..."
"Beau combat."
"Pas parler. Maintenant. "

J'ai envie de vomir. L'effet du coup à la tête. Le contre-coup en fait. Mal de crâne... Je n'observe pas le troisième match, dont on annonce vite le vainqueur.

"Le quatrième combat opposera le Sérénissime Empereur de l'Univers à..."

Mais c'est le type que j'ai vu en ville plus tôt ! Le snob qui avait l'air d'être un nobliau en vacances, avec ses nattes et son manteau brodé. Il sait se battre ?


Dernière édition par Yskino Haynell le Dim 21 Avr 2013 - 19:13, édité 1 fois
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Un tournoi plus ou moins légal.

1624.

Île de Verterre. North blue.

Je pose finalement le pied sur la terre ferme. Le plancher des vaches. Enfin. Un appui solide, sur lequel je peux m'ancrer solidement les jambes, sans prendre le risque de mouiller mes magnifiques habits. C'est pas non plus que je sois sensible à une forme quelconque de mal de mer, non, non, car je suis le grand Lloyd Barrel, mais je préfère tout simplement nettement être à quai plutôt qu'en pleine mer. Une ironie pour quelqu'un comme moi dont la destinée est d'être le seigneur des pirates ? Je ne pense pas. Après tout, le One Piece est sur une île, Rough Tell, et non pas en pleine mer. Enfin, je crois. Non, j'en suis sûr. Si le grand Lloyd Barrel dit que ce trésor fabuleux, digne de moi, se trouve à ce fameux endroit, alors il y est, un point c'est tout, pas la peine de tergiverser. Bref, toutes ces magnifiques pensées pour dire que je suis enfin arrivé à ma destination... Car oui, j'avais choisi d'arriver sur cette île, et celle là en particulier ! C'est pas un coup du hasard, non, non, mais bien la preuve de ma grande maîtrise de l'art de la navigation aux instruments.
Cependant, j'avais moi-même du mal à savoir ce que je pouvais bien faire sur cette île, véritable crachat de terre au milieu de l'immense étendue d'eau qu'est North Blue. Je crois que je m'étais dit qu'au plus l'île sur laquelle j'irais serait miteuse, aux plus les gens exceptionnels s'y démarqueraient. Pas pour ma propre personne, car je n'ai pas besoin de me mettre en valeur pour irradier le monde de ma splendeur, mais plutôt pour rencontrer des personnes dont le rêve est de rentrer dans mon équipage, chose facile à trouver, et qui surtout en ont le niveau, ce qui est un peu moins évident. Sur le papier, c'est une bonne idée, et comme elle vient de moi, le grand Lloyd Barrel, c'est même une très bonne idée, ça c'est sur. Mais en pratique, ça s'annonce plus compliqué, car je n'aperçois personne qui n'ait l'air vraiment particulier, et pourtant... Je cherche. Cette île me fait elle perdre mon temps ? Mon précieux temps ?

"Salut ! T'es nouveau toi ici ?", dit-alors une voix aiguë, quelque peu enfantine, venant de quelqu'un se trouvant dans mon dos et me tirant par mon beau manteau.
"Pardon ?", demandé-je en me retournant face à mon interlocuteur. Ce n'était pas un pardon d'excuse, mais plus un pardon d'incompréhension, d'interrogation. Le grand Lloyd Barrel ne présente pas d'excuses.

Je discerne désormais parfaitement le gamin. Oui, oui, c'est bien un marmot. Huit ans grand maximum. Neuf en étant gentil, et encore. Il porte un t-shirt blanc et une salopette en jean, et à une grosse sucette toute pleine de couleurs dans la main. A ses pieds, il porte deux petits souliers rouges lustrés très bien lacés, et extrêmement ridicules. Le bambin me fixe avec ses grands yeux verts, ronds comme des billes, d'une façon presque inquiétante. Il repose sa question, toujours avec son petit air innocent particulièrement déplaisant et agaçant :

"T'es nouveau ici ?"
"J'ai pas de temps à perdre avec toi, gamin.", dis-je en passant la main dans sa tignasse brune et en frottant ma main sur son cuir chevelu, puis la retire aussitôt. Beurk, dernière fois que je fais ça à un mioche dont je ne connais ni nom, ni date de ponte, ni date de péremption. Je reprends, en lui posant une question existentielle tandis que j'essuie ma main sur sa salopette : "Mais tu te laves les cheveux des fois ?"
"Hihihi, t'es marrant, toi ! Un peu bizarre, mais marrant !"
"Tu traites le grand Lloyd Barrel de "bizarre" ? Te rends tu comptes de la signification de tes mots, sale petit garnement ? Je vais t'apprendre le respect, moi...", répondis-je tout simplement en serrant mon poing et en lui montrant que je ne plaisantais pas à ce niveau là. Je n'ai pas l'habitude qu'on me traite ainsi, même un enfant.
"Tu vas me frapper, Liode Barèle ?", demande t-il.

La goutte d'eau qui fait déborder le vase. Mon prénom ET mon nom. Je ferais de la charpie de quiconque en déformerait un seul... Alors les deux à la fois... Zen. J'inspire et j'expire lentement, reprenant mon calme. Je suis le grand Lloyd Barrel, et c'est un gamin. Irrespectueux envers ceux qui lui sont supérieur, certes, mais tout de même un gamin. Est-ce que je peux, sachant cela, tout de même le frapper. Bon, le problème est réglé. Je n'ai besoin de personne pour savoir que je peux faire tout ce dont j'ai envie, sauf peut-être voler et respirer sous l'eau. Je tourne brusquement la tête vert le petit con, qui prend un petit coup sur le sommet du crâne. Voila qui devrait le calmer, et lui apprendre à arrêter d'embêter les personnes occupées à des quêtes bien plus importantes qu'interroger tous ceux qui se baladent sur le port. Le môme part en chouinant à toute vitesse. Bon, alors ou c'est une sacrée chochotte ce gamin, ou je l'ai vraiment frappé fort. Choisissons la première option. Ah, mais il ne faut pas que j'oublie de lui faire transmettre le message. Avant qu'il ne disparaisse de ma vue dans la foule de voyageurs en transit, je lui crie :

"Et n'oublie pas... ! Lloyd Barrel ! Moi c'est Lloyd Barrel !"

Une bonne chose de faite. Je me tape les mains et époussette mon beau manteau. Bien, maintenant, je vais pouvoir me mettre à la recherche d’éventuelles recrues pour mon futur équipage. Je décide d’emprunter un dédale de petites ruelles toutes plus sombres les unes que les autres. Après quelques minutes à serpenter dans cet obscur réseau de veines qui irrigue la ville, je débouche sur une grande place ensoleillée, bien moins miteuses que le reste de cette île. Il y a de nombreux étals, et de partout des gens hauts en couleur scandent que les produits qu’ils vendent sont plus beaux ou plus frais que sur le stand d’a coté. Un marché. Oui ça peut-être intéressant de chercher par là. Je balaie la foule du regard, examinant rapidement toute personne qui passe dans mon champ de vision… Mais je ne remarque rien de vraiment intéressant, ou qui vaille vraiment le coup que je m’attarde dessus. N’y a-t-il donc que des péquenots sur les trois-quarts des îles de North Blue ? Je suis coupé dans mes pensées par quelqu’un qui me tapote sur l’épaule. Quelqu’un qui tapote l’épaule du grand Lloyd Barrel ? Putain, mais personne n’a de respect dans ce bled ? A moins que ce soit encore ce sale gamin. Et si c’est encore lui, il va regretter de ne pas être resté chez sa maman à jouer aux billes… Je me retourne. Cette fois ci, c’est un adulte qui me fait face. La quarantaine. Petit. Rondouillard. Une grosse moustache risible. Des cheveux gras et crasseux qui tombent sur ses épaules. Un tablier bordeaux qui lui serre le ventre à lui en couper la respiration. Il est complètement en nage.

"Bonjour mon bon monsieur ! Je représente le domaine viticole Ecudor ! Nous produisons de nombreuses liqueurs et alcools ! Puis-je vous offrir un verre de vin ?"
"Incroyable. C'est du vin d'ici que tu me sers ? Apprend que le grand Lloyd Barrel ne boit que du vin des îles !"
"Personne ne va livrer du vin des îles dans une petite ville comme la nôtre, mais notre production locale est excellente. Sinon, nous avons de la bière qui est aussi..."
"De la bière ! Tu veux m'empoisonner ou quoi ? Je ne bois pas de choses aussi vulgaires.", finis-je en tournant les talons à ce malotru. Les gens d’ici alors… Un véritable spectale. Je ne suis pas vraiment sur de vouloir rester très longtemps sur cette île, finalement. Je rattrape le vendeur de poison et l’arrête en le saisissant par l’épaule.
"Hé, dis. Y’a quelque chose d’un peu palpitant sur cette île, des gens un peu exceptionnels, ou ce sont tous des ploucs comme toi ?", lui demandé-je brusquement.
"Je ne vous permets pas de me parler comme ça, monsieur !", s’offusque t-il.
"Le grand Lloyd Barrel dit ce qu’il veut à qui il veut ! Réponds-moi !", lui hurlé-je dans l’oreille, l’intimidant sèchement.
"Ou-oui, monsieur… Eh bien, nous avons le grand concours floral, la fête du saucisson, la nuit du salami, le…"
"Bon, laisse tomber…", le coupé-je. Vraiment rien d’intéressant.
"Ah, et y’a les tournois d’Underground, aussi…", dit-il alors que je m’éloigne. Je me retourne et me rapproche de lui.
"C’est quoi ça ?"
"Oh, j’y suis allé qu’une fois, et j’ai perdu 2000 berries en pariant sur le mauvais combattant, je n’aime pas trop."
"Bordel, je te demande pas de raconter ta vie, juste de me dire ce que c’est ! Des tournois de baston libre ou on parie sur un combattant, c’est ça ? Un truc illégal ?"
"Ou-oui, c’est à peu près ça. Ce sont des marines de la base de la ville qui organisent ça à la nuit tombée, une fois par semaine, le samedi. Ils recrutent des gens qui savent se battre dans toute la ville au long de la journée, et les font s’affronter dans une sorte de grande arène.", m’explique t-il.

Hmmm… C’est très intéressant comme information ça. S’il y a bien un endroit ou des combattants de valeur seront regroupés sur cette île, c’est bien là. Parfait pour que j’entame mon recrutement. Et puis… Pourquoi ne pas participer et gagner ? Voila qui montrerait à tous ces ploucs que le grand Lloyd Barrel est le meilleur guerrier de toutes les mers, et les forcerait à se soumettre à ma volonté.

"Et on peut les trouver où, les marines qui organisent ce fameux tournoi ?"
"Eh bien, les marines en permission trainent toujours dans un bar qui se trouve juste à côté de la caserne. C’est la que vous avez le plus de chance de trouver celui qui chapeaute un peu le tout. Il s’appelle Nakita."
"Et la caserne se trouve… ?"
"Par là.", dit-il en pointant un grande rue qui s’enfuit de la place du marché, vers le nord.
"Eh bien voila, tu as fini par y arriver.", conclus-je en le lâchant, et en partant vers la caserne. Le plan est simple. Je trouve ce Nakita, je participe à leur tournoi, je le gagne, et si je repère quelqu’un digne d’intégrer mon équipage, j’avise. En espérant que les combattants de ce tournoi aient tout de même un peu de répondant… Je sais bien qu’ils ne m’arrivent très sûrement pas à la cheville, mais quand même… Si personne n’est à la hauteur, je quitte Verterre dès demain matin. Pas la peine que je m’attarde sur une île aussi pourrie.

Quelques dizaines de minutes plus tard, j’arrive finalement près de la caserne, et trouve le fameux bar, dans lequel j’entre. Tous les regards se posent sur moi, à peine le pas de la porte franchi. Cela pourrait déstabiliser quelqu’un qui n’y est pas préparé, mais moi j’ai l’habitude. C’est normal que j’attire l’attention, ne suis-je pas le grand Lloyd Barrel après tout ? J’ignore les regards qui m’examinent, et vais m’asseoir au comptoir.

"C’est la première fois que j’vous vois ici. J’vous sers quoi ?"
"Tu as du vin des îles ?."
"Qu’est-ce que tu viens chercher ici, p’tit bourge ?", me dit t-il en guise de réponse, me tutoyant irrespectueusement.
"Un type du nom de Nakita. Mais je ne suis pas sur qu’un gros con de barman comme toi sache qui c’est. Si ?.", réponds-je à sa provocation. Ca lui apprendra, à m’insulte, à cet abruti.
"Tu sais quand même que ce bar est rattaché à la caserne de la marine ? Tu as pas intérêt à faire le mariole avec moi."
"Le grand Lloyd Barrel parle à qui il veut, comme il veut. Je vous marrave tous un par un si vous avez un problème avec ça."
"Ah, je comprends, t’es là pour faire de l’Underground ?"
"Possible."
"Mais alors ça change tout ! Désolé de t’avoir traité de bourge, p’tit. Nakita c’est le mec assis à la table du fond là-bas. A coté des deux autres marines en uniforme.", me dit t-il en pointant du doigt ledit endroit. Je m’y dirige. Le barman murmure, en aparté : "On verra bien ce soir, qui se fera rabattre le caquet, p’tit bourge de mes deux..."
"Tu me parlais ?"
"Non non…"
"Il vaut mieux pour ta sale gueule.", dis-je à mon tour à moi-même. J’arrive à la table ou les trois marines sont assis.

"Oui ?"
"C’est toi, Nakita ?"
"Possible. Tu lui veux quoi à Nakita ?"
"Il parait que tu organises des petits tournois la nuit… Ca m’intéresse."
"Tu veux participer ou parier ?"
"Vu sa tenue et sa tronche, j’dirais parier. Tu veux miser l’argent de papa et maman, c’est ça ?", dit un marine en se moquant.
"Je suis venu gagner. Et dis à ton pote de la fermer, sinon, il finira l’après-midi à chercher ses dents parterre."
"Ha ! T’as du répondant, toi ! Et qu’est-ce qui me dit que t’as vraiment le niveau pour participer ?"
"Tu veux une preuve ? Montre moi du doigt un seul des types de ce bar, et je l’éclate."
"C’est que du vent, Nakita, remballe ce con."
"Très sûrement oui. Il a même pas l’air d’être de l’île."
"Vous voulez que je vous démonte tous les deux, c’est ça ?"
"Ha ha, moi je veux bien tenter le coup. J’ai remarqué que tu t’étais chauffé avec Ricky, le barman. C’est un ancien marine lui. Un dur, il a participé a plusieurs tournois d’Underground, lui. Va un peu te fritter avec lui, on verra après."
"Ca marche. Mais meme pas la peine que je me déplace pour lui mettre la mine, à ton barman.", commencé-je. Je continue : "Hé ! Gros con de barman ! Ramène un peu ton gros cul par ici !", hurlé-je en direction du comptoir. Le silence ce fait dans le bar, tout d’un coup. Visiblement enervé, le dénommé Ricky s’approche de moi d’un pas lourd.
"Répète un peu c’que t’as dit, p’tit con de bourge ?"

Je lui décoche, sans me retourner ni me lever, un coup de coude du gauche dans le sternum. Puis, en me levant tout d’un coup, je lui envoie mon poing droit dans le nez. J’attrape entre mes mains la chaise sur laquelle j’étais assis quelques secondes auparavant et l’arme au dessus de sa tête… Avant de la jeter au fond de la salle, et de tout simplement le finir avec une série de coups de poings et de pieds. Le combat aura duré quelques secondes. Et il n’y a toujours aucun bruit. Visiblement, personne, pas même Ricky, ne s’attendait à ce que je me défende comme cela. Les idiots.

"Content ?", demandé-je alors à Nakita.
"Pas mal du tout ! Mais pourquoi ne pas s’être servi de la chaise ?"
"Les armes, c’est pour les faibles."
"Ha ha ! Mais tu sais qu’au tounoi d’Underground tous les coups sont permis ? Armes blanches tout comme coups-bas ?"
"J’ai pas besoin de ça pour gagner. Donc je viens à quelle heure, et où ?"
"Ha ha. Vous en pensez quoi ? Thomson ? Tetsuo ?"
"Allez, pourquoi pas. Ils nous faut des participants de toute manière, et ce type est costaud."
"Ca m’va aussi."
"Ok, parfait. Alors j’vais te faire un petit briefing. C’est un tournoi à élimination directe. Y'a seize combattants en tout, qui ont tous des pseudonymes pour pas qu'ils puissent être reconnus s'il y a des emmerdes : j'ai pas besoin de te préciser que c'est illégal comme petit tournoi. Les spectateurs parient sur les combattants, qui gagnent naturellement de l'argent en remportant des victoires. Les demi-finalistes gagnent 20 000 berries. Le finaliste 30 000, et le gagnant 50 000."
"Pas de souci, ça me va. On choisit les pseudonymes ?"
"T'as que ça comme question ?"
"Y'a que ça d'intéressant à savoir."
"Ha ha. Je t'inscris sous quel nom."
"Hmmm... Va pour : "Sérénissime Empereur de l'Univers", alors."

Oui, c'est le pseudonyme parfait. Un nom qui illustre au mieux ma grandeur, et qui sera très classe quand le nom du vainqueur sera annoncé. Il y a un grand silence, puis les trois marines assis autour de la table éclatent de rire.

"Sérieusement ?"
"Ca vous pose un problème ?"
"Pas du tout, c'est ton pseudo, c'est toi qui vois."
"Donc, où et à quelle heure ?"
"Ce soir, ici, a vingt-trois heures, le temps de te conduire jusqu'à l'arène et de tout organiser."
"A ce soir, donc. Le grand Lloyd Barrel vous salue, marines.", commencé-je. Puis, enjambant le corps du barman qui commence à reprendre ses esprits pour me diriger vers la sortie, je lui adresse un petit : "Ricky..."

Je sors du bar, et commence à errer en ville. Je vais peut-être aller me prélasser sur la plage. Et puis ce soir, je pourrai enfin m'amuser, et gagner ce tournoi... Et aussi surtout voir quels combattants en valent la peine.

Quelques heures plus tard.

J'ai retrouvé quelques dizaines de minutes plus tôt Nakita, Thomson, et un Tetsuo au nez éclaté par leurs tentatives de recrutement qui visiblement s'étaient bien passées, et puis nous sommes allés à l'arène. La fameuse arène. Comme prévu, il y a quinze ploucs prêt à se battre et à perdre contre moi, et une petite centaine à vouloir parier. Ridicule. J'en profite pour examiner les combattants. La plupart ont l'air stupides, et même pas doués pour le combat. Bon, y'en a un ou deux qui sont un peu musclés, mais les autres ne paient pas de mine. En plus, y'en a même un à qui il manque un oeil. Nakita commence à annoncer les pseudonymes des différents combattants. Ils ont tous des noms de merde. A l'annonce du mien, tout le monde rigole. Ha ha, les sales petits morpions. Quand ils se retournent tous vers moi pour  me dévisager, je prends la parole, m'adressant à l'ensemble des futurs perdants :

"Ne regardez pas le grand Lloy... Euh le Sérénissime Empereur de l'Univers comme cela. Vous aurez tout le loisir de me voir depuis le sol lorsque je vous aurai tous retamés."

Ils rigolent de plus belle. Les imbéciles, tous sans exception. Je n'en prendrai aucun à mon service. Par contre, je peux tous leur apprendre à me respecter, et même gagner un petit pécule. Bon, je suis septième. Ça va être chiant de regarder un tel ramassis de nullards se battre. Je vais m'asseoir dans un coin, attendant que mon nom soit scandé par la foule. Les deux premiers combats se passent.

"Les autres combats t'intéressent pas ?", me dit alors Tetsuo, en s'avançant vers moi.
"Non, pas le moins du monde, je sais que je vais gagner."
"Le favori du tournoi vient de se faire dégager, et par un borgne un plus. Ca me fait d'autant plus chier que c'est le mec qui m'a fracassé le nez."
"Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? Si un estropié à réussi a sortir le mec le plus fort de ce tournoi, j'imagine même pas le niveau des autres. La victoire me sera acquise."
"J'espère bien.", commence t-il en retournant vers la foule. Il tourne la tête par dessus son épaule, et me dit : "J'ai parié sur toi, moi."
"Eh bien félicitations. Tu vas gagner une petite fortune, ce soir."

"Le quatrième combat opposera le Sérénissime Empereur de l'Univers à Windblade !"

Windblade ? C'est un nom de merde. Ma victoire sera d'autant plus facile. Je rentre dans l'arène, et me retrouve nez à nez avec un petit sabreur tout frêle. Il a l'air vif. Mouais. Vif, mais surement en carton pâte. Je ne vais en faire qu'une bouchée, moi, le grand Lloyd Barrel.

"Salut, bonne chance pour ce combat.", me dit-il en me tendant la main. Qu'est-ce qu'il croit, lui ?
"La chance ne te sera d'aucune utilité contre le Sérénissime Empereur de l'Univers."
"Si tu es aussi nul que ton pseudonyme est pourri, la victoire m'est acquise... Et puis, avec un sabre contre un adversaire désarmé, ce sera encore plus facile, gros prétentieux."

"Que le combat commence !"

Sitôt ces mots prononcés, Windblade se jète sur moi. Comme prévu, il est rapide. Il tente une pique à l'abdomen. J'esquive en me déplaçant d'un pas sur le coté, faisant pivoter de quatre-vingt-dix degrés mon corps. Je lui envoie alors un coup du poing droit dans le cartilage de la gorge. Il s'étouffe et grommèle un juron tandis que je m'éloigne de la portée de son arme. Voila ce qui se passe quand on ne sait pas se servir d'une arme, et qu'on affronte quelqu'un qui lui sait comment s'en défendre. Plus de dix ans d’entraînements quotidiens de self-défense, ça rend quand même un peu fort. Et ça donne surtout une excellente technique, ce que dont mon adversaire manque apparemment.

"Abandonne, ça t'évitera de prendre d'autres coups pour rien."
"Ha ! Tu sais te battre. Et oui, je vais surement prendre quelques coups. Mais toi, il suffit que je te touche une seule fois et t'es fini."
"Parce que tu crois que je ne peux pas te finir en un seul coup ?"
"T'es vraiment qu'un frimeur. Tout ça c'est comme ton pseudo : juste du vent."
"Tu veux parier ?", commencé-je. Je m'adresse maintenant à toute l'assemblée : "Je vous laisse ouvrir des paris, organisateurs ! Moi, j'parie que je peux étaler Windtruc en un seul coup, et sans qu'il ne parvienne à me toucher !"

Tout le monde commence à crier. L'argent commence à passer de main en main. Je suis sur qu'ils parient tous contre moi. Mais, le grand Lloyd Barrel va leur montrer, ce que c'est que la vraie force.

"Ça c'est fait. On est partis ?"
"Je vais te faire la peau, prétentieux !"

Il se jète à nouveau sur moi. Quand comprendra t-il qu'un vrai sabreur, non, qu'un vrai combattant, même, ne doit faire que se défendre lorsqu'il est en fasse d'un adversaire bien plus fort que lui ? Il tente un coup horizontal, au niveau de mon bras. Il ne vise pas le cou. Une vraie attaque de tournoi, qui n'est pas faite pour blesser. Quelle utilité de se battre avec un sabre, si ce n'est pas pour prendre la vie de son adversaire ? Moi, mes coups sont efficaces. Et il est temps de lui prouver. Je me baisse rapidement, et pivote sur ma jambe arrière. En tendant l'autre jambe, je vais pour lui asséner un coup de talon dans le tendon d’Achille. Je plie la jambe au dernier moment. C'est vrai que j'ai dit que je le fracasserais d'un seul coup. Dommage, car j'aurais aussi pu finir le combat sur cette action, mais ça aurait compté comme deux coups, en comptant l'attaque qui l'aurait mis K.O. Il reprend son sabre bien en main, et tente avec vélocité de me le planter dans le dos. J'esquive en faisant un petit bon. La, c'est terminé. Son sabre heurte le sol, le faisant très peu trembler, mais suffisamment pour m'offrir l'opportunité de gagner. Je me relève presque instantanément et lui envoie un crochet du gauche dans la tempe. Un atémi naturel. Il reçoit l'attaque de plein fouet, ne lui laissant aucune chance de rester conscient. Je garde la pose tandis que son corps chute lourdement au sol. Même pas besoin de vérifier. Je dégage son sabre du pied et sors de l'arène, en remarquant le visage satisfait de Tetsuo et la mine dépitée de la plupart des autres spectateurs, qui viennent sûrement de perdre une bonne somme.

"Et il a gagné son pari ! En un seul coup ! Le Sérénissime Empereur de l'Univers, malgré son nom qui fait sourire, vient de remporter son combat haut la main et se qualifie pour le deuxième tour ! Passons au cinquième combat. Il opposera Foxfang à..."

J'en ai assez entendu. Je retourne dans l'espace de préparation avec les autres combattants pendant qu'on évacue la masse inerte que sera Windblade pendant quelques minutes. Tous me dévisagent à nouveau. Je prends la parole, toujours l'air orgueilleux du grand Lloyd Barrel affiché fièrement :

"Le Sérénissime Empereur de l'Univers à gagné en un seul coup. Allez, deux, si on compte la première caresse que je lui ai faite. Je compte sur vous pour en faire autant dans vos prochains combats, hein..."

Voila, le ton est donné d'emblée. Je retourne m'asseoir dans le coin, en attendant mon prochain combat. Je vais leur apprendre à me respecter, tous ces ploucs.


Dernière édition par Lloyd Barrel le Lun 5 Mai 2014 - 16:04, édité 2 fois
    Mon mal de crâne commence à passer. J'ai une vilaine contusion près de la tempe droite. Bon. D'ici un jour ou deux, il n'y paraîtra plus. L'ennui, c'est que j'ai encore pas mal de combats à faire. Entre un et trois. D'après ce que j'ai vu du premier combat, je n'aurais pas de mal en quart. Donc j'empocherais au moins 20 000 berries. Mais ce n'est pas grand chose, il faudrait que j'aille au moins jusqu'en finale. Ou que j'en revienne au plan B.

    Je jette un œil sur la salle. Les trois gaillards sont là. Bon. Mes soucis d'argent seront réglés dans la soirée, et demain, je pars pour une autre île. Une plus grande. Manshon, Inu Town ou Luvneel, on verra où iront les navires en partance. Là-bas, je trouverais peut-être des informations sur les corbeaux...

    Le quatrième match commence. « Le Sérénissime Empereur de l'Univers » contre « Windblade ». J'ai reconnu le nobliau snob du marché, aussi je regarde le combat, en m'attendant à ce qu'il se fasse étaler en moins de deux. A ma grande surprise, le combat est bien à sens unique, mais à son avantage. Ce type, « Windblade », utilise un sabre, mais il fait plus des moulinets avec que de vrais mouvements digne d'un épéiste. Le snob, en revanche, a des mouvements vifs et précis. Et surtout, très minimisés. Il bouge très peu, juste ce qu'il faut pour esquiver, mais pas plus que nécessaire ce qui fatigue inutilement. C'est manifeste, il a été entraîné au combat. Je ne reconnais pas l'art martial qu'il utilise, s'il a un style particulier, mais il en a une bonne maîtrise.

    Il s'est aperçu lui aussi de l'écart de niveau, et annonce soudain à la cantonade qu'il va gagner en un coup. Son adversaire s'énerve et réagit bêtement à la provocation en se ruant directement sur lui. La fin du combat est prévisible, le nobliau étale le sabreur et passe en quart. Lui, c'est possible que je l'affronte en demi... Baaa, il n'était pas particulièrement impressionnant non plus, même si cette victoire facile ne montre pas vraiment ses capacités réelles. Et il essaye maintenant de nous pousser à tenter un coup décisif d'entrée par quelques mots provocants. Stupide.

    Le cinquième combat oppose le deuxième favori du tournoi, « Machiavel », à un marine lambda qui n'a pas l'air très heureux du tirage au sort. Le favori gagne rapidement, d'un coup de son sabre sur la carotide de l'infortuné adversaire du soir. Lui, il est rapide et précis. Les trois combats suivants sont ternes. Pas de doute, on verra « Machiavel » en finale. Mais je devrais pouvoir le battre aussi. Ouep, 50 000 berries à gagner, c'est jouable. Une bonne soirée !

    Le premier quart de finale va commencer, je m'étire donc un peu les bras et les jambes.

    "Mesdames et messieurs, après ce premier tour grandiose et ponctué de quelques surprises, voici les quarts de finale ! Tout d'abord, « Scorpio » contre « Dead-eye » !"

    J'entre pour la seconde fois dans l'arène. L'endroit est plus sale que tout à l'heure. Le sol est un peu graisseux, du à la sueur tombée à terre depuis le début. Une tache de sang se voit un peu plus loin, et une molaire est en plein milieu. Charmant.

    « Scorpio ». L'homme en face de moi à un katana dans chaque main. Le combat ne doit pas être à mort, ils ne sont donc probablement pas empoisonnés... Pourquoi prendre le pseudonyme d'un scorpion alors ? Deux lames pour deux pinces, mais où est le dard ?

    "Très joli combat contre Poing d'acier."
    "Merci."
    "J'aurais aimé l'affronter. J'ai passé beaucoup de temps à m'entraîner après qu'il m'ai battu il y a deux mois."
    "Les combattants sont prêts, les paris terminés, commencez !"

    Scorpio me fonce dessus. Je me met en garde du serpent, côté gauche. Alors qu'il est presque à ma hauteur, je m'élance également en avant, à ma droite. Je lève mon épée pour parer les deux sabres venant vers moi. Vu que je suis à sa gauche, son sabre gauche sera plus rapide que le droit, mais il pivotera pour utiliser ses deux bras, toute sa force, dans un coup descendant. CLANG. Un premier choc intervient lorsque le tranchant de ma lame heurte le premier katana. Je lâche alors la garde de ma main droite, tenant l'épée uniquement de la gauche. En un mouvement rapide, je cale mon poignet droit sous son aisselle. CLANG. Le deuxième katana heurte mon arme, et sous le poids exercé par les deux armes, je recule un peu.
    Mais Scorpio pivote, comme prévu. Je lâche mon épée, ce qui semble l'étonner, lui ainsi que le public, car j'entends des cris de surprise. Voilà, la différence d'expérience. Un ennemi sans arme est pour eux moins dangereux. Lâcher son arme est impensable. Alors que l'épée quitte ma main, je pivote à mon tour, et lève mon bras droit, soulevant légèrement le gauche de scorpio. Ma main se referme sur son épaule. L'autre main l'attrape au poignet, et en un instant, je lui tord le bras dans le dos, et le déboîte. Puis bondit en arrière.

    Les spectateurs crient dans tous les sens. Je croient qu'ils essayent de comprendre pourquoi Scorpio est à genoux, un seul katana en main, alors que ma propre arme traîne dans la poussière. Et puis l'angle que fait son bras et son aspect mollasson semble leur faire comprendre la situation. Tout en surveillant Scorpio de l’œil, je ramasse mon arme. Mais il ne bouge pas. C'est peut-être la première fois qu'il se déboîte un bras, et il pleurniche que ça fait mal.

    "Bon, le scorpion. On continue pour que tu me montres cette fameuse technique que tu as entraîné pendant deux mois, où tu abandonnes ?"
    "Je ne peux pas abandonner maintenant. J'ai mis deux mois à me préparer pour ce tournoi !"
    "Parfait, je n'en attendais pas moins de toi ! Maintenant, le bras droit !"
    "Quoi ?"
    "Allez, debout, qu'on continue ! Maintenant, le bras droit !"

    Il me regarde sans être sur d'avoir compris. Il me scrute, pour savoir si je bluffe. Je ne compte quand même pas lui déboîter ou casser les deux bras, n'est-ce pas ? Je lui fait signe de se relever, agacé.

    "J'abandonne."

    Ah, ma vilaine trogne n'a pas du lui inspirer confiance, il a eu peur et se défile. Et bien voilà qui est fait. Alors qu'on annonce ma victoire, je retourne m’asseoir.

    Le second quart commence. Le nobliau affronte « Panda », un adepte du kung-fu. Tiens, deux utilisateurs d'arts martiaux qui s'affrontent. Le vainqueur sera mon adversaire en demi, ça vaut le coup de jeter un œil. Les deux combattants se parlent, mais je ne prête guère attention à leur propos. Jusqu'à ce que le snob recommence à lancer un pari à la noix pour prouver sa supériorité.

    "Oyez oyez, bonnes gens et ploucs en tout genre, je vous parie que même si je laisse cinq minutes à ourson..."
    "Panda !"
    "'C'est ça. Même si je laisse cinq minutes à pandourson, il ne parviendra pas à me toucher ! Vous pouvez ouvrir les paris !"

    Décidément, il aime le spectacle. Le combat commence. Le niveau est bien plus haut que contre « Windblade », mais la situation reste inchangée. Le snob évite avec aisance les attaques portées sur lui, ne s’embêtant même pas à contre-attaquer. Et puis les cinq minutes s'écoulent. Alors que « Panda » tente de le frapper au nez, il pare de l'avant-bras droit, et en levant le coude, crée une ouverture qu'il exploite instantanément en expédiant un formidable uppercut du gauche dans le menton de son adversaire, mis K.O. Sur le coup. Bon, ce sera donc lui en demi.

    Troisième quart, troisième exécution. Machiavel pulvérise son adversaire. Seul le quatrième quart est disputé.

    "Tu te débrouilles bien."
    "Mais maintenant tu vas perdre !"
    "Ce n'est pas dit."
    "Vous avez tout les deux pariés sur le prochain combat ? Avec des vainqueurs différents c'est ça ?"
    "Ouep. Je compte sur toi !"

    Bon, petit temps de repos accordé aux combattants avant que ne démarrent les demis. Je vais juste rester assis là à ne rien faire je pense, je n'ai pas particulièrement soif ni mal nulle part, même si j'ai un bleu à la pommette droite...
    Je ramène les bras devant moi, et croise les mains, en position d'attente. Les deux bracelets d'or à mon poignet tintent légèrement.

    Où êtes-vous ? Papa, maman, Valtien, Lunea... Vous me manquez. Je me suis toujours refusé à faire votre deuil. Même si je ne vous retrouve jamais, je crois que je ne le ferais pas, à moins d'avoir des preuves de votre mort. J'espère que vous êtes quelque part, dans le vaste monde. On se rencontrera un jour par hasard, et on s'arrêtera. Il y aura un instant de flottement, alors que nous ne serons pas sur que nos yeux ne nous trompent pas. Est-ce bien lui ? Est-ce bien elle ? Ce n'est pas un mirage, une illusion, dues à mes espérances répétées, encore et encore ? Et puis, on se précipitera dans les bras les uns des autres. Je pleurerais sûrement. Cela fait longtemps que je n'ai plus pleuré. Valtien se moquera peut-être de moi...
    Valtien... Est-ce bien toi parmi les corbeaux ? Que vous est-il arrivé ? Dis moi. Dis-le moi, que tu vas bien. Dis-le moi, qu'ils sont en vie, en sécurité. J'ai besoin de l'entendre. Je ne sais pas combien de temps je pourrais continuer comme ça...

    "Et voici la première demi-finale ! Ils ont été surprenants, époustouflants, voici deux tout nouveaux combattants, Dead-eye versus SEU !"
    "SEU ? C'est trop compliqué de dire le Sérénissime Empereur de l'Univers ? Espèce de plouc analphabète !"

    Je ressens une envie de meurtre comme j'en ai rarement connu depuis Silvell. Le ton de sa voix, ses propos, son air pédant, son manteau impeccable, sa coiffure ridicule. Tout dans ce type, à l'instant, m'est insupportable. J'ignore bien pourquoi, et même si c'est irrationnel, je me fiche d'avoir une justification. Là, maintenant, je le hais. L’exècre. L'abhorre.

    J'avance dans l'arène, passablement furieux, tout en me contrôlant de mon mieux. Faire un combat sans avoir l'esprit clair, c'est le meilleur moyen de perdre. Et même si je perds, il reste le plan B. l'important, c'est de partir au plus tôt demain vers une autre île...

    "Je dois vraiment me battre contre un estropié ? C'est indigne du Sérénissime Empereur de l'Univers d'avoir un handicap en sa faveur !"
    "..."
    "Pour compenser, je ne me battrais que d'une main !"
    "C'est dommage."
    "Je sais que tu regrettes de ne pouvoir admirer la splendeur de mon talent au combat dans son intégralité, mais tu pourras toujours dire à tes enfants que tu as affronté le grand..."
    "Non. Ce qui est dommage, c'est qu'un si joli manteau va ramasser la poussière et sera bientôt ruiné. Ta coiffure en sera peut-être améliorée par contre."

    Ça semble lui couper le sifflet, finalement, et il me renvoi un regard agacé.
    Bon, bilan de ses deux combats précédents. Il a laissé le soin à l'adversaire d'attaquer, il est donc plus à l'aise sur la défensive. Il utilise un art martial, et se débrouille plutôt bien. Il esquive bien, donc bons réflexes, bonne vitesse. Il a mis ses adversaires hors-jeu d'un coup. Donc il frappe fort, et il est précis.
    La meilleure tactique pour débuter semble donc de me mettre sur la défensive et de le laisser venir, de jauger sa vitesse et sa force de première main. S'il est plus lent que moi (ce qui est probable), ou plus faible (ce qui est possible), je n'aurais qu'à passer à l'offensive. Sinon, je dois pouvoir l'avoir sur l'expérience. Je doute qu'il ait connu beaucoup de champs de bataille...

    "Vous êtes prêts ? Parfait, commencez !"

    Je me met en garde haute, et attends tranquillement. Lui arrive, la main gauche dans le dos. Il est sérieux ? Attention. Si c'est un piège et que je suis trop confiant, je peux me faire avoir connement... Je ferais peut-être bien de caler quelques feintes et pièges, moi aussi...

    Alors qu'il approche au point d'être à portée de ma lame, il se jette d'un coup en avant en prenant appui sur son pied gauche, en pliant les jambes et en basculant le buste, tout en tendant le bras à toute vitesse. J'abats mon épée pour l'intercepter, mais cette fois-ci, il prend appui sur le pied droit, tout juste posé, et son torse pivote pour esquiver le coup, ses membres inférieurs restants bien plantés au sol. Sa main jaillis vers mon triceps.

    Il se jette au ras du sol pour abaisser son centre de gravité, et pouvoir modifier sa trajectoire pour esquiver ma parade tout en conservant un appui stable et caser un coup. Et il vise du tranchant de la main un muscle clé pour le maintien de l'épée. S'il touche, je lâcherais sans doute mon arme, ou du moins, ne la tiendrais plus très fermement, et ce pour quelques minutes.

    Il est bien meilleur que ce que je pensais.

    Mais lui aussi m'a sous-estimé. Il m'a attaqué du côté gauche, peut-être parce qu'il est droitier, ou plus probablement car je n'ai plus d’œil de ce côté. Mais c'est une tactique prévisible. Alors que son bras jaillit vers moi, j'abandonne mes appuis. Ma rotule gauche cogne durement le sol, ma jambe droite plié au point d'avoir presque la fesse sur le talon.
    Mon mouvement d'épée ne peut être modifié aussi facilement que ma position. Ma lame heurte le sol avec violence, et le bruit du métal heurtant la pierre résonne dans l'arène alors que je sens un souffle d'air au dessus de ma nuque, là ou le coup de « SEU » est passé. Sans perdre un instant, je donne un violent coup de taille sur ma gauche, me tordant le buste pour avoir la plus grande amplitude possible. Ne sentant aucune résistance, je sais qu'il a esquivé, aussi, prenant appui sur mon pied droit, je bondis en arrière et me remet debout, ou je reprends aussitôt la garde du faucon.

    Lui aussi a sauté en retrait, et me regarde un peu surpris à présent. J'observe avec satisfaction que si je ne l'ai pas égratigné, j'ai découpé un bout de son manteau au niveau du ventre avec ce dernier coup. Presque. Mais bon sang, il est beaucoup plus rapide que je ne le pensais... Et il n'a effectivement pas utilisé sa main gauche...

    "Tu ne te débrouilles pas mal pour quelqu'un qui affronte un être aussi supérieur que moi."
    "J'espère que quelqu'un d'aussi supérieur que toi sait repriser son manteau, parce que sinon, tu auras l'air encore plus ridicule..."
    "Mon manteau ?"

    Il s'aperçoit alors de la déchirure là ou ma lame est passée et lâche un cri de colère. Il s'avance, bien décidé à venger sa garde-robe. C'est ça, approche... Il est à présent à portée. Je marque un temps d'hésitation, puis frappe. Trop lent. Il profite du délai pour entrer dans ma garde et me frappe au ventre. Je saute en arrière pour amortir un peu le coup, mais je le sens tout de même passer... Je tombe au sol, et l'entends qui commence à clamer sa victoire. L'idiot, il ne vérifie même pas l'état de son adversaire. Il cogne fort, certes, mais je peux encore prendre quelques coups comme ça sans être mis hors course, tant qu'il ne touche pas un point vital.

    Je me relève, et le voit surpris et énervé de constater que le combat continue. Je me remet en garde, et il se rapproche. Le voilà à nouveau à portée, et j'hésite encore, puis frappe. Il perce à nouveau ma garde, et vise ma tête cette fois. Je m'attendais à prendre le coup, aussi cette fois je bondis non pas en arrière mais en avant. Je prends son poing en plein sur la bouche, mais il n'a pas pu amorcer complètement sa frappe, dont l’efficacité en pâtit. Ça fait mal, mais bon, je suis toujours prêt à combattre...

    Nous revoilà à quelques mètres d'écart. Je passe ma langue sur mes dents. Tout va bien, elles sont toutes là, et ne bougent pas. Ce dernier coup m'inquiétait un peu... Je me remet en garde haute.

    "Les ploucs ne veulent rien comprendre. Ça n'a pas marché les fois précédentes et ça ne marchera pas..."

    À nouveau, il s'avance vers moi, le bras gauche toujours dans le dos. À nouveau, il arrive à ma portée.

    Je frappe instantanément. Bien plus fort, bien plus vite que les fois précédentes. Cette fois-ci, je n'ai pas marqué de temps d'hésitation. Cet arrêt volontaire, comme si je craignais d'attaquer, m'a fait prendre deux coups, mais me permet d'avoir cette fois-ci l'effet de surprise. En parallèle, en combattant en dessous de mon maximum, je me suis mis en danger car il m'était totalement supérieur, mais sur ce coup-là, il va être complètement dépassé.

    La différence d'expérience.

    Je sens avec plaisir le contact se répercuter dans mes bras, et le bruit mat d'un choc. Il a bien tenté d'esquiver, mais du plat de la lame (pour ne pas être éliminé), j'ai violemment frappé son épaule gauche. Il trébuche, et je poursuis l'avantage en frappant à la tête.

    Il parvient à parer au dernier moment, du bras gauche. Baa voilà, il s'en est servi de son deuxième bras. Il est toutefois déséquilibré, et je pousse mon avantage. Une fois, deux fois, trois fois, je parviens à abattre mon épée sur ses flancs. Mais à chaque fois de moins en moins fort, et le revoilà en garde, debout. Il encaisse plutôt bien lui aussi...

    "Tu ne dis plus rien ? Je croyais que tu n'utiliserais pas ta main gauche ?"

    Le regard qu'il me retourne est glacial. Il s'approche à nouveau, je me remet en garde. Décidément, ce combat devient monotone.
    Cette fois-ci, il vient de front. Je pare, mais le choc est plus lourd que ce que je croyais. Il n'est plus affaibli par le fait de maintenir un bras dans le dos. Il cogne, encore et encore, et je me retrouve malgré moi sur la défensive, même en combattant à fond. Ma vitesse ne cède pas à la sienne, mais il frappe bien plus fort que moi, alors que je suis armé et qu'il n'utilise que ses poings !

    Autrement dit, en terme de puissance brute, je suis perdant. Mon seul recours, c'est de tenter une nouvelle fois de faire jouer mon expérience. Il est tombé dans un piège une fois, il sera plus attentif cette fois-ci. Il est peut-être temps d'utiliser les feintes...
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    Le premier round se termine, et je n'ai toujours pas quitté le coin de la salle, où je suis rustiquement installé. Je crois d'ailleurs que le premier quart de finale vient de commencer, sans que je n'en aie toujours quelque chose à faire. Mon premier combat m'a suffi à jauger l'ensemble de ce petit tournoi clandestin, et j'ai maintenant la double certitude que non seulement la victoire m'est acquise, mais aussi qu'en plus elle sera facile. Je suis d'ailleurs appelé pour disputer mon match. Contre un adepte de kung-fu, au pseudonyme aussi ridicule qu'il est faible, puisque je l'élimine de la compétition sans aucun mal, et en remportant le pari de ne prendre aucun de ses coups pendant cinq minutes.

    Bref, après l'avoir terrassé et m'être qualifié pour les demi-finales, je retourne m'asseoir, toujours au même endroit. La difficulté n'a pas augmenté d'un pouce depuis les seizièmes. C'est navrant. Je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un puisse m'égaler, mais bon, je pensais qu'il y aurait quand même un peu plus de niveau de la part de mes adversaires. Ce n'est même pas amusant de les balayer comme ça. Enfin, puisqu'il faut le faire pour leur apprendre à me respecter et leur montrer qui est le meilleur... Je suis déjà appelé pour la demi-finale. Les combats s’enchaînent vite. Au moins, le point positif, c'est que je vais expédier ce petit tournoi de castagne vite fait bien fait. Je me lève, et remarque que Tetsuo s'approche de moi, un maigre petit paquet de billets verts à la main.

    "Héhéhéhé. J'espère que tu vas continuer comme ça !"
    "Tu m'insultes là... Bien évidemment que je vais gagner, haut la main. Et je ne parle seulement de ce match, mais aussi du tournoi en général."
    "Je ne demande que ça moi ! Mon pote Thomson à parié sur ton adversaire. J'aimerais bien qu'il morde la poussière, mais il a l'air coriace."
    "Je vais l'écrabouiller.", dis-je, confiant, avant de me diriger vers l'arène, laissant Tetsuo derrière moi.

    "Et voici la première demi-finale ! Ils ont été surprenants, époustouflants, voici deux tout nouveaux combattants, Dead-eye versus SEU !", clame Nakita au micro. Époustouflant, oui, et encore, le mot est faible. "SEU", par contre, non. Pas d'accord.
    "SEU ? C'est trop compliqué de dire le Sérénissime Empereur de l'Univers ? Espèce de plouc analphabète !", m'indigné-je. Ce sont vraiment des incapables débordants d'irrespect.

    Bref, j'apprends aussi également que mon adversaire s'appelle Dead-eye. Le voila justement qui s'approche de moi... Et c'est le fameux épéiste borgne, celui qui aurait éliminé le favori du tournoi. En le regardant de plus près, je me rends compte qu'il a vraiment une tête de con, en fait. Je sais pas, il a quelque chose... Un petit air suffisant, comme s'il était passablement vexé. Aucune classe en somme. Et en plus, il se bat avec une arme. Un lâche quoi. C'est un petit cumulard de défauts, lui ! Je vais le remballer vite fait, comme ça il pourra retourner mendier dans la rue, comme tous les clochards de son espèce. Enfin, je ressens quand même un peu de miséricorde pour lui. Il a du se démener pour gagner ses deux premiers combats, et maintenant son espoir de victoire s'envole. Et en plus, il lui manque un oeil. Ce n'est pas très juste que le grand Lloyd Barrel affronte un ennemi à ce point désavantagé.

    "Je dois vraiment me battre contre un estropié ? C'est indigne du Sérénissime Empereur de l'Univers d'avoir un handicap en sa faveur !"
    "..."
    "Pour compenser, je ne me battrai que d'une main !", lancé-je aux parieurs. Et voila le troisième pari que je vais remporter.
    "C'est dommage.", dit-il posément. Je pensais qu'il serait content. Ah mais non ! Je comprends pourquoi il est triste !
    "Je sais que tu regrettes de ne pouvoir admirer la splendeur de mon talent au combat dans son intégralité, mais tu pourras toujours dire à tes enfants que tu as affronté le grand..."
    "Non. Ce qui est dommage, c'est qu'un si joli manteau va ramasser la poussière et sera bientôt ruiné. Ta coiffure en sera peut-être améliorée par contre.", conclut t-il sèchement.

    Ha. Ha. Ha. Le sale fils de chien. Je le prenais un peu en pitié, car c'est la qualité des grands de ce monde. Mais petit connard ne mérite pas que j'éprouve une quelconque autre émotion que le mépris et le dédain pour lui. Je vais massacrer cette vermine. Nakita s'apprête à annoncer le début du combat. Mon adversaire, le futur perdant, se met en garde. Oh, il me laisse l'avantage en plus ? Je vais non seulement l'éclater, mais en plus, ça sera d'une main, et pour couronner le tout ça se fera en deux temps trois mouvements.

    "Vous êtes prêts ? Parfait, commencez !"

    Je me rue sur lui, et tente une première attaque, qu'il bloque sans trop de mal. Oui, c'était plus pour le tester, on va dire ça comme ça. Il contre. Voila, là on commence à rentrer dans mes cordes. Je me sens bien plus à l'aise quand mon adversaire m'attaque. J'esquive son coup et l'attaque du coté gauche, là ou il lui manque son oeil. Si j'attaque par son angle mort, il ne pourra pas voir ma frappe arriver. Et voila, c'est la fin du combat qui s'annonce. Bravo à moi, le grand Lloyd Barrel, alias le Sérénissime Empereur de l'Univers. Et là, contre tout attente, il se laisse tomber. Il chute carrément au sol, et esquive mon coup de poing, qui passe à seulement quelques centimètres de sa nuque. Mon adversaire tente de m'asséner une taille circulaire en riposte, mais je l'esquive facilement. Par contre, je dois avouer qu'il m'a laissé pantois avec son mouvement. Je comprends mieux comment il a fait pour éliminer le favori de la course au titre. Il à un bien meilleur niveau que les autres ploucs qui participent... Même s'il est très loin d'égaler mon niveau. Je me dois tout de même de le complimenter, même si c'est un sale con arrogant.

    "Tu ne te débrouilles pas mal pour quelqu'un qui affronte un être aussi supérieur que moi."
    "J'espère que quelqu'un d'aussi supérieur que toi sait repriser son manteau, parce que sinon, tu auras l'air encore plus ridicule..."
    "Mon manteau ?", demandé-je, sans trop comprendre.

    Je jette un coup d'oeil au niveau de mon ventre, et constate que mon beau manteau à été déchiré par sa dernière attaque. Ça, ça va se payer. Je devais déjà lui faire la peau, mais finalement je me rends compte que je n'étais pas assez en colère. Maintenant que c'est chose faite, je vais pouvoir lui éclater sa tronche de cake. J'enlève mon manteau et le jète dans un coin de l'arène, pour me mettre à l'aise. Je m'en fous qu'il se couvre de poussière et de crasse, ou même qu'il soit troué. Je le ferai nettoyer par un larbin. Non, c'est pas ça le problème. C'est que par principe, personne ne doit manquer de respect au grand Lloyd Barrel. Et même si j'ai pris un pseudonyme, il va savoir à qui il a affaire. Je me jette sur lui, les poings en avant... Enfin non, le poing, puisque mon bras gauche est toujours croisé dans mon dos. Je tiens ma parole. "Dead-eye" encaisse le coup dans le ventre, étant trop lent pour le bloquer. Bon bah, voila, c'est terminé. Je m'attendais tout de même à mieux... Et... Et il se relève quand même, l'enfoiré ! Il encaisse plutôt bien malgré sa carrure de crevette et sa coupe improbable. Bon, eh bien c'est comme il veut.
    Rebelote, je l'attaque de la même façon. Là encore, il est trop lent pour esquiver ou bloquer, et ne peut que limiter la casse en venant s'écraser contre mon poing. En plein dans la bouche. Avec un peu de chance, pour lui, je lui ais remis les dents droites, ce qui lui évitera des frais de dentiste. Si au moins, à défaut d'être borgne il peut avoir un joli sourire, c'est pas plus mal pour lui, non ? Je suis coupé dans mes pensées, car à ma grande surprise, il se relève encore, et même s'il est un peu groggy, il tient sur ses jambes.

    "Les ploucs ne veulent rien comprendre. Ça n'a pas marché les fois précédentes et ça ne marchera pas...", dis-je lentement, avant d'armer une nouvelle frappe et me jeter sur lui. Jamais deux sans trois ? Allez.

    Mais non, pas de troisième fois ce coup ci. Il bloque instantanément le coup. Il baissait exprès sa vitesse sur mes deux premiers assauts, le petit chacal. Ma main se fracasse sur le plat de son épée, me faisant reculer en titubant. Mais quel enfoiré ! Il fonce directement sur moi et attaque la tête. Mon bras droit tremble encore, et même s'il était opérationnel, je ne pourrais pas arriver à le parer. Par réflexe, j'interpose mon bras gauche entre la lame et mon crâne. Merde, je viens de perdre mon pari. A ce moment précis, j'exècre complètement mon adversaire. Surtout qu'il ne s'arrête pas la, puisqu'il profite de ma surprise et de mon désarroi pour enchaîner les frappes. Mais ses coups perdent en intensité au fur et à mesure que ce long assaut s'éternise. Nous nous remettons en garde. Il prend la parole, affichant un air prétentieux :

    "Tu ne dis plus rien ? Je croyais que tu n'utiliserais pas ta main gauche ?"

    Je ne dis rien, et me contente de le fusiller du regard. Il peut bien parler, raconter tout ce qu'il veut, je vais le massacrer. Il m'a fait perdre mon pari, je vais lui faire perdre ce combat. Il m'a ridiculisé devant l'assemblée, et je vais en faire de même. Le grand Lloyd Barrel ne supporte pas qu'on se moque impunément de lui. Au moins, il y a un point positif. Je vais pouvoir me battre avec les deux mains. Et là, ça va changer la donne. Je me rue sur lui et commence à l’enchaîner, cognant lourdement son épée, sentant la dureté réconfortante du métal à travers mes gants. Il n'a pas l'air de baisser sa vitesse cette fois ci, et semble faire moins le malin sous l'impact de mes frappes. J'arrête ma série de coups, et il en profite pour mettre de la distance entre nous et se mettre en garde. Je m'approche lentement de lui, pas par pas, en faisant bien attention à rester hors de sa portée. Il a une bonne détente, et je dois faire particulièrement attention à sa vitesse, qui égale presque la mienne. Par contre, de ses mouvements, de sa gestuelle, j'en déduis que sa blessure à l'oeil est récente : on comprend clairement en le voyant se battre que ses techniques sont faites pour être utilisées par des combattants ayant leurs deux yeux valides, et qu'il n'à pas eu le temps d'adapter son style à son handicap. Il est donc plus que probable que son côté gauche, là ou je le visais toute à l'heure, est réellement son point faible. Quand j'y pense, moi, le grand Lloyd Barrel, en suis quand même réduit à ça... Mais bon. Il n'avait qu'à pas avoir d'épée aussi.
    Et être un sale con arrogant et irrespectueux.

    Ma frappe part vers son visage, depuis son côté aveugle. Une frappe arrêtée par la montée de sa garde. Mais ce n'est pas tout. Je remarque, alors que mon poing percute l'acier, que son pied s'est également déplacé vers moi pendant l'action, d'une dizaine de centimètres. Je comprends immédiatement, et engage un retrait du corps, alors que sa lame dévisse sous mon coup de poing et tente de m'attraper aux ventre. Je me remets en garde, à deux ou trois mètres de mon adversaire. Il a tenté une feinte ? Contre un combattant comme moi, alors que c'est justement la base de tout art martial ? Je suis tellement habitué à effectuer ces mouvements que les prévoir et les repérer est devenu un jeu d'enfant. Je lui jette un regard amusé. Il semble avoir lui aussi compris que ce n'est pas la peine de tenter de réitérer un tel geste.
    Décidément, ce "Dead-Eye" est particulièrement clairvoyant, et nul doute qu'il possède un sens aiguisé du combat, ainsi qu'une solide expérience de celui-ci. Il a très bien cerné mon éventail d'actions, et à du arriver à la même conclusion que moi : ce combat est compliqué. Pas difficile, ni éprouvant. Non, non, juste compliqué. Compliqué, car nous sommes tous les deux des combattants à l'aise sur la défensive, et que c'est semble t-il à celui qui parviendra à tenir sa défense le mieux possible que la victoire reviendra. Eh bien... Non. Le grand Lloyd Barrel, ou plutôt le Sérénissime Empereur de l'Univers en a décidé autrement... Et puis, un être aussi parfait que moi ne peut perdre un tel combat... Ce serait indigne de moi, et de ma splendeur.

    Je me rue sur lui, les poings en avant. Son pied effectue un petit arc de cercle, son épée s'incline légèrement. Quoi ? Il veut quand même tenter la feinte ? Tant pis pour lui. Il retiendra la leçon cette fois-ci. Je continue ma lancée. Puis nos regards se rencontrent. Il comprend que j'ai compris. Je comprends qu'il a compris que j'avais tout compris, et c'est tout à fait normal pour quelqu'un de mon intellect. Il se remet dans une garde classique, annulant une feinte à peine entamée. Il m'a peut-être eu auparavant avec des techniques minables comme ça, mais cette fois ça ne passe plus. Il ne m'aura pas avec une feinte. Moi par contre... Il décide de bloquer mon coup comme précédemment. Mais est-ce vraiment un coup ordinaire ? Non, "Dead-Eye", c'est un crochet du droit, qui vise la tête. Un coup qui me permet d'exploiter ton point faible.
    Et, comme prévu, la tête de mon adversaire pivote. Ce n'est qu'un léger morceau de tour, mais c'est suffisant pour créer un deuxième angle mort dans son champ de vision, du côté droit cette fois ci. Il ne peut pas voir ma jambe gauche s'armer, et partir s'écraser comme une masse dans sa rotule droite. Pas de craquement. Dommage. Le coup n'est probablement pas assez appuyé, car dès l'impact donné, je dois retirer mon bras droit des alentours de sa lame... Ce mouvement, non pas généré par l'épaule mais par mes dorsaux, me donne l'impulsion nécessaire à un coup de coude, qui vient aplatir sa joue et lui secouer les dents. Excellent. C'est bien ce que je pensais. Au plus je me colle à lui, au moins il a d'amplitude pour manier son épée, et comme son oeil n'arrange pas les choses... Assez tergiversé. C'est l'heure du coup de grâce. J'arme mon poing droit qui était revenu en "hikite", et lui vise le ventre.

    Malheureusement pour moi et heureusement pour sa pomme, il parvient tant bien que mal à s'écarter de la trajectoire de mon coup, qui ne fait que l'effleurer. Mais ce n'est que partie remise. Je vais continuer sur cette lancée, et tenter à tout prix de conserver le contact. Car même s'il a plus d'expérience, si je me mets dans cette situation, il ne peut pas contrebalancer ma technique et ma force brute. Je vais gagner ce combat. Je change ma garde en utilisant un rapide changement de jambes, et je fuse sur lui. J'arme un coup du gauche, et en m'écrasant sur mes appuis, vise le ventre, au niveau de l'aine. Il comprend le danger du corps-à-corps, et recule en effectuant un petit bond à ras du sol. On dirait bien que cette fois-ci, c'est encore moi qui l'ai feinté, héhé. Mon bras s'enroule autour de mon corps dans son mouvement, et le lance en rotation autour de ma jambe gauche, qui sert de pivot. Me jetant littéralement au sol, j'effectue un fauchage avec le talon droit qui vise bien évidemment la jambe que j'avais auparavant blessé. Mon assaut à l'effet escompté : je le touche en plein dans le tendon d'Achille, mettant à rude épreuve le petit ligament. Je n'attends ensuite pas d'être arrêté au sol pour me dégager en roulade arrière hors de sa portée. C'était risqué de plonger au sol comme ça, mais il semble que ça paye : sa jambe droite n'est pas hors d'usage, mais elle doit le faire grandement souffrir. Sa vitesse et ses déplacements, qui doivent être plus fréquents du fait de son champ de vision réduit, vont être grandement affectés. L'issue de ce combat ne fait plus aucun doute. La victoire appartient au grand Lloyd Barrel, comme prévu. "Dead-Eye" titube un peu, il peine à conserver son équilibre. Je vais l'achever.

    "Une dernière parole ?"
    "J'abandonne.", dit-il posément.
    "Oh le con.", commencé-je, anéanti. Quuuuuoooooooooooiiiiiiiiiiiii ?! Comment ose t-il ! Je reprends : "Mais-mais-mais non ! Le Sérénissime Empereur de l'Univers doit t'écraser comme un cancrelat ! Tu ne peux pas abandonner !"
    "Bah, si.", dit-il en sortant de l'arène, boitant sur sa jambe droite, et avançant en s'appuyant sur son épée.

    "Un splendide combat entre les deux outsiders du tournoi vient de s'achever ! Le vainqueur est le Sérénissime Empereur de l'Univers, qui a malheureusement perdu son pari de se battre avec une seule main ! Mais il avance tout de même en finale ! Félicitations à Dead-Eye, son adversaire, qui empoche la jolie somme de 20.000 berries ! Nous allons maintenant pouvoir entamer la deuxième de..."

    L'annonce ne me fait ni chaud ni froid. Je ne sais pas ce que c'est qui me laisse pantois comme ça, mais je déteste ça. De la colère ? De la déception ? Possible, et possible.

    "Du moins, si "SEU"... Euh... Le Sérénissime Empereur de l'Univers accepte de sortir de l'arène...", dit Nakita, un brin exaspéré.

    Je percute à peine que la remarque m'est destinée. Je ramasse mon manteau, l'enfile, et sors de l'arène. Ou est passé ce "Dead-Eye" ? Il ne va pas s'en tirer comme ça, oh non. Je veux l'affronter une nouvelle fois, et cette fois-ci, il ne s'en sortira pas par une dérobade. Je veux l'affronter, et l'écrabouiller. Dans les plus nobles et dignes règles de l'art.
      Crétin. Crétin. Crééééétin ! Il a encore fallu que tu te croies plus fort que tout le monde, et quel fabuleux résultat ! Une belle concussion à la tête il n'y a même pas une demie-heure de cela, et à présent, une jambe qui crie merci ! Et tu t'en sors bien, il ne semble pas y avoir de dommage trop sérieux...

      Je crois qu'un jour, il faudra que j'apprenne à penser positivement. Ça fera peut-être taire cette foutue voix intérieure qui ne l'ouvre que pour m'insulter... Même si, en l’occurrence, le résultat n'est effectivement pas brillant. C'était stupide de participer à ce tournoi. Venir en spectateur et passer à l'étape suivante aurait largement suffit à couvrir mes besoins en argent frais. Le plan B n'est peut-être pas glorieux, mais beaucoup moins aléatoire... Et puis... Quelque chose me met mal à l'aise.

      Ressasser de sombres pensées n'aidera pas énormément dans l'absolu, ceci dit. Autant récupérer mon prix de suite, si possible. Sinon, ce sera pour demain. Cette idée en tête, je m'avance vers le stand des organisateurs. Nakita est en train de demander à mon dernier adversaire, SEU, de quitter l'arène, mais Thomson est là.

      "Désolé, tu as parié sur le mauvais gars au final."
      "Tant pis. J'ai déjà gagné pas mal d'argent sur la soirée. Le spectacle était très sympa en tout cas, avoir du changement fait plaisir. J'espère qu'on te reverra."
      "Peu de chances, je repars demain si possible, les pirates que je poursuis ne sont pas là. Je peux récupérer mon prix de 20 000 berries ?"
      "Ouep, voilà."
      "Dommage que tu t'en ailles, j'ai adoré te voir ramasser la poussière au sol."
      "Je ne doute pas que tu ais une grande expérience dans le ramassage de poussière Tetsuo, mais je ne serais malheureusement pas celui qui te détrônera dans ce domaine."

      Je récupère la liasse de billets que me tend Thomson, puis m'éloigne en la comptant rapidement. Le compte est bien là. Bon... Je regarde aux alentours. Mes trois cibles sont présentes. Parfait. Je sors tranquillement au dehors, et aspire un grand bol d'air frais.

      La nuit est bien entamée. Il doit être aux alentours d'une heure du matin. Des bruits de fête s'entendent au loin. La lune est au trois quarts pleine et illumine d'une douce lueur le petit village côtier. Je m'adosse au mur de la maison que je viens de quitter, et lève la tête. La voûte céleste est peuplée d'une myriade d'étoiles. Leurs éclats inégaux et froids semblent renfermer tous les mystères du monde. Autrefois, je les voyais toutes blanches. Depuis que je n'ai qu'un œil, je m'aperçois que certaines sont légèrement bleutées, ou teintées de rouge et de jaune. Curieux, comme le fait de voir sa vision se rétrécir à pourtant amélioré l'acuité restante... Je reste un moment, à contempler le firmament.

      J'ai mal à la jambe. Et quelque chose, tenace, me met mal à l'aise. Je connaît cette sensation. J'ai manqué ou oublié quelque chose. Qu'est-ce qui m'a échappé ?

      Ça me reviendra... Je repars. Jette un regard derrière mon épaule, mais personne ne semble me suivre. Bon, plan B. Cambriolage. Un tournoi de ce genre est forcément l'attraction à ne pas manquer dans cette petite île paumée au milieu de nulle part. Ça implique que les notables (si on peut les appeler comme ça) du coin seront présents. Et donc que leur boutique est toute ouverte pour une visite nocturne. Dans la journée, j'ai repéré trois cibles potentielles. Et elles sont bien venues assister au tournoi. Elles ne partiront certainement pas maintenant, alors que l'autre demie-finale se joue et que la finale suivra. J'ai le temps. Pour un cambriolage, sans doute pas plus, ceci dit. Mais j'ai déjà fait 20 000 berries, un cambriolage suffira...

      Cible une : le bar. Problème, même si le patron est bien en train d'assister au tournoi, le bar est resté ouvert. Quelqu'un d'autre doit le tenir pour la soirée. Et il y a donc un peu de monde là-bas. Vider la caisse sera difficile. Non, la cible une est à proscrire...
      Cible deux : le tailleur. Ou ce qui s'en approche le plus dans ce coin. Le niveau de vie qu'il affiche semble au dessus des autres personnes du coin. C'est chez lui que je devrais faire la plus belle recette...
      Mais finalement, je me dirige vers la cible trois. Le bazar du village. Le type ne m'a pas parut particulièrement riche, mais en farfouillant, je devrais bien me trouver quelques objets utiles à embarquer. Rien d'encombrant qui me grillerait comme le voleur, évidemment.

      J'arrive près de la maison souhaitée. Forcer la porte principale serait complètement stupide... Je me dirige donc vers l'arrière de la bâtisse. Personne dans la ruelle. Parfait parfait...

      J'attrape la gouttière et escalade la façade, puis me hisse sur le toit. Je vérifie un instant que personne ne m'a vu. C'est bon. J'avance sur le toit, en faisant attention de ne pas déloger une tuile. Un vasistas opportun se trouve dans le coin, je l'ai vu dans la journée... Je le retrouve, ôte mon manteau, et le place en boule dessus, avant de donner un coup de pied dedans. Le tissu épais étouffe partiellement le bruit de verre brisé. Vu que personne n'était aux alentours, ça ne devrait pas avoir été entendu...

      Je dégage les bouts de verre restants, en faisant attention à ne pas me couper, puis m'insère à l'intérieur, jambes en avant, me retenant par les bras au cadre, et me laisse tomber à l'intérieur. On ne peux pas dire que je tombe de haut, mais le choc est tout de même douloureux pour ma jambe meurtrie...

      Ce salopard de snob... Si je le recroise, je lui ferais payer ça. Il est peut-être meilleur que moi en combat rapproché, mais je suis un sniper à la base moi... De loin, trois petites balles, une dans la caboche, une en plein cœur, une dans le ventre, et on n'en parle plus.

      Pour ça, il faudrait que tu ais un fusil... Et que tu réapprennes à tirer, parce que là, c'est pas glorieux...

      Merci petit cerveau de m'enfoncer...
      Et ce foutu malaise qui reste. Qu'est-ce que j'ai manqué ? Qu'est-ce que j'ai oublié ?

      Je secoue la tête vigoureusement pour me remettre les idées en place. En plein milieu d'une infraction, ce n'est pas vraiment le moment de se laisser distraire. Je parcours la maison, trouve rapidement l'escalier, et descend dans la boutique attenante. En quelques instants, mon épée fait sauter le tiroir caisse derrière le comptoir, et la déception est au rendez-vous... 13716 berries. Butin pitoyable. Enfin, avec les gains du tournoi, ça suffira à payer mon voyage vers une autre île. De préférence une grande du genre Luvneel... Je fais ensuite un rapide inventaire des lieux histoire de savoir ce que je pourrais emmener avec moi.

      Six tailles de marteau en trois coloris. Des boîtes de cent clous contenant entre quatre-vingt quinze et quatre-vingt dix-huit clous rouillés. Un canard en caoutchouc. Sans tête. La formidable histoire de la famille Monkey D., en huit tomes. Moins le tome cinq, manquant. Une épée en bois au pommeau hideux. Des sirops contre la toux dans des bouteilles de verres poussiéreuses. La « Gaule des champions », canne à pêche d'un violet criard. Des pots de fleurs. Du fil de fer barbelé en rouleaux. Un costume de cow-boy composé d'une chemise jaune, d'un veston noir et d'un foulard rouge. Des poêles à frire. Des casquettes du siècle dernier « I love Cavendish ». Des gâteaux à base de poisson séché. Un sabre laser. Sans pile atomique. Neuf variétés de fleurs fanées car jamais arrosées. Un herbier. Une porte des étoiles miniature. Sans cadran. Une pendule. Sans coucou. Une collection de soldat de plomb. Un précis de mécanique d'Ix. Les trois clés de sang et la jambe en bois de Wirt. Le grand plan de Seldon. Des balais de toute tailles et de toute formes. Du gratin au champignon périmé et nocif. Un rat empaillé. Un trousseau de clé dont on ne sais pas trop à quoi elles servent...

      Découragé, j'arrête là. J'embarque uniquement les flacons de sirop. Une fois débarrassés de leur contenus, je pourrais m'en servir pour y stocker mes concoctions. J'aurais du aller chez le tailleur... Un peu tard maintenant. Je sors par ou je suis arrivé, et rejoins l'espèce d'auberge du coin, ou je prends une chambre pour la nuit. J'entends des gens parler au loin du tournoi, mais je n'écoute pas. Ça ne m'intéresse pas de savoir qui l'a emporté.

      Je me réveille au son d'éclats de voix, plus bas. Un peu groggy, je me lève et m'habille. La porte est toujours verrouillée... Je jette un œil au dehors. Le soleil est en train de se lever sur l’horizon, teintant la mer d'une jolie lueur mordorée. Alors que je regarde les mouettes passer, les bruits de voix se rapprochent. Inquiet, j'attrape mon épée et mon pistolet. Pour le coup, je suis très mal à l'aise. J'ai oublié quelque chose, et ces voix semblent venir me le rappeler...

      Deux coups sourds à ma porte. Puis la serrure tourne, et le gérant de l'auberge entre, bredouillant des excuses pour l'intrusion. Derrière, la marine.

      "Monsieur, si vous voulez bien nous suivre... Nous voudrions vous interroger."
      "M'interroger ? A quel sujet ? Il se passe quelque chose ?"
      "Un citoyen a été cambriolé cette nuit. Le commandant souhaiterait vous voir."

      Le commandant ? Pourquoi le plus haut gradé du coin s'occuperait d'un simple cambriolage, ça n'a aucun sens. Qu'il y ait une enquête, oui, mais diligenté par...

      Ah. J'ai compris. Mon malaise disparaît instantanément. Enfin, les pièces du puzzle s'assemblent toutes et forment une image cohérente.

      "D'accord, je vous suis. Je suppose qu'il s'agit de la routine. Les étrangers à l'île sont les plus suspects, évidemment."

      Les marines ont l'air surpris de ma décision. Mais s'ils restent sur leurs gardes, ils sont aussi courtois. Apparemment, ils s'attendaient à ce que ce soit un peu plus compliqué que ça... Certains ont peut-être assistés au tournoi d'hier. En tout cas, ils savaient à quoi s'attendre, ils sont une bonne dizaine.

      Qu'avait dit Nakita déjà ? Quelque chose comme : « Le vainqueur est déterminé lorsque son adversaire abandonne, ou s'il est mis KO », et « On a oublié de demander au commandant ce qu'il en pensait. Tant qu'il ne donne pas son avis, ce n'est pas illégal ». Et j'avais été assez aveugle pour ne rien voir jusqu'à maintenant...

      Je quitte l'auberge escorté des marines, après avoir réglé ma chambre au patron, qui s'excuse platement de ce réveil un peu brutal. L'argent n'a pas d'odeur. Et les fioles vides sont soigneusement planqués dans une poche intérieure de mon manteau. Non, ils ne sont pas là parce qu'ils m'ont démasqués. C'est donc tranquillement que je commence à discuter avec le sous-officier qui semble diriger la petite troupe, alors que nous arrivons au port.

      "Dites-moi, il y a des navires en partance aujourd'hui ? Je n'ai pas trouvé trace des pirates que je cherche ici, du coup, plus tôt je repartirais, mieux ce sera."
      "Je crois qu'il y a deux navires au départ, pour Inu Town et Luvneel. Plus un chalutier."
      "Ah, Luvneel. Parfait. J'espère que ce problème va vite être réglé, que je puisse le prendre."
      "Il part dans la soirée, lorsque la marée s'inversera. C'est celui-ci, « Le Furibond »."

      Je regarde le navire qu'on me désigne. Un petit galion qui n'était pas là hier et qu'on semble décharger. Je suppose qu'on le chargera d'autre chose dans la journée. De bonne humeur, je monte à la caserne accompagné des soldats. Ceux-ci me font franchir les portes qui étaient restées hermétiquement closes la veille malgré mes appels.

      Rapidement, on me fait rentrer dans les étages supérieurs, ou se trouvent les bureaux. Puis on me demande d'attendre. Le bon vouloir du commandant sans doute... Deux gardes restent avec moi. On ne me désarme même pas. Je ne sais pas s'ils sont naturellement trop confiants ou si ma coopération les a déstabilisés, mais deux personnes ne m'empêcherait pas de me tirer d'ici si je le voulais. Mais bon, ensuite, pour partir de l'île, ça se compliquerait un peu et le transport risquerait de me coûter plus cher. Non, autant jouer le jeu et me servir de la marine.

      Me voilà donc en train d'attendre que l'officier daigne me recevoir. Pour passer le temps, je démonte et nettoie mon pistolet. Au bout d'une petite demie-heure, me voilà appelé et introduit devant le commandant.

      L'homme est grand, plutôt jeune. Il doit avoir entre trente et quarante ans. Corpulent, mais pas gros, plutôt musclé. Cheveux et yeux noirs. Sur de lui. Il s'assoit derrière son bureau, mais ne me fais pas signe de m'installer dans un siège. Sale con. Je m'installe tout de même, ce qui semble le contrarier. Tant mieux. C'est donc d'un ton sec qu'il démarre.

      "Bonjour. Je souhaite vous voir à propos d'une affaire de cambriolage."
      "Soyons honnête commandant. Vous comme moi savons très bien qui est le coupable dans ce cambriolage, si vous souhaitez me voir, c'est pour un motif tout différent."

      Je me retourne, jetant un regard éloquent sur les deux gardes.

      "Peut-être vaudrait-il mieux poursuivre en privé non ?"
      "J'ai toute confiance en mes hommes..."
      "Certains de vos hommes, sans aucun doute... A moins que par « vos hommes », vous ne désigniez pas les marines de la base, mais ceux qui sont au courant et vous suivront dans votre avancement..."

      L'homme cille, puis plisse légèrement les yeux en me fixant. Il semble me jauger.

      "Je ne suis pas sur de comprendre..."
      "Très bien. Jouons les imbéciles. Alors, partons du début. Un tournoi illégal à régulièrement lieu sur l'île. J'y ai rencontré un marine qui se faisait surnommé « Poing d'acier ». Il m'a dit quelque chose d'intéressant : qu'il avait quatre victoires à son actif, et qu'il lui en fallait trois de plus pour être le premier au nombre de victoires. Autrement dit, le premier en a six. En supposant que seuls eux deux ont gagnés, ce qui est peut probable, ça ferait tout de même déjà dix tournois. Onze, en comptant celui d'hier..."
      "J'ignorais l'existence d'un tel tournoi. Mais..."
      "Oh s'il vous plaît ! Depuis que j'y ai participé, j'ai senti que quelque chose me gênait. La cause, en fait, en était évidente. Dans ce tournoi, j'ai cassé la jambe de ce « Poing d'acier », déboîté le bras d'un autre adversaire. Et j'ai vu d'autres combats violents qui ont amenés quelques dents perdues et un bras cassé. Et cela ne choquait personne. Autrement dit, ce niveau de blessure est courant dans ces tournois. Au moins onze tournois entraînant des blessures de soldats, peu justifiables, et vous, le commandant, n'aurait rien remarqué ? Tout simplement impossible. Vous étiez au courant de ce tournoi."
      "... Soit. A supposer que je l'étais ?"
      "Et bien, il n'y a qu'une raison pour laquelle vous n'auriez rien fait pour l'interdire et protéger votre garnison de blessures. Un tournoi « légal » pour amuser vos hommes aurait mis fin aux paris. Un tournoi illégal permet d'en faire, et donc, d'engranger de l'argent..."

      Le commandant, qui s'était un peu avancé pour m'écouter, se radosse à son fauteuil, et semble songeur...

      "Poursuivez."
      "Verterre est une petite île perdue au milieu de nulle part. Vos chances de faire une action d'éclat ici sont minces. Votre carrière va stagner. De même pour celles de vos meilleurs hommes. Le seul moyen d'être affecté ailleurs, serait que vous vous « achetiez » un poste à responsabilité. Mais ça implique de corrompre quelqu'un de l'état major de North Blue pour être nominé ailleurs. Un échange de bons procédés... Il vous faut donc de l'argent. La situation est alors claire : les tournois illégaux sont un bon moyen de ramasser de l'argent de paris, récupérant ainsi une partie de la solde de la garnison, plus l'argent des villageois. Les meilleurs combattants sont dans la combine. Ils gagnent ou perdent suivant ce qui a été parié, afin que les organisateurs empochent un maximum et vous donnent l'argent recolté. Ces mêmes organisateurs et combattants d'élite seront ensuite emmenés avec vous lorsque vous changerez d'affectation. Tout le monde est content."
      "Continuez..."
      "Mais hier, il y a eu une disruption de ce plan. Deux nouveaux combattants sont apparus, et ont bouleversés la hiérarchie. Au début, ce devait être formidable pour vous, personne ou presque ne pariant sur ces nouveaux venus. Mais ensuite... Le snob a du vous faire perdre pas mal d'argent à lancer des défis, sur lesquels tout le monde pariait, n'est-ce pas ? Un revers financier peut vous faire perdre plusieurs mois, voire années, dans votre plan d'acheter une affectation. Alors l'idéal, c'est de se rembourser en cambriolant un villageois, et de le mettre sur le dos d'un de ces nouveaux venus, qu'on dépouille du coup de ses biens. Vous vous remboursez et enlevez un facteur d'instabilité et de surprise pour les prochains tournois, qui pourrait encore bousculer les paris. Donc, vous comme moi connaissons très bien le coupable du cambriolage, il s'agit de la marine... Je me trompe ?"

      Je m'arrête et regarde le commandant, un sourire narquois aux lèvres. Il semble encore songeur. Puis il se lève et va chercher un dossier derrière lui, tout en prenant la parole.

      "Thomas, il va nous falloir du café. Ryu, approchez."

      L'un des deux gardes sort, l'autre s'approche et me lance un regard mi-agaçé, mi-inquisiteur.

      "Vous avez raison sur tout, sauf le dernier point. La marine n'a pas fait ce cambriolage. Mais je suis au courant des tournois, ait besoin d'argent pour changer de poste, et le gagne par le biais des paris. Hier..."

      Il ouvre le dossier, et en sort divers papiers qu'il pose sur le bureau.

      "J'ai perdu près de 200 000 berries au total. Une sacrée déroute. Nakita était blême lorsqu'il est venu me faire son rapport et le bilan des pertes. Il ne fait les comptes qu'après la finale, et n'a pas réalisé immédiatement que nous coulions, et changé les paris en conséquence..."
      "Une belle bourde. Ça m'étonne de lui, il a l'air malin."

      L'homme range les papiers et referme le dossier. Ryu est juste derrière moi. Bon, le moment critique.

      "Maintenant, la question est : que vais-je faire de vous..."
      "Comme je le disais dès le départ, si vous vouliez me voir, c'est pour un motif très différent d'un simple cambriolage. Dont je pense, vous vous fichez royalement. Personnellement, je vois deux possibilités pour que vous soyez venus me chercher: La première, vous me faites porter le chapeau pour le cambriolage, me jeter au trou et me piquer l'argent que j'ai, vous assurant ainsi que je ne participerais plus aux futurs tournois. Le snob, évidemment, subira le même sort. La deuxième, vous voulez votre revanche. Bon et une troisième, allez : si vous n'êtes vraiment pas responsable du cambriolage, vous cherchez le coupable. Pour le premier cas, vous n'auriez pas pris la peine de me faire conduire ici. Donc je pense que vous voulez prendre votre revanche sur le snob, et que vous avez un rôle à me faire jouer dans l'histoire."

      Probablement celui du méchant, et une fois le compte du snob réglé, la marine me trahira. Il va falloir jouer serré. Mais je vais peut-être pouvoir prendre ma revanche sur SEU...

      "Actuellement, j'ai envoyé des hommes après vous et l'autre étranger que vous appelé le snob pour vous interroger sur ce cambriolage. Mais je suis surpris par ce que vous savez, et je ne nie pas qu'une revanche, surtout si elle permet de compenser un peu les pertes d'hier, me plairait..."
      "Ça tombe bien, j'ai aussi un compte à régler avec lui. Ma jambe m'a lancée toute la nuit..."

      Deux coups à la porte, et Thomas revient.

      "Monsieur, nous avons plusieurs problèmes. Cinq alertes, dont deux rouges !"
      "Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?"
      "Première alerte : deux hommes ont mis le feu aux voiles stockées dans la base en fumant en cachette. L'incendie se répand actuellement vers le stock de nourriture des cuisines. Deuxième alerte : On a perdu le contact radio avec les autres îles de North Blue. Nos Den Den mushi sont malades, ils ont mangés de la salade avariée. Troisième alerte : L'escouade envoyée pour arrêter le deuxième suspect dans l'affaire de cambriolage a été vaincue, le suspect est en fuite."
      "C'est pas vrai... Et les alertes rouges ?"
      "Ardanel est en vacances et la machine à café est en panne !"
      "ALLEZ ME REPARER DE SUITE CETTE MACHINE ! Comment voulez-vous que je travaille sans café ! Et retrouvez moi ce débile qui est en vacances trois cent jours par an !"
      "Bien commandant."

      Bon. Et maintenant ? Le snob a été assez idiot pour se battre direct avec la marine, m'offrant un boulevard pour m'échapper en le piétinant au passage... Il faut juste que j'arrive à ce que la marine me relâche sans condition pour le moment. Ou sans condition autre que de taper sur SEU.

      "Bien... Ce type ne semble pas vouloir venir me voir... Ryu. Vous allez me le chopper avec Nakita et Johan. S'il faut le brusquer un peu, faites."
      "Johan ?"
      "Vous l'avez vu hier... Sous le nom de Machiavel."
      "Ah... Oui, je vois. Et moi ? Je voulais prendre place sur « Le Furibond » pour partir pour Luvneel. Je ne dérangerais pas vos prochains tournois du coup. Je n'ai pas grand chose comme argent, donc plutôt que de me jeter au trou, laissez moi partir."
      "Hmmm... Vous en savez beaucoup tout de même... Si vous parliez aux villageois..."
      "Ok, j'ai compris... Je vous aide à attraper le snob. Pour être honnête, c'est une occupation qui me plaira, plutôt que d'attendre bêtement le départ du bateau. En contre-partie, vous me laissez en paix. Surtout que je n'ai rien à me reprocher, je ne savais pas que je vous faisait perdre de l'argent..."

      L'homme me regarde un moment. Puis me tend la main.

      "Marché conclu."

      Je la serre. Attention tout de même à éviter les coups de poignards éventuels dans le dos...

      "Marché conclu !"
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      Le borgne. Il faut que je trouve ce borgne. Où est passé ce putain de "Dead-Eye" ? Rien à foutre de la suite du tournoi, de montrer à tout le monde que le grand Lloyd Barrel est le meilleur. Je le sais déjà, que je suis infiniment supérieur à tout le monde ici. Je veux sortir de cet endroit avec lui, et lui faire avaler ses dents encore et encore. Je veux tellement le fracasser qu'il sera obligé de manger avec une paille pendant les prochaines semaines. Je m'approche du mec qui parie sur moi depuis le début du tournoi. J'ai oublié son nom. Bah, c'est pas grave, c'est un personnage secondaire de mes fabuleuses aventures. Je suis le seul qui importe vraiment, ici.

      "Je suis bien content que tu l'aies écrabouillé, celui-là ! J'avais personnellement une dent contre ce connard !"
      "Où il est ?", rétorqué-je sèchement.
      "Il a récupéré ses gains et est sorti. Il a même pas voulu assister à la fin du tournoi. Il devait avoir sacrément les boules que tu lui aies infligé une telle dérouillée, héhé ! En tout cas, moi j'espère que tu vas gagner le tournoi, je me fais beaucoup d'arg... Eh ! Eh ! Tu vas où ?"
      "Je pars éclater ce troufion.", dis-je en me dirigeant vers la sortie. Un truc me traverse l'esprit. Je reprends : "Eh mais au fait... Quand est-ce que je t'ai autorisé à me tutoyer ?"
      "Mais enfin tu peux pas partir maintenant ! Tu vas gagner le tournoi, et empocher la récompense !", s'écrie t-il en se mettant en travers de la sortie. Très marrant comme blague. Il pense vraiment pouvoir m'empêcher de passer ?
      "Je m'en contrefous royalement de ce petit tournoi. Les spectateurs sont des payots, et les combattants aussi. Aucun ne m'arrive à l'orteil."
      "Hé, c'est pas gentil pour les spectateurs, ça...", dit lentement Tetsuo, presque en aparté, blasé.
      "Par contre, le borgne, il m'a cruellement manqué de respect, je vais lui faire payer. Donc maintenant, écarte-toi de ma route. Personne ne peut lutter contre le splendide Lloyd Barrel."
      "Ouais, je vois le truc, c'est vrai qu'il t'a manqué de respect... Et c'est vrai aussi que tu es bien plus fort que moi, et que je ne pourrais jamais te retenir...", commence t-il. Je passe ma main dans les cheveux, parce que je le vaux bien. Il reprend : "Mais bon, si tu pars maintenant, Nakita va être obligé de dire que tu as déclaré forfait, que tu as abandon...", finit t-il. Mon sang ne fait qu'un tour quand il prononce ces mots. Je fais demi-tour, et retourne m'asseoir dans mon coin, en attendant mon dernier combat. Tetsuo sourit. Son plan à marché. Le petit enfoiré, il sait quoi dire pour me faire réagir. Je ne pourrais pas tolérer que l'on croie que je me suis défilé, que l'on me pense inférieur à n'importe laquelle de ces larves. Je suis obligé de rester pour leur montrer l'étendue de ma grandeur et de ma puissance, malgré mon envie dévorante de sortir casser du borgne.

      "Dead-Eye" gagne une nuit de répit. Mais demain, il entendra à nouveau parler du grand Lloyd Barrel. Ou du Sérénissime Empereur de l'Univers. Peu importe. Tout ce qui compte, c'est que demain, je lui marave sa tronche. Et en beauté. Dans les règles de l'art. Mais bon, demain, c'est demain. Et demain, c'est dans longtemps. Parce que pour le moment, je m'ennuie à mourir, seul, à attendre que mon prochain adversaire soit décidé. Ils en mettent du temps pour s'éliminer, les demi-finalistes... Ils sont vraiment nuls. Vivement que ces ploucs de combattants aient fini, que je puisse montrer à ce plouc de public ce que c'est que la vraie force, une bonne fois pour toutes.
      Allez, je vais pas être trop pessimiste, il parait que ce n'est pas bon pour mon teint de peau, et mes beaux cheveux. Je me dis qu'au moins c'est l'occasion de faire un petit échauffement tranquille pour demain. Et puis, je vais pouvoir récupérer un joli petit paquet de billets. Et aussi, le truc bien c'est que ma réputation de combattant légendaire va se répandre comme une traînée de poudre, j'en suis persuadé. Bientôt, le nom de "Lloyd Barrel" sera craint sur toutes les mers. Bientôt.

      "Et c'est sans grande surprise que le vainqueur de la deuxième demi-finale est... Machiavel !", annonce Nakita.

      Ah, enfin, c'est pas trop tôt. Je n'attends même pas que l'annonciateur déblatère son habituel blabla pré-match et rentre dans l'arène me mettre en place, mon manteau solidement vissé sur les épaules. Cette fois, pas une égratignure, pas une éraflure. J'expédie ce combat en quatrième vitesse et je m'arrache aussitôt trouver une auberge pas trop indigne d'héberger mon auguste personne.
      Mon adversaire entre à son tour dans la cage. Première fois que j'ai l'occasion et l'envie de poser le regard sur lui. C'est un mec, d'environ une vingtaines d'années, d'à peu près ma taille et... Oh, merde, je m'en fous en fait. J'ai même pas envie de m'attarder là-dessus. Je remarque juste qu'il a deux épées à sa taille. Je lâche un soupir. Je commence à en avoir marre des épéistes, et on dirait que Machiavel (quel nom pourri) s'en rend compte.

      "Un problème blondinet ?"
      "Ça peut.", réponds-je sans sourciller à son complet manque de respect.
      "Ça peut quoi ?"
      "Devenir un problème."
      "De ?", demande t-il entre l’hébétement et la moquerie.
      "T'es con ou tu le fais exprès ?"
      "Je vais surtout faire exprès de t'en mettre une tranche."
      "C'est pas parce que t'as réussi à fracasser deux ou trois clampins et que t'es arrivé jusqu'ici que t'es bon."
      "Mais je SUIS bon, haha, blondinet. Je sais pas si c'est parce que je suis le favori ce soir, vu que Poing d'acier s'est fait jarter, ou que je suis en tête au nombre de victoires dans les tournois qui ont eu lieu jusqu'à maintenant."
      "Être le favori des ploucs fait pas de toi un champion... C'est même plutôt le contraire.", dis-je en essayant de lui expliquer calmement. Il faut bien prendre son temps avec les êtres inférieurs.
      "Je vais te découper."
      "Tu peux essayer."
      "Tu veux pas parier avant qu'on commence ? Nakita s'impatiente, faudrait qu'on se dépêche d'en finir."
      "Parier ? Je vais pas continuer à me faire chier pour une brochette d'attardés."
      "Tu as si peur que ça ?"
      "Je t'éclate sans les mains.", dis-je calmement mais immédiatement après son insulte. Je reprends en hurlant, faisant bien comprendre à la foule qu'il s'agit d'un nouveau pari : "JE T'ECLATE SANS LES MAINS !"

      Je me jète sur lui. Et puis quoi encore, qu'est-ce qu'il s'imagine, lui ? Le grand Lloyd Barrel n'a peur de rien, ni de personne. Et certainement pas de ce sabreur de pacotille. Balayette dans le tibia. D'habitude, je préfère frapper dans les genoux, mais là, c'est pas pareil, je ne me ménage pas, je cogne de toutes mes forces pour faire mal. Je ne sais pas vraiment si c'est que ce mec m'énerve ou que j'en ai plus rien à faire de ce tournoi insignifiant, mais je veux expédier ce combat, en finir le plus vite possible. Mon coup fait mouche, blessant Machiavel à coup sûr. Il tente de m'asséner un double coup de lame, feignant de ressentir une quelconque douleur. Le bel enfoiré. Je me jette parterre à plat ventre, tournant le dos à mon adversaire pour éviter le fauchage. En prenant appui sur mes mains, je me relève immédiatement et lui envoie un coup de talon dans l'estomac. Je me retourne alors et, profitant qu'il soit légèrement sonné, lui fracasse la tête avec un coup de pied sauté. Il crache un filet de sang en reprenant ses esprits, tandis que je me repositionne à bonne distance de lui. La grosse veine du front de mon adversaire gonfle ridiculement. Il se concentre ? Ah non, il a juste la haine. Il fonce sur moi et tente deux coups de sabres que j'évite. Il enchaîne sur une sorte de feinte que je vois venir sans grande peine. Je m'en sers à mon avantage pour refrapper sa jambe exactement au même endroit. Il tombe au sol, lâchant une de ses deux épées dans sa chute. Péniblement, il arrive à poser le genou à terre, et reprend son arme en main. Il relève la tête juste à temps pour voir que mon genou s'écrase sur son nez. Il chute lourdement à nouveau, mais cette fois sur le dos, perdant encore un peu plus de sang. Je sais d'ores et déjà que ce combat touche à sa fin en commençant à le piétiner. Je pose mon pied gauche sur son thorax, le pied droit en l'air au dessus de sa gorge. Mon poids tout entier sur sa poitrine lui coupe la respiration.

      "Tu abandonnes ou je te fais vraiment mal ?"

      Il ne répond pas et, ramassant rapidement une de ses lames, tente de m'attraper le tendon d'Achille. J'effectue un rapide pivot et bloque son coup en lui écrasant le poignet au sol. Il lâche une fois de plus son épée. Je déplace mon poids sur son poignet jusqu'à en entendre les os se craqueler.

      "J-j-j'abandonne, tu as gagné..."

      Je me dégage de son corps en prenant complètement appui sur son poignet gauche. Machiavel lâche un cri de douleur.

      "Ah, juste une chose... Tu te crois bon mais laisse moi te dire une chose... Tu es loin de l'être. Tu n'es rien. Tu es bien moins fort que l'adversaire que j'ai affronté en demi-finale. Et je l'ai dérouillé. Donc je te laisse imaginer ton faible niveau. Ce combat était perdu d'avance pour toi. Ce tournoi, même, était perdu d'avance pour toi. Je suis le Sérénissime Empereur de l'Univers, après tout..."
      "Ce surnom débile...", peste t-il.

      Je ne réponds pas, Nakita prenant alors la parole :

      "Incroyable ! Personne ne pensait qu'il gagnerait ne serait-ce qu'un match, et il a remporté le tournoi en écrabouillant tour après tour les habitués et favoris, lançant à tout va des paris farfelus qu'il a presque tout le temps remporté !", commence t-il. Je serre les poings. Saloperie de borgne. C'est à cause de lui que je n'ai pas réussi un de mes défis. L'organisateur reprend : "Je demande un tonnerre d'applaudissements pour SE..."

      Il ne finit pas sa phrase. Je l'interromps avant.

      "On arrête avec ce pseudonyme pourri, j'en ai marre maintenant. Il occulte mon splendide nom.", commencé-je. Je reprends en parlant assez fort pour que tout le monde puisse m'entendre : "Je suis le grand, le fabuleux, le magnifique Lloyd Barrel ! Pirate et combattant légendaire ! Mettez vous bien dans le crâne que des tournois comme celui-ci, c'est facile pour quelqu'un de mon gabarit !"

      Tout le monde reste bouche-bée, en tirant des tronches d'ahuris. Apparemment on aime pas trop les pirates, ici. Peut-être y a t-il des marines dans la salle. Oh, et puis je m'en fous de ces ploucs. Je suis le grand Lloyd Barrel. Je suis au dessus de tout ça. Et je crains personne. J'attrape la liasse de billets qui se trouve dans la main de Nakita et qui ne réagit pas, visiblement en étant de choc.

      "Merci bien !", lancé-je en fourrant les berries dans ma poche.
      "Mais-mais-mais... Tu es un PIRATE ?!", s'écrie t-il.
      "Le futur seigneur des pirates, même.", précisé-je.
      "Bordel de merde, arrêtez le, vite !"
      "Mais oui, mais oui ! D'ailleurs... Vous pensez vraiment pouvoir m'attraper ? Non, parce que j'adorerais vous prendre un par un et vous mettre la raclée de votre vie, mais j'ai autre chose à faire, maintenant que j'ai prouvé à tout le monde que j'étais le meilleur... Retrouver l'estropié de mes deux... -mi finales, par exemple... Bon, sur ce, à la prochaine, petits matelots ! Vous essaierez de m'arrêter une prochaine fois !", commencé-je en assénant un coup de poing fulgurant dans l'estomac de Nakita, qui se plie en deux de douleur. Je reprends : "Ah, et, Tetsuo... Va crever.", conclus-je en souriant. Je pars à toutes jambes de l'arène, en espérant ne plus jamais mettre les pieds dans un endroit aussi merdique. Maintenant, direction l'auberge du coin pour passer une bonne nuit de sommeil. Demain, je me lève tôt, et je retrouve le borgne.

      Je me réveille dans un lit crasseux d'une chambre crasseuse d'une auberge crasseuse d'une ville crasseuse d'une île crasseuse. Pas un environnement digne de ma prestance, en somme. Mais bon, je fais avec, malgré moi. C'est la condition des plus grands que de supporter la misère des plus petits. Enfin, je fais avec... C'est vite dit, car je me lève du mauvais pied, réveillé par l'aubergiste qui tambourine à ma porte. Limite, le fait que son établissement soit un taudis, passe encore. Mais personne n'a le droit de réveiller le grand Lloyd Barrel pendant son divin repos.

      "Monsieur, monsieur, réveillez vous !"
      "Personne ne réveille le grand Lloyd Barrel impunément !", dis-je à travers la porte, sans l'ouvrir.
      "Mais, monsieur, des hommes de la marine ont demandé à vous voir, ils attendent en bas.", répond t-il.
      "Ah. Oui, bon. Sauf qu'on ne demande pas à voir le grand Lloyd Barrel. Mais bon, moi, j'ai envie de les voir, alors je viens."

      J'ouvre la porte. Le petit tenancier grassouillet est planté devant moi, tout tremblotant et ruisselant de sueur. Derrière lui, dans le petit couloir exigu, cinq marines se tiennent en joue, l'arme au poing. Ah oui, c'est moche quand même, de si bon matin, de vouloir recevoir la mandale de sa vie en défiant mon illustre personne.

      "Monsieur, si vous voulez bien nous suivre... Nous voudrions vous interroger."
      "M'interroger ?", demandé-je, curieux.
      "Il y a eu un cambriolage cette nuit, et vous êtes suspecté. Et puis, il y a des bruits qui courent comme quoi vous seriez un pirate. Le commandant aimerait vous parler."
      "Euh... Ouais, mais non."

      J'attrape le bras de celui qui est le plus près de moi, le vrille, et le bloque en clef, lui faisant lâcher son arme, et le plaque contre moi. Ses collègues sont hésitants à tirer. Est-ce qu'ils vont prendre le risque de blesser, voire de tuer un de leurs camarades ? Je suis sûr qu'aucun n'osera. En plus, comme on se trouve dans une auberge, j'imagine que les pistolets sont plus là pour la dissuasion qu'autre chose... Je passe à l'action en déboîtant l'épaule du marine que j'ai attrapé. Me servant de l'impulsion de l'action, je m'avance vers un deuxième marine. Une balayette et un coup de poing dans la gorge le mettent hors course également. Je me retourne alors et me jette sur les trois marines restants. Ils ne se montrent pas plus résistants que les deux premiers que j'ai étalé. Sans doute ne s'attendaient t-ils pas à affronter un individu aussi puissant que moi, le grand Lloyd Barrel. En même temps, envoyer cinq petits marinaillons de bas étage comme ça, c'était prévisible. Conclusion ? Ils sont désormais tous démolis parterre, inconscients ou en train de pousser des gémissements plaintifs, devant un aubergiste complètement choqué par ce à quoi il vient d'assister.

      "Ton établissement est quand même très mal fréquenté... Tu m'offres la nuit en dédommagement, à moi, le grand Lloyd Barrel ?"
      "Au secours !", hurle t-il en prenant ses jambes à son cou.
      "Très aimable.", dis-je en sortant de l'auberge, la bourse intacte, où règne un sacré bordel, le tenancier hystérique s'agitant et se remuant dans tous les sens, incapable de se calmer. Je dois maintenant me concentrer sur mon objectif actuel : retrouver "Dead-Eye", et lui faire regretter d'avoir tenté de m'humilier, moi, le grand Lloyd Barrel. Et même si cette île minable est petite, ce ne sera pas si facile de savoir où le pleutre s'est terré... A moins de réfléchir comme lui, chose que je dois m'employer à faire, même si elle me dégoûte au plus haut point. Penser comme cette vermine... Quelle horreur. Enfin, bref.

      Je suis une vermine, un rat, qui ne vient pas de cette île. Je viens de commettre l'affront de m'opposer au grand Lloyd Barrel. Qui plus est, j'ai un peu d'argent nullement mérité sur moi. Je vais m'en servir pour fuir cette île et éviter l'ire de l'homme que j'ai tenté d'affronter et que j'ai échoué à vaincre après lui avoir manqué de respect.
      Oui, tout est de suite plus clair, même si cette expérience traumatisante vient de me donner la chair de poule. Je me dirige donc vers le port. Je suis presque sûr que c'est là-bas que je le retrouverai.

      Une petite vingtaine de minutes plus tard, j'arrive enfin à destination. Les quais du ports. Trois gros bateaux et une ribambelle de petits esquifs y sont amarrés. Ça empeste le poisson pas frais, la bière et l'urine. Un port lambda en somme. Un port grouillant de nuisibles et de catins. Un port pourri comme l'aiment les pirates de secondes zones, mais qui me répugne du haut de ma condition, moi, le grand Lloyd Barrel. Mais bon, puisqu'il faut le faire, puisqu'il faut y aller, me voilà. Il ne me reste plus qu'à chercher cet enfoiré de borg... Je me jète au sol dès que j'entends le sifflement de l'épée, qui, si je ne l'avais pas esquivée, m'aurait sûrement découpé le bras. J'effectue une roulade militaire en avant, et pivote pour me retrouver en face de mon assaillant. Un épéiste à deux lames.

      "Belle esquive, salopard."
      "T'es qui toi ?", demandé-je. Sa voix me rappelle vaguement quelque chose.
      "BORDEL, COMMENT TU PEUX NE PAS TE SOUVENIR DE MOI ! ON S'EST BATTUS HIER SOIR EN FINALE DU TOURNOI !", m'hurle t-il, une expression caricaturale sur le visage. Ah, ça me revient.
      "Martabielle !"
      "MACHIAVEL !", vocifère t-il.
      "Oui, c'est pareil. De toute manière, je me souviens pas des noms des combattants de seconde zone."

      Visiblement remonté contre moi, il fuse dans ma direction dès la fin de ma phrase. J'amorce un coup de poing. Une balle tirée vers ma jambe me force à esquiver, en sautant sur le côté. Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Je tourne la tête vers l'endroit où le coup de feu est parti. Un marine armé d'un fusil me met en joue.

      "On se retrouve enfin, SEU."

      Je tourne la tête de l'autre côté, pour apercevoir l'annonciateur du tournoi de la veille, accompagné de... "Dead-Eye". Et bien, ce fut plus facile que prévu. J'esquisse un sourire. Mes quatre adversaire se rapprochent de moi, m'encerclant de plus en plus.

      "T'es fait comme un rat, le snob."
      "Le borgne. Je te cherchais, justement. Tu vas payer pour avoir éraflé mon précieux manteau."
      "Cette fois, ce sera différent. Tu crois avoir l'ombre d'une chance seul contre quatre ?"
      "Je suis le grand Lloyd Barrel... Rien ne peut m'arrêter !"

      En désavantage numérique, je n'ai pas trop le choix. Je voulais éviter d'utiliser ma botte secrète, pour leur propre santé. Le grand Lloyd Barrel est miséricordieux, tout de même. Mais bon, puisqu'il faut y aller... Je fonce dans le tas, et, puisant dans la toute puissance de mon destin fabuleux...

      "HAKI !"

        La fabuleuse puissance de mon haki se manifeste en tranchant la corde qui retient un filet rempli de caisses qui devaient être chargées sur un navire amarré non loin, et qui tombe alors sur mes adversaires, visiblement très surpris. Leur contenu s'en échappe. Des harengs. Des tonnes et des tonnes de harengs. Un flot de harengs qui se déverse sur mes ennemis et les submerge. Mouais. Je m'attendais à mieux, mais on fera avec. Je me désengage immédiatement et me jète sur le marine artilleur. C'est lui dont je dois me débarrasser en premier si je veux avoir une chance de vaincre à quatre contre un. Je vise sa tête avec un crochet du droit, qu'il évite en se baissant. Il empoigne son arme par le canon, et tente de me mettre un coup de crosse dans le genou droit. Il aurait mieux fait de viser le gauche, qui fuse en direction de son nez. L'imbécile. Il croyait que je n'avais pas prévu chacun de ses itinéraires d'esquive possibles ? L'issue du choc entre mon os et son cartilage était prévisible, et se fait sentir par un craquement sourd au niveau de son visage, qui part violemment en arrière, en le déséquilibrant jusqu'à ce qu'il soit étalé parterre. Il crache du sang. Je finis de l'assommer en lui portant ce fameux crochet qu'il avait eu le culot de ne pas encaisser. Sérieusement ? Il est déjà K.O alors que je ne lui ai porté que deux frappes ? Et ça se prétend être un soldat, un marine ? Enfin, l'essentiel c'est qu'il soit hors-course.

        Maintenant l'affrontement n'est plus qu'un trois contre un. Toujours aussi lâche, d'autant qu'il y a parmi eux deux épéistes, mais beaucoup plus gérable pour moi, le grand Lloyd Barrel. Au moins, désormais, je suis bien moins susceptible d'être la cible d'un coup bas à l'arme à feu. Je me retourne pour me mettre face au reste de mes opposants. Il reste Dead-Eye, Nakita et Mavachielle, ou peu importe comment il s'appelle. Dead-Eye est certainement le plus fort des trois, et Nakita le plus faible. Je devrais pouvoir m'en débarrasser en dommage collatéral, il ne constituera pas bien longtemps un problème. Le seul truc qui m'ennuie, c'est le fait que je vais devoir gérer deux sabreurs simultanément, et que c'est autrement plus compliqué que d'en affronter un seul. Maradielle semble capter cette hésitation dans mon regard, et... Mais qu'est-ce que je raconte, moi ? Le grand Lloyd Barrel n'hésite pas, il ne doute jamais. Je me contente toujours d'agir, confiant en mes exceptionnelles capacités, et de sortir victorieux de toutes les situations, même les plus tendues.

        "Tiens, t'as étalé Ryu.", commence t-il posément. Il continue : "C'est vrai que tu te défends. Mais bon tu as eu du bol avec le coup des caisses. Mais malheureusement pour toi, la chance ne te sauvera pas une fois de plus. T'es dans la merde jusqu'au cou, salopard..."
        "De la chance ? Non, non, c'était mon haki."
        "Genre tu maîtriserais le haki, toi."
        "Bien évidemment, je suis le grand Lloyd Barrel. Mon destin est exceptionnel, il est donc normal que je sois doué de pouvoirs extraordinaires...", dis-je calmement.
        "Cette prétention... Cette arrogance...", marmonne le borgne.
        "La prétention c'est pour les faibles. Je ne fais que dire la vérité, que prédire ce qui va se passer..."
        "Mais quand bien même tu parviendrais à nous battre... Tu es pitoyable. Tu parles de prédire ce qui va se passer, comme si tu avais un avenir. Mais la vérité, je vais te la dévoiler, moi. La vérité, c'est que tu n'as pas d'avenir, pirate. Nous ferons notre rapport a notre commandant, une prime sera mise sur ta tête. Il te sera impossible de quitter l'île, et encore moins de vivre tranquillement ta petite existence après ça. Tu conçois que tu t'es mis à dos l'armée du gouvernement de tout un monde et qu'une vie de fugitif t'attend désormais ?"
        "Tu me prends pour un con ? Tout ça je le savais bien quand j'ai pris la décision de devenir un pirate. Je le savais, qu'on essaierait de me barrer la route vers le One Piece, qu'on ferait tout pour m'empêcher d'accomplir ma destinée."
        "C'est donc le One Piece que tu recherches ? C'est donc après ces chimères que tu cours ? Qu'est-ce qui te fait croire que tu es si spécial ? Hahaha !", s'exclame Nakita en riant.
        "Tout simplement parce que je suis... Le grand Lloyd Barrel !", conclué-je en me jetant sur Mardamielle. Le One Piece existe, et si personne ne l'a encore jamais trouvé, c'est parce qu'il m'attend, moi, j'en suis sûr. Mais avant de penser à récupérer ce trésor qui me revient de droit, je dois d'abord vaincre ces trois hommes !

        Nakita est celui qui est le plus proche de moi. C'est donc sur lui que je concentre mes assauts en premier. Pour commencer, une manchette dans le torse. Il met quelques secondes à se remettre du coup. Je mets alors à profit ce laps de temps pour lui attraper la gorge de ma main droite. Par un geste précis mais ferme, je le déséquilibre avec une clé, et lui fauche ses appuis avec la jambe. Il s'écrase lourdement au sol. Je n'ai pas le temps de mettre fin au combat, devant esquiver un coup de lame de Mafaielle en bondissant sur le côté. L'enfoiré... C'est plus tendu que ce je m'étais imaginé. Je change donc d'adversaire, m'adaptant au rythme imposé par l'affrontement. Il me donne un coup avec son épée gauche, en direction de la tête. Je le bloque en frappant son poignet de toutes mes forces, sur un contre magnifiquement exécuté. J'apprécie énormément le craquement rauque que j'entends en réponse à mon blocage. Massassielle hurle de douleur. Je lui diagnostique une belle fracture du poignet. Voila qui suffit à mettre un terme au combat. Mais bon, on va s'arrêter en si bon chemin, si ? Profitant qu'il se tord de douleur, je lui attrape le bras droit, et lui met en position de clé, mon avant-bras faisant levier sur son épaule. Il lâche au sol sa deuxième lame.

        "Tu ferais mieux d'abandonner, comme au tournoi.", lui dis-je.
        "Plutôt crever !", beugle t-il, empli de haine.
        "Sans aller jusque là...", commencé-je... J'exerce une pression sur son articulation, qui ne tient pas le coup. Son épaule se déboîte. Il hurle à la mort, encore une fois. Cette fois, je sens qu'il m'en veut, et pas qu'un peu. Je reprends :  "Je t'avais prévenu, ça ne sert à rien de lutter contre le gran..."

        Je suis coupé dans mes parole par un Dead-Eye furieux, qui tente de libérer de mon emprise son allié de fortune. Je laisse tomber Machiavel par terre, quasiment sur Nakita, pour éviter in extremis le coup d'épée du borgne qui ne fait que m'entailler le bras légèrement. Euh, j'ai dit Machiavel...? Non, c'est pas ça son surnom, si ? J'arrive plus à m'en souvenir. Bref, je m'en fous pas mal, car désormais, il ne me reste plus qu'à affronter que l'homme que je voulais massacrer en combat singulier. Il se tient devant moi, l'air renfrogné, haineux, le sabre assoiffé de sang en main. Je prends la parole alors que nous nous trouvons tous les deux face à face, en garde :

        "Tu pensais réellement que t'allier à ces marines te permettrait de m'arrêter ?", lui dis-je.
        "Disons que je pensais qu'ils pourraient me servir à faire diversion, à te distraire pendant que je t'affrontais, le snob."
        "Haha, malheureusement pour toi, je suis bien trop fort pour eux."
        "Disons que je ne les imaginais pas si faibles...", répond t-il dans le seul but de me provoquer.
        "Il est vrai que même si tu m'exaspères, et que je vais t'écraser d'ici quelques instants...", commencé-je lentement. Je reprends : "Je dois reconnaître ta valeur, Dead-Eye. Tu es bien plus fort que la plupart des hommes de cette île. C'est de personnes comme toi dont j'aurais eu besoin dans mon équipage. Quel dommage que tu sois un parfait imbécile, d'une arrogance et d'une sournoiserie rares. Tu m'as sous-estimé, moi, le grand Lloyd Barrel..."
        "Pas vraiment... C'est plutôt toi qui t'es sur-estimé, cette fois, blondinet...", finit t-il, tandis qu'un coup de feu est tiré dans mon dos.

        Mon épaule me fait soudainement atrocement souffrir. Je passe ma main sur la zone qui me fait mal, et, quand je la repasse devant mes yeux, je me rend compte qu'elle est couverte de sang. Mon sang, à moi. Je remets ma main sur ma blessure, et la serre de toute mes forces, en espérant que la douleur qui me lancine passe. Elle passera. Pitié qu'elle passe... Je serre les dents, me mords la lèvre avec une rare violence. Je me retourne lentement, pour faire face à celui qui venait de me tirer dessus. Ma vue se trouble quelque peu, puis redevient claire. Il s'agit du premier marine que j'ai assommé, un certain Ken si je me souviens bien, et qui se trouve bel et bien sur ses deux jambes, me mettant en joue avec son fusil. Je me remet alors devant le borgne.

        "Tu voulais juste attirer mon attention, enfoiré...", commencé-je. Je crache un peu de sang, avant de reprendre : "Quelle lâcheté... D'abord un combat à quatre contre un, et maintenant ça... Quelle bassesse..."
        "Ceux qui croient dur comme fer en l'honneur ne vivent généralement pas très longtemps.", rétorque t-il, la mine grave.
        "Il ne faut pas réclamer la prime du grand Lloyd Barrel avant de l'avoir tué..."
        "Tu es primé, toi ?"
        "Euh... Non, mais ça ne saurait tarder... Je suis sur que ma première prime sera démentielle.", réponds-je, confiant.
        "Non je ne crois pas... Parce que tu vas mourir ici, de ma main, snobinard.", dit-il en faisant faire un moulinet à sa lame.
        "Mais... Euh...", commence le marine au fusil, qui venait d'approcher. Il continue : "Le commandant nous a demandé de le ramener à la base, vivant... Il veut causer avec lui. Je peux pas vous laisser le tuer."
        "Je m'en fous de ce que veut ton commandant. Je m'en fous de toi, aussi. Et même, à la limite, je m'en fous de l'autre snobinard de merde, c'est juste que j'ai envie de me venger de ce qu'il m'a fait hier soir. Tout ce qui m'intéresse, c'est retrouver l'équipage des corbeaux. Et pour cela, je dois me tirer d'ici. C'est le seul truc qui compte pour moi.", dit-il sèchement au marine.
        "Vous faites ce que vous voulez après, mais pour le moment, je réveille les autres et vous ramène tous les deux au commandant. Vous vous êtes engagé à revenir avec cet homme."
        "Vous me prenez vraiment pour un imbécile ?!", répond t-il violemment.
        "Pardon ?", demande le marine, estomaqué.
        "Vous croyez que je n'ai pas compris ce que votre commandant essayait de faire ? Je sais pertinemment qu'à la seconde même ou je ramènerai le snob, vous me poignarderez dans le dos, vous trahirez votre promesse de me laisser repartir."

        Ils ne font plus du tout attention à moi, et le borgne semble complètement à fond dans son délire de conspiration. Tant mieux. Je commence à m'éclipser discrètement. C'est ridicule, de pouvoir se soustraire à l'attention de quelqu'un de cette manière, et pour tout dire, ça me met hors de moi de devoir fuir comme ça, blessé... Non, ce n'est pas une fuite à proprement parler. Plutôt une sorte de repli stratégique.

        "Je vous assure que non !"
        "A d'autres..."
        "Qu'est-ce que vous allez faire ? Vous ne comptez tout de même pas vous en tirer comme ça...?"
        "Vos vies, je m'en contrefiche pas mal. Je vais m'assurer que vous n'alliez pas balancer, et ainsi, oui, je pourrai m'en "tirer comme ça".", dit-il en brandissant son arme.
        "Non, non ! Réfléchissez ! Si vous me tuez, votre tête sera mise à prix ! Ne me tuez pas !", crie alors le marine, sachant qu'il ne ferait pas le poids contre Dead-Eye.
        "A votre avis, qui a le plus l'image du meurtrier ? Le gentil civil qui se propose d'aider la marine, ou le capitaine pirate qui passe son temps à casser la tête à de braves soldats ?"
        "Vous... Mettriez tout sur le dos de l'autre...?"
        "Exactement.", conclut t-il, en se tournant vers... Un moi qui était parti depuis belle lurette. Il s'exclame : "Merde ! L'autre snob s'est barré !"
        "Et c'est vous qui parliez de se laisser distraire..."
        "Ta gueule !", hurle t-il en le transperçant de son sabre. Le corps du marine s'écroule au sol, tandis que Dead-Eye marmonne : "Ce n'est pas plus mal... Je n'ai qu'à achever les autres, et me tirer d'ici vite fait, et l'autre blondasse se fera retrouver et exécuter par la marine. Plus rien ne me retient ici.", termine t-il en se dirigeant vers les marines toujours assommés...

        Je me dirige actuellement vers un bateau. J'ai extrait la balle de mon épaule, en prenant sur moi l'insoutenable douleur, dans une petite ruelle des quais. J'ai les larmes aux yeux, non pas de ma blessure, mais d'avoir du déchirer un morceau de mon manteau pour en faire une compresse. Toujours est t-il qu'au moins, pour l'instant, je semble hors de danger. Je m'occuperai de me soigner plus tard. Pour l'instant, l'heure est au départ. Je suis venu sur cette île pour montrer qui j'étais, et je crois qu'avoir gagné ce stupide tournoi et me mettre à dos la marine est largement suffisant. Plus rien ne me retient. Je trouve alors un navire sur le point d'embarquer. "Le Furibond". Un nom un peu pourri, mais à vue de nez, l'embarcation à l'air de tenir la route. Après une petite discussion avec le capitaine, il accepte de me déposer sur la prochaine île sur laquelle il fera escale. Me voila hors de danger... Même si je n'aime pas me dire que j'ai été en danger. Le grand Lloyd Barrel n'est jamais en danger de quoi que ce soit. Disons simplement que... Oui, je n'avais plus rien à faire sur cette île. Voila. C'est sûrement ça. Perdu dans mes pensées, je suis subitement ramené à la réalité lorsque, sur le pont du bateau, je croise...  Dead-Eye.

        "TOI !", disons nous simultanément. Il commence à dégainer son épée. Je ne lui laisse pas le temps, et me jette sur lui, le poussant jusqu'au bastingage, et lui appuyant la tête dans le vide. Le bateau commence à partir.

        "Je vais te faire la peau, le snob !", me crache t-il au visage. Mon beau visage.
        "Tu sais, le borgne... Certaines personnes m'ont appris ce que c'était que la méfiance. D'autres m'ont appris ce que c'était que la haine. Mais toi... Tu m'as carrément appris la férocité...", lui dis-je en le poussant par dessus bord. Il tombe à l'eau. Le vent étant en notre faveur, le navire commence à rapidement le distancer alors qu'il peine à rester à la surface, alourdi par le poids de ses vêtements et de ses armes.
        "Je te retrouverai, salopard de snob ! Et je te ferai la peau !"
        "Seul l'avenir nous le dira...", réponds-je en tournant le dos à la mer. Je pars en direction des cabines. Il est temps que je me trouve un médecin pour me soigner cette vilaine blessure...

        "Eh bien finalement, ce n'est pas sur Verterre que je recruterai un membre pour mon équipage... Aie !"
        "Le désinfectant est trop fort ?"
        "Non, j'ai juste été surpris... Rien n'est trop fort pour le grand Lloyd Barrel."