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Une histoire de Pirate

Ils avaient quitté le bateau depuis près de six heures maintenant. Trop de temps, et l'assassin commençait à sentir la fatigue poindre. Il avait du presque harceler les siens pour maintenir une allure soutenue et arriver avant la nuit, mais déjà il faisait sombre dans cette satanée île. Ils se guidaient, fort heureusement, aux étoiles. Marchant dans la neige, escaladant les montagnes alors que le Soleil montait haut dans le ciel. En tête du groupe, l'assassin menait la marche avec son paquetage sur l'épaule, retenu par une cordelette. Malgré le froid, il n'était vêtu que d'une simple veste en cuir. Seul son souffle transparaissait à travers l'étole qui lui masquait le visage, témoin du manque de chaleur. Mais l'effort couplé au temps dénué de nuages semblait suffire à le chauffer. Quand bien même il aurait neigé, il serait cependant resté dans le même état. Pour des affaires que tous ici ignoraient. Il n'était qu'un de ceux qui avaient risqué leur vie à Little Garden à leurs yeux. Celui qui avaient libéré leur chef et vaincu le Second de Morvak. Constat amusant, aucun d'eux ne savait rien. Sa force faisait leur faiblesse, et bientôt l'heure de se révéler viendrait. Il espérait cependant que Céline réussisse sa mission, qu'elle puisse permettre à ses frères de prendre l'avantage. Quant à lui, il se dirigeait vers une toute autre destination qui aurait son importance dans la bataille qui se présageait. Il s'arrêta une seconde, se retournant pour encourager son groupe d'un signe de la tête, leur indiquant que le sommet n'était plus loin. Les hommes fournis par Fenyang n'étaient pas des exemples d'endurance, ils avaient le pied marin et les marches montagnardes n'étaient pas leur fort. Rafael avait tant voyagé que cela n'était presque rien pour lui. Il était sec, sculpté par les exercices et les efforts. Un monstre d'endurance à bien des points de vue. L'époque où il avait à se réfugier dans l'ombre était presque révolue, et il le sentait. Un nouveau jour se levait pour lui et les siens. Et il se tiendrait face à l'aube, il s'en était fait le serment.

"Selon les dires de Lilou, nous trouverons Old Lando dans la prochaine vallée." les encouragea-t-il, non loin du sommet du col.

Le Second de la flotte de Krabbs. Quant à savoir s'il le valait mieux vivant que mort pour les révolutionnaires, c'était une autre paire de manches. Rafael ne connaissait pas le type, et savait seulement qu'il cherchait des médecins. Intriguant, ça, d'ailleurs. Son capitaine était-il souffrant ? L'assassin connaissait le Cercle, il savait quel était son but. De plus, si les siens les avaient avec eux, cela fournirait une grande aide à leur mouvement ... et cela nuirait aux chances d'Alleyn de s'en sortir. Il lui faudrait trouver un moyen d'aller trouver ce dernier d'ailleurs. Le Seigneur Ombre se trompait en disant qu'il n'avait plus le temps. Il bénéficiait toujours de l'effet de surprise. Et ils étaient deux frères assassins à présent. Arrivant au sommet, Rafael montra du doigt un bâtiment situé en contrebas, ainsi qu'un camp établi là, quelques tentes qu'il était possible de voir malgré la distance. Vingt contre un que Old Lando se trouvait là bas. Il vérifia par acquis de conscience que ses den den étaient toujours soigneusement cachés dans sa veste, et en mode silencieux. Il toucha la petite bourse contenant les maigres restes de fromage qu'il avait en sa possession, ne pouvait réprimer un petit sourire. Il savait d'expérience que les escargophones de la PPK y étaient fortement allergiques ... et que cette organisation en fournissait beaucoup à la Marine. Leurs communications en seraient fortement amputées. Mais il avait tout de même un mauvais pressentiment. La preuve, il avait récupéré l'ensemble de ses effets importants sur le Léviathan. Ce qui lui était peu ou pas utile était resté à bord. Quoi qu'il en fut, ce combat dépassait sa petite personne, et il ferait en sorte qu'il y ait le moins de victimes possible, tout en protégeant ses frères. Et viendrait un moment ou un autre où il devrait tirer l'épée et se battre. Il savait déjà dans quel camp.

Ils arrivèrent rapidement au camp de fortune, ne sachant si Old Lando était bien là ou pas. Ainsi, pour ne pas perdre de temps, l'assassin se rendit directement à la ville. Il savait que si le gusse cherchait des médecins, il serait certainement en déplacement. Dans le lieu où démarrait la plupart des aventures, à vrai dire. Il se dirigea donc vers la taverne, arguant à ses comparses qu'on entendrait plus rapidement parler de Old Lando à cet endroit plutôt qu'à un autre. Il poussa donc la porte de la taverne, puis chercha des yeux le type. Ayant aperçu sa prime quelques temps plus tôt, il était en mesure de l'identifier, mais il ne fallait pas jouer à ce jeu avec les gars qui lui collaient au train. Il s'approcha donc du comptoir et déposa son paquetage à ses pieds, dont les bottes dégoulinaient de neige et d'eau. On lui jeta quelques regards étranges. Le fait de voir déambuler un homme masqué ou peut-être rapport au fait qu'il n'était pas frileux. Il les ignora et posa une pièce sur le bois, commandant un vin chaud pour se remettre d'aplomb. Dans un élan de générosité, il en demanda pour toute la troupe, hésitant une seconde pour Mihai. Il lui offrit tout de même. Ils avaient tous besoin de se réchauffer. Il rajouta dix pièces. Et une question.


"Merci l'ami." fit-il en récupérant les boissons et les distribuant à ses compagnons de voyage.

"Mais dis moi, on est à la recherche d'un gars qui devrait être dans les parages." reprit-il, se doutant bien que Old Lando avait du bouger depuis la reconnaissance de Lilou.

"Old Lando, tu le connais ? Rassure toi, on veut juste discuter avec lui." lui demanda-t-il, anticipant une quelconque remarque.

Bien entendu, tout ceci n'était que mascarade pour amener les autres à penser qu'il n'était pas un investigateur doué, mais il avait prononcé le tout avec une voix assez forte pour qu'on puisse l'entendre à la ronde. Il se tourna ensuite vers ses comparses, se demandant étrangement lequel serait le premier à mourir. Non pas que cet instant puisse lui tarder. Plutôt avec une légère pointe de regret. Alheiri ne savait pas à quoi ils allaient se frotter en les lui collant, et l'assassin avait un plan plutôt délétère. Tout dépendait du tempérament d'Old Lando, cependant, mais il était un pirate. Et les pirates ... restaient des bandits.
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    Ville est un bien grand mot pour parler de ce trou... Un hameau ou l'occupation principale doit être de couper des arbres tout l'été pour se chauffer tout l'hiver... Une vingtaine de maisons collés les unes contre les autres pour se tenir chaud et autant de réserves à bois et d’entrepôts qui doivent étre des scieries, ou des frigos, ou tout ces trucs dont les gens du coin ont besoin pour se maintenir en vie sans congeler sur place...

    Il suffit de voir les constructions locales, leur toit pentu pour éviter les tas de neige, les fenêtres réduites au strictes minimum, les doubles épaisseurs de bois, pour comprendre qu'ici l'homme n'est pas vraiment à son aise niveau survie...

    Bizarrement, malgré la nuit qui tombe très peu de maison ont l'air occupés. Pas de fumées sortant des cheminées, pas de lumière derriére les carreaux... Heureusement que la taverne de son coté marche toujours...

    La surprise qui se lève à votre entrée disparait aussi vite que la neige sur vos bottes pendant que vos extrémités gelées par le froid reprennent lentement vie... Le tavernier vous sert un grog assez coriace pour réveilleur un mort et assez brulant pour vous donner l'impression d'avoir avalé une braise. Mais ça fait du bien.

    Puis le type te dévisage comme si tu le prenais pour un putain de crétin...

    -Old Lando ? Le pirate ? L'es juste en face, dans la grosse maison qu'a un étage. Pourquoi ? Z'étes qui ?
    Fait encore plus froid ici. Le vent qui gicle sur les joues. Qui les écorche. Qui les brûle. Malgré l'alcool, malgré les couches de vêtements, malgré le foulard pour protéger ma gueule j'ai toujours ce foutu vent qui vient m'arracher chaque parcelle du corps. Et le cerveau qui me dit merde aussi m'aide pas trop, non. J'regrette un peu maintenant, le sky. Il m'aide pas à faire le point, à revoir toutes les infos que j'ai pris dans la gueule. A écouter c'que j'ai écouté j'ai quitté un bordel pour tomber dans un autre. Encore plus gros. Mais qui dit gros bordel dit grosse prime. Et ça m'plait.

    Un rire sort de ma gorge, étouffé par le vent. Juste assez audible pour se faire entendre du voisin. Ça fait un bail qu'on marche comme ça. Poussés par le cagoulé. Qui se la joue à la « même pas peur du froid ». Qui se la joue au leader. J'comprends pas pourquoi. Mais j'me la ferme. J'ai pas toutes les cartes pour l'ouvrir. J'fixe le voisin. Lui pose une question sur qui c'est l'autre guss. Il m'explique. Tout c'qu'il sait. Comme quoi c'serait un touriste comme moi. Qu'à cause de nous lui et son pote se font éloigner d'la grosse bataille. Qu'on est des boulets trop lourds qu'il faut salement traîner aux pieds. J'lui pose deux trois autres questions. Sur la situation. Sur les troupes. Sur le pourquoi du comment. Et j'comprends vite que c'que j'prenais pour un beau bordel est sûrement le début de la plus grande bataille du siecle. Rien que ça. Et moi, j'me retrouve en plein milieu pour ramasser les primes. Et aller sauver l'pauvre Julius quand j'aurai l'occasion aussi. A croire que ce vieux là peut pas s'sauver tout seul. La première fois lui a pas suffit qu'il en redemande déjà.

    J'me remarre. L'voisin comprend pas. M'en fous.

    On trace notre route jusqu'au village. Où j'me fixe. Les autres continuent. Le voisin m'a dit qu'on devait surveiller. Agir qu'en cas d’extrême nécessité et ce foutu voilé fonce directement dans le village. L'est con. Moi je le suis pas. Vu la prime du Lando c'est pas le genre de gars que je veux combattre en face à face. Le fusil offert par la marine se sort de mon dos. Recouvert d'un sac de cuire pour éviter qu'il prenne l'humidité, seule la gâchette et l’embout ressortent. Je m'allonge dans la neige, en haut d'une dune où je vois tout le village. Mon corps disparaît en même temps que les autres. Eux dans la taverne. Moi dans le paysage. Z'ont rien remarqué, trop sûrs d'eux. J'beau être bourré j'suis pas con. Et j'tiens encore à la vie. Tout installé que j'suis, le village m'appartient. J'l'ai en visue. Presque toutes les maisons. Une fenêtre pour chacune d'elle. J'vois la mère grand qui brûle son eau à la ch'minée. Le gosse qui tente de se rechauffer les mains dans la piaule d'à côté. Sauf qu'la mère grand est un garde, l'eau une arme qui se recharge, le gosse un pirate et les mains, sa clope.

    Deux guss à surveiller. Deux guss à possiblement buter au premier faux pas.

    Le fusil se met à aligner les guss, à trouver la meilleur position pour les avoir le plus rapidement possible. Jusqu'à ce qu'un CRAC se fasse entendre. Juste au dessus de ma gueule. Comme une arme qu'on charge. Comme si un gars me pointait avec son pétoire, debout, au dessus d'moi.

    _J'sais pas ce que tu fous là mais je te conseille de jeter ton […]

    L'a pas eu le temps de finir sa phrase que mon Opinel s'est déjà coincée dans sa gorge dans un geste que j'aurais voulu encore plus rapide. J'me jette sur lui et ma lame se met à tournoyer dans sa pauvre gorge. Le guss lance un râle horrible alors que j'lui arrache son arme des mains pour l'empêcher un geste que j'aimerais pas. Un bruit que j'aimerais pas.

    Il meurt en silence. Comme un bon gars.

    J'me tire une tige, pour l'occasion. Et je comprends que la discrétion, c'est pas la peine. Doivent avoir des guss à circuler tout autour. Découvriront peut être même vite fait mon œuvre. M'en fous, c't'un pirate. J'sors de mon sac une grosse couverture blanche, recouvre le corps et bloque le tout avec quelques pierres. Ça tiendra le temps que ça tiendra, j'peux pas faire mieux. Je lance ma carcasse vers la ville après avoir rangé le fusil. Mon pétoire fera mieux l'affaire et c'est à c'moment que le bandé sort avec ses potes pour rentrer dans la grande maison en face du bar. J'sens la connerie des guss qui rentrent chez les méchants par la grande porte mais j'ai l'temps de rien faire et suis obligé de les suivre. Comme un con. Sauf que je prends mon temps histoire que s'il y'a des balles qui volent, ce soit pas dans ma gueule. J'rentre en dernier. Tout discret avec aux lèvre mon mégot qui commence déjà à s'éteindre.
        Comme indiqué au bar, il n'existe effectivement qu'une maison avec deux étages dans le coin... Et en plus, elle est en face.

        Elle n'est gardé que par deux types qui n'offrent qu'une résistance de principe a votre intrusion, suivant le principe connu qu'un type qui avance d'un pas décidé en ayant l'air de savoir ou il va a surement le droit d'y aller.

        Et c'est comme ça qu'aprés un escalier extérieur plutôt glissant vous débarquez dans une salle à manger classique, grosse table, feu, soupe en train de cuire, ou vous êtes accueilli par les regards plus ou moins surpris d'un Old Lando que vous reconnaissez évidemment sur le champ et de trois types habillés en locaux, mais dont l'air congelé et frissonnant tout autant que lagoutte au nez traduit les origines étrangères...

        Vu l'odeur tout le monde est au café, absence d'alcool qui signifie probablement qu'on est train de parler affaires dans le coin...
        Le cow-boy s'était discrètement éclipsé à l'entrée de la ville. L'assassin n'avait dénoté son absence qu'au moment de lui servir un verre, preuve que son esprit était bien tourné vers autre chose. Les rouages mécaniques de son esprit tentaient d'ordonner un plan, et il n'avait toujours pas de nouvelles de Céline. Ce n'était pas une bonne chose. Certes, Envy était un solitaire et difficile à localiser, mais il avait peur qu'il lui arrive quelque chose. Il avait confiance en elle, ainsi s'en remettait-il à ses capacités. Il gratifia le barman d'un sourire, sirotant son vin chaud. Il lui répondit qu'il s'agissait d'une simple visite, rien d'alarmant et qu'il n'avait rien à risquer de la venue des hommes du Contre-Amiral Fenyang. Voilà qui scellait la chose, quoi qu'il put arriver en ces lieux, tout retomberait sur Salem. Et s'il se passait quelque chose de bien ... il s'arrangerait pour que tout lui retombe dessus. Il se réchauffa les mains quelques secondes, regrettant de devoir retourner au froid, surtout avec la nuit qui amenait un froid de plus en plus mordant. Mais il ne pouvait se permettre d'être plus vêtu. Sinon, il lui deviendrait ardu de revêtir son habit noir. Un léger sourire en coin s'étira sous l'étole de Rafael. Mihai s'était absenté le temps de leur entrée dans la taverne, ce qui suffirait pour faire rejaillir quelques doutes sur lui, si le besoin s'en faisait ressentir. Aucun des soldats n'avait jugé utile de le suivre cependant. Préféraient-ils garder un oeil sur l'homme masqué en particulier ou étaient-ils tout simplement blasés d'être éloignés de leur navire, au point de suivre celui qui s'était imposé en meneur ? Trop tôt pour le dire. Il termina son verre, puis fit signe aux hommes de Fenyang de le suivre. Vu la mine qu'ils tiraient, il n'avait aucun raison de se montrer compatissant envers eux. Il leur pressa le pas en sortant de la taverne, inspectant du coin de l'oeil la silhouette qui se joignit à eux. Il reconnaissait, grâce à la réverbération de la Lune sur la neige, le chasseur de prime qui les rejoignait clope au bec. Il l'inspecta du coin de l'oeil, s'interrogeant sur ce qu'il avait fait pendant les quelques minutes où ils étaient restés à l'intérieur. Il jeta un regard en arrière, mais la pénombre ne l'aidait pas vraiment à étudier l'individu qui venait de se ramener. S'il était parti sans rien dire, comme un voleur, cela voulait dire qu'il devait s'en méfier. Il ne pouvait pas être allé vomir ou autre, cela faisait six heures qu'ils marchaient ensemble, et l'assassin ne l'avait pas vu reprendre une rasade depuis. Bordel. Comme si Fenyang avait voulu le retarder avec Mihai. Il n'aimait pas ça. Mais bon, tant qu'il pouvait négocier avec Old Lando ...

        Rafael poussa la porte sans se cacher. Les deux types qui montaient la garde eurent un léger sursaut mais ne l'empêchèrent pas d'entrer. S'il voulait traiter avec Old Lando et faire dégénérer les choses au nom de Fenyang, mieux valait se montrer comme tel. Il aurait préféré ne pas embringuer tout ce beau monde avec lui, mais c'était trop tard. Alheïri avait fait ses choix et l'assassin les siens. Adviendrait que pourrait. Les cartes étaient entres les mains de Rafael à présent, et il savait que Fenyang avait fait une erreur. Pour traiter avec Krabbs, il fallait avant tout se mettre l'homme qui jouait sa conscience en face. Old Lando était celui qui jugulait Krabbs et ses instincts meurtriers. Nuls doutes que c'était lui qui avait décidé, ou du moins l'avait soutenu, de faire en sorte que la flotte de l'infect pirate réfléchisse à propos de la lettre de marque. Alors s'il venait à décider que la révolution leur apportait plus que la Marine, cela les aiderait grandement à Drum. De même, le tuer foutrait en rogne le crabe et personne ne serait là pour apaiser sa furie, dont les 'hommes du Contre-Amiral' seraient à l'origine. Dans le même temps, Rafael savait que le gusse en question cherchait des médecins, précisément des hommes du Cercle que la Révolution gardait en son sein. Krabbs était malade, il était donc pressé par le temps. Etait-ce pour cette raison qu'il s'était allié à la Marine ? Parce qu'il avait besoin de temps, et de protection ? Si c'était bien ça, cela tournait mal pour la Marine. Ce qui n'était pas pour lui déplaire. Ils tombèrent sur Old Lando et ses types, perplexes de les voir ainsi débarquer. L'assassin ne se découvrit pas, il tira une chaise et posa les paluches sur la table, violemment. C'était le moment crucial, le moment où il ne devrait pas tout faire foirer.


        "Old Lando. Je suis ici au nom du Contre-Amiral Fenyang, qui vous somme au nom de la lettre de marque remise à votre capitaine de joindre vos forces aux nôtres contre la raclure révolutionnaire. Sur le champ." ordonna-t-il, sans un brin de diplomatie.

        Au moins, il restait crédible dans son rôle : il apportait la parole de Fenyang. Dure et sans équivoque. Pourvu que ça dégénère ...

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          Il faut quand même reconnaitre un truc à ces types, même surpris et pris complétement au dépourvu, ils réagissent vite, et avec l'économie de mouvement et les gestes précis de types bien entrainés; du coté révo comme marine, les types envoyés ici ne sont pas des touristes ni des rigolos...

          Bon, par rapport à tes réflexes d'assassins ils pourraient aussi bien bouger au ralenti, mais après tout, sur cette ile les types de ton niveau se comptent probablement sur les doigts d'une main, et les efforts de ceux la sont plutôt louables...

          Pour le reste, tout se passe comme d'habitude quand une poignée de marines se retrouvent soudain dans une pièce face à une poignée de révos, les types à table se jettent sur leurs flingues pendant que les deux gardes de la porte épaulent leurs fusils. Et avec un temps de retard, Lin Karin et bill font la même chose.

          Old Lando de son coté, en retrait face à la porte et derrière la table, se contente de reculer légèrement sa chaise. Un mouvement infime, mais qui pour les spécialistes est on ne peut plus clair. Maintenant il peut dégainer et bouger sans gène...


          Temps avant que le plomb ne se mette à voler partout et que tout plein de gens tirés au hasard ne se transforment en macchabées ? Trois secondes...
          Impliquer des Révolutionnaires. Les types en face étaient des gris, des frères et l'assassin le savait. En étant aussi menaçant, en leur ordonnant de parler ainsi, il mettait en péril son groupe, ainsi que sa propre personne. Pourquoi alors ? Un mal nécessaire, un geste dénué de sentiments. Il y avait une bataille à gagner, est-ce que cela justifiait tous les sacrifices ? Probablement pas, mais son esprit était fait de rouages et de mécanismes incertains qui commençaient à tourner rouge sous la pression des événements de Drum. La perte de la Confrérie, savoir que son crédo n'avait pas réussi à guider les hommes qu'il avait laissé en place. Comment croire encore en un texte si faible ? Il fallait frapper un grand coup, protéger les siens ... mais il sentait partout des entraves, des raisons de ne pas agir. Des explications qui pourraient arranger les choses. Il se sentait comme enchaîné, retenu contre son gré à des préceptes désuets qui mettaient en danger les siens. Une réflexion qui ne cessait de revenir au premier plan, ce malgré l'élaboration de ses plans. Il voyait le Léviathan comme une entrave à présent, mais cette épopée lui avait permis de mieux cerner ce genre de types. Certains étaient bon, mais oeuvraient sans se soucier, croyant pouvoir changer les choses de leurs pattes molles. Leur aveuglement les empêchait d'avancer et rien ne changeait. N'était-il pas pareil au fond ? Son désir de ne pas sacrifier d'âme innocentes, de ne pas faire de mal au peuple. En cela résidait sa justice, mais qu'en était-il des types qui se pensaient bons et modérateurs, au milieu d'un équipage de pirates qui pillaient et violaient à tout va ? On ne pouvait prétendre à être un type bien si on ne balançait que des mots et qu'on agissais que par le biais d'une claque sur l'épaule. Du moins pour Rafael. Cela ramenait Old Lando au même étage que Krabbs à ses yeux. Un complice, un infâme pirate. S'il avait voulu aider son prochain, il aurait choisi une autre voie. Même s'il était le gusse qui jugulait Krabbs, il était celui par qui tout démarrerait. Il n'y avait rien à en dire, il était coupable.

          Quant aux révolutionnaires impliqués ? Bah, il en faisait son affaire. Ne pas les tuer était le mot d'ordre, certes. Il y avait mille manières de mettre un homme hors combat sans le tuer, et il était un expert là dedans. Mais c'était de la manipulation, du mensonge et une méthode ... similaire aux Gouvernementaux. Sauf que là, il ne cherchait pas à duper le peuple, il cherchait à retourner un allié de ses ennemis contre eux. Il cherchait à perturber la formation adverse pour protéger le peuple, justement. C'était un choix à faire, un choix qui changerait beaucoup de choses. Etait-il prêt à endurer cela, à quitter cette voie qu'il s'était tracé ? Le choix était rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. Il fallait estimer comme un bien le moindre mal. Faire face au pire incarné par ceux qui opprimaient le peuple. Si par leur mort ou leur vie les hommes servaient la cause, c'était tant mieux. Les actes à venir seraient le témoin d'un revirement, d'un changement qui ferait de lui quelque chose de plus. Si ses principes définissaient son combat, ils se révélaient ardus à entendre pour la majeure partie du monde. Alors quitte à choisir pour un moindre mal, il devait faire en sorte que cette guerre ne dure pas. Il devait protéger le peuple à n'importe quel prix. Là était le moindre mal. Il vit les hommes se lever, glisser leur main vers leur flingue. Il eut une légère pensée pour Lin, Karin et Bill. Sacrifiés sur l'autel de la guerre. Tout comme Mihai. Le regard de l'assassin décrivit un arc de cercle, cherchant tout ce qui pouvait être d'une moindre aide dans la pièce. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, alors que tous dégainaient leurs armes. Cela dégénérait au mieux, et jusqu'à ordre contraire, les fusillades lui seyaient à merveille.

          Il se recula d'un pas, refermant son gantelet de métal. Une légère fumée s'exhala des interstices de l'objet, tandis que l'assassin concentrait ses forces. Tout n'était plus qu'une question de timing à présent. Un maîtrise absolue du décor et du combat, il ne devait pas échouer. Gabriel devait disparaître, ainsi que toutes les preuves. L'heure n'était plus aux négociations. Le sang allait couler. Il glissa ses doigts sous la table et, tout en se baissant, il souleva cette dernière. Les quatre pieds en bois quittèrent le sol et commencèrent à tourner en l'air. L'assassin, profitant de ce couvert improvisé,pivota sur lui-même. La jambe tendue, il frappa la poitrine du premier Révolutionnaire sur sa gauche, qui s'écrasa à terre avant d'avoir pu tirer. La table décrivait un arc de cercle parfait, s'élevant dans la salle, droit vers Old Lando. Profitant de son élan, il continua à tourner sur lui même puis frappa la table de son pied, la propulsant vers sa réelle cible, tout en emportant deux Révolutionnaires. Puis les tirs fusèrent. Rafael sauta sur le côté, évitant la plupart des balles. L'une d'entre elles, cependant, ricocha sur son gantelet puis s'enfonça dans la chair de son bras gauche, avant d'aller cogner le mur avec une légère fumée. Rafael grogna de douleur, alors que le sang s'épanchait hors de son bras. Tel était le prix à payer. Il frappa le Révolutionnaire à terre à la tempe, le mettant hors de combat, puis s'empara de son arme. Il se releva d'un seul tenant, puis se cola le dos au mur. Tout le monde rechargeait, le sang coulait à flots. La table vacilla avec fracas, c'était l'instant qu'il attendait. Sa blessure commençait à fumer, malgré le sang qui en coulait. Il se préparait à tout et à n'importe quoi, il fallait frapper. Il leva son arme vers un Révolutionnaire puis au dernier instant, changea de direction, cherchant le point situé entre les deux yeux de Old Lando. Puis il fit feu.


          "Si tu n'es pas avec nous, tu es contre nous. Les pirates restent des pirates." conclut-il, une fois la balle partie.

          Et il resta là, à leur faire face. Une seconde. Deux secondes.

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          Le sang allait couler. J'le savais en entrant, mais quand même. Alors que j'me cale dans un coin de la pièce le mégot au coin des lèvres, j'sens l'odeur de mort venir lécher mes narines. Cette sale odeur de sang qui bouffe tout sur son passage. J'vois les regards qui se croisent. Les doigts qui se perdent sur les armes. Sur les gâchettes. Les grimaces qui se forment.

          J'vois qu'en face, y'a que des pros. Des gars qu'on été éduqués à buter du guss dès le plus jeune âge. Des gars qu'ont appris à s'servir d'une arme avant de savoir marcher. Des gars qu'hésiteront pas à nous foutre une balle entre les deux yeux dans les prochaines secondes. Celles où tout pétera. Et elles arrivent vite. Ces foutues secondes.

          Trop vite.

          Ça s'passe en un instant. L'instant d'avant, les guss étaient aussi calmes que des pierres tombales. Aussi droits. Aussi froids. Et, d'un coup, les flingues se sortent. Les tirs volent. Moi c'que j'fais ? J'me jette à terre. J'tiens trop à la vie. Et en même temps, j'fais voler deux balles qui se jettent dans le crane de deux guss. C'sont des révos. C'pas grave.

          Les corps tombent mais j'ai pas le temps de dire merde. Vraiment pas. Mon sang gicle encore dans les tempes que je vois déjà la porte s'ouvrir à la volée, à côté. Et deux guss rentrent sauf qu'ils ne voient que le bandé et mon corps allongé passe inaperçu. Temps pis pour eux. Deux autres balles se perdent dans leurs cranes. C'étaient les gardiens de la porte qu'ont accourus en entendant les coups d'feu. Z'avaient qu'à rester à l’extérieur, les cons. J'mire autour de moi et je ne vois plus que du sang. Du sang et de la mort. Et Ando qui se bat avec le bandé. Le gros bordel commence. J'sais ce que j'ai à faire. Faut pas que je reste là. Surtout pas.

          Si un seul connard de révo arrive à sortir du village et à prévenir Krabbs, on est foutus. On aura tous les révos et l'équipage du futur corsaire sur le dos.

          On sera dans la merde. Et ça, même moi qui veut piocher autant de primés que possible, j'ai pas envie que ça arrive.

          Alors je sors de la pièce, autant que possible. J'entends une balle qui vient siffler vers ma gueule dès le premier pas mis à l’extérieur. J'réponds de la même manière. Ça marche, ça marche pas, j'en sais rien et c'est à peine si je vois d'où provenait le tir tellement il commence à faire noir. Non, le seul truc que je vois, c'est une lanterne qui se perd vers la sortie du village. Un pauvre guss qui part prévenir le Krabbs. Faut que j'le rattrape. J'ai pas d'temps à perdre, l'est déjà trop loin pour lui loger une balle. J'me mets à détaler vers lui comme un lapin.

          Les tirs qui sifflent et volent vers moi ? Rien à foutre. Y'a plus important. J'zig zag dans la neige. Dans le noir. J'cours le plus vite que je peux et bientôt, je m'engouffre dans le néant. Les arbres et leurs ombres qui forment de sales monstres tout autour. Le vent qui vient crier dans chaque branche. Et cette foutue loupiote que j'arrive à peine à discerner tellement elle est loin. Mais j'cours quand même. Toujours. Comme si je pouvais encore la rattraper. Derrière moi, j'entends des pas, des cris. On m'suit mais j'ai pas le temps de réagir, de les arrêter. Surtout pas. Du temps, j'en ai déjà trop perdu. Alors je fonce à travers les branchages qui viennent me griffer le visage. J'manque à plusieurs reprises de m’affaler à cause d'une racine trop grosse, d'un trou caché par la neige et je continue. Jusqu'à ce que je m'aperçoive. Bah qu'la loupiote bouge plus. Que je la rattrape.

              Le Sabre d'old Lando est dans sa main au moment ou celle de Gabriel lève son arme pour le mettre en joue. Et quand le coup part, le pirate dégaine à demi tout levant son sabre a hauteur de visage.
              Le geste est d'une précision parfaite et au lieu de lui traverser le crane la balle heurte le métal avant de partir se perdre dans un des murs...

              [...]

              Dehors les autres révos du coin finissent en hâte de s'équiper pour surgir de la taverne... Juste le temps de laisser au sous chef le temps faire le point sur la situation et de donner les ordres à la douzaine d'hommes qui constituent le reste de la bande stationnée ici.

              -Vous quatre avec moi, on va voir ce qui se passe en face... Vous deux faites le tour, y'a une autre porte derrière la baraque, vous vous rapprochez de la salle de réunion et vous attendez mon signal. Timmy, tu files au den den prévenir le chef qu'on a comme un souci. Boris, tu prends le reste des hommes et vous me rattrapez le type qui a filé dans les bois... Et dans la foulée retrouvez moi les deux abrutis censés monter la garde autour du village...

              [...]

              Dans la salle Old lando repousse lentement sa chaise et se lève pour faire face à Gabriel, souriant de ce petit sourire supérieur qu'ont toujours ceux qui pensent en savoir toujours un petit plus que le reste du monde.

              -C'est ce qu'on appelle tuer une proposition dans l'oeuf je suppose... Est ce que ce n'est pas un peu hâtif pour un jugement qui risque de s'avérer tellement... définitif pour au moins l'un d'entre nous ?
              Un sourire macabre se dresse sur les traits de l'assassin. Evidemment, cela ne pouvait être si facile. Des réflexes dignes de sa réputation. Il eut un maigre regards pour ses frères sans vie, morts des balles de Mihai. Il occulta le remord que cette vue lui procurait, puis se releva lentement, laissant tomber l'arme du Révolutionnaire qu'il avait mis hors de combat. Là, plusieurs choix s'appliquaient à lui. Tourner sa veste, briser sa couverture et révéler son appartenance. Tenter de négocier avec le pirate et rendre, peut-être, quelques médecins à Krabbs. Le chasseur de prime s'en était allé, c'était donc chose possible. Mais le désirait-il réellement ? Old Lando était un pirate. Un bandit des océans. Il avait certainement tué plus d'un homme innocent et mis à mal de nombreux villages. Certainement. Ce n'était pas confirmation de sa culpabilité. Pourquoi le tuer donc ? Il besognait avec un homme mesquin, cruel et destructeur. Un être dont la vilénie était reconnue. Tellement reconnue qu'il avait été invité à œuvrer du côté du Gouvernement. De ce fait, par association, Old Lando devenait coupable des mêmes crimes. Un suivant qui n'adhérait pas aux idéaux de son leader trahissait, après tout. Et des traîtres, il en connaissait plus que sa dose. Certains de ses hommes avaient choisi une voix encore plus sombre à la sienne, une voix où la corruption et la destruction allaient bon train. Une voix empreinte des mêmes vices que celle de Krabbs. Ce vieux pirate ne valait donc pas mieux. Un acte de bonté, ou deux, ne suffisaient pas à racheter une vie de malice et de piraterie. Le choix était clair dans l'esprit de l'assassin. Il n'était pas comme le Seigneur Ombre, à envisager une possible alliance. Il se refusait à avoir Krabbs de son côté. Peut-être était-ce cette histoire de Confrérie qui lui faisait voir rouge trop vite, lui faisait faire des associations trop rapides. Mais il avait la rage au ventre. Une rage qui ne demandait qu'à exploser.

              Il se releva, posant la main sur la 'blessure' qui maculait de sang son bras. La fumée s'était arrêtée. Quasiment résorbée. Il avait craint une contre-attaque soudaine d'Old Lando, une contre-attaque qui lui serait passé au travers, lui conférant un avantage royal. Mais le type n'était pas du genre à se laisser emporter. Pas comme lui. Il ignorait cependant qui était Rafael, pour le moment. Il fallait profiter de cela. C'était le seul avantage qu'il possédait en cet instant. Ça, et ses talents. Mais pour l'un comme pour l'autre, l'effet de surprise était primordial. Mieux valait prendre des précautions, tout de même. Dans la cour où il évoluait à présent, bon nombre d'adversaires possédaient la capacité de lui nuire. Autrefois, sur les blues, il était tout puissant. Mais ici, il changeait de domaine. Son logia n'était qu'un atout, pas une carte maîtresse. Il avait appris la leçon à la dure avec Keegan Fenyang. Il ne referait pas la même erreur. Le bruit de la fusillade avait du faire du ramequin à des lieues à la ronde. Il faudrait en finir vite. Salem aurait de bien vilaines surprises à bord du Léviathan. Pour cela, il fallait rester Gabriel Belmont et montrer à tous qu'on ne contrariait pas la Marine. C'était une méthode vile et manipulatrice, mais ... c'était le moindre mal. Ainsi décida-t-il de rester Gabriel, de laisser son adversaire se perdre dans son jeu et profiter d'une faille pour le mettre à mal. Pourquoi ne pas laisser une main en évidence par exemple ? Le laisser l'abîmer, le laisser le dominer pour le prendre de cours. De nombreux plans se dessinaient dans sa tête, sans que la tension entre les deux regards ne diminue. Il disposait d'au moins trente secondes pour se débarrasser de son adversaire. Cela suffirait-il ?


              "Si vous traitez avec les Révolutionnaires, c'est trahir la seconde chance qui vous est offerte. C'est plutôt ça qui est définitif pour ton Capitaine ... et pour toi." répondit-il, levant sa main gantée vers lui.

              L'assassin tira de son fourreau sa rapière, de sa main droite. Il se mit en garde, lame vers l'arrière, griffes en avant. Il dévisagea Old Lando de haut en bas, cherchant un point faible dans la carapace de morgue et de suffisance que celui-ci lui adressait. Mais ce qui était le plus dur dans cette histoire, ce n'était pas d'avoir à affronter ce type. Non, loin de là. C'était proférer de telles paroles. Un fiel infect qui sortait de sa bouche et lui soulevait le coeur. Mais il profanait sa condition une toute dernière fois. La prochaine visite qu'il rendrait au Léviathan serait mortelle. Implacable. Un frisson lui parcourut l'échine. Il tuerait bientôt des Marines. Un frisson de mauvaise augure. Quelque chose au fond de lui semblait s'agiter et se réveiller. Un sentiment sinistre, pareil à celui qu'il avait éprouvé en compagnie de tous ces hommes la dernière fois. Les marins du Léviathan étaient des hommes bons. Pour la plupart. Ils avaient choisi le mauvais camp, certes. Alors ils mourraient. Pour blesser Salem, pour faire taire la rouquine. Pour que Double face tombe à ses pieds, pour que Lazar ravale son sourire de dingue. Pour que Cross retourne à sa vie pathétique. Le cornu, il se le réservait. Les autres il s'en foutait. Pour la seconde fois, l'assassin se rendit compte qu'un véritable monstre sommeillait au fond de lui. Un visage qu'il n'avait qu'effleuré, une face qui demandait sang et chair. Etait-ce ainsi qu'il avait façonné la Confrérie ? Et si l'Umbra n'était que le reflet de cet être qu'il pensait juguler. Soit on mourrait en héros, soit on vivait assez longtemps pour endosser le rôle du mauvais. L'assassin n'avait que trop vécu. Mais ses principes servaient le bien. Soigner le mal ... par le mal. Après tout, ce n'était peut être pas une si mauvaise alternative. La sottise fut de juguler la bête trop longtemps. Assassin. Meurtrier.


              "Il serait stupide de te demander de te rendre. Autant pour toi ... que pour moi." fit-il, avançant d'un pas.

              C'était lui qui avait ouvert les hostilités après tout. Il repensa à la petite fiole qui était camouflée dans sa veste. Dans cette maigre capsule résidait tout son être, tout ce qui le résumait et faisait de lui l'homme qu'il était. À n'utiliser qu'en extrême urgence. Se tournant, l'assassin fit siffler son épée, claquant volontairement contre le fil de la lame d'Old Lando. Il ne désirait pas l'attaquer, ce n'était pas dans ses passes d'armes. Contre des hommes de faible calibre, peut-être. Et encore, il préférait l'ombre. Non, son style se basait sur les parades et la proximité. Il allait forcer Old Lando à l'attaquer, à riposter. Oh, il viserait certes un point vital ou deux, histoire de le faire réagir, mais rien de bien certain. Rafael frappa trois fois. Il visa, tour à tour, le flanc et la carotide puis se fendit d'un coup de griffe, destiné à mettre de la distance entre Old Lando et lui. Le métal semblait fumer. Chaleur ou ... autre chose ? Il recula d'un bond, se mettant hors de portée de la riposte puis se mit en garde. Qu'il vienne, il l'attendait. Il y avait plusieurs solutions à appliquer. Contrer et étudier jusqu'à percer la faille. Parer et provoquer les failles. Se laisser avoir et le laisser croire à sa victoire. Surgir des ombres. Il avait une préférence pour les deux petites dernières, qui impliquaient toutes deux une frappe rapide, expéditive et minimaliste. Une frappe comme il les aimait en somme. Mais lui fallait avant tout jauger son adversaire ... et lui laisser croire qu'il avait raison d'afficher ce petit sourire si irritant.
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                Mihai
                Effectivement, la lanterne ne bouge plus. Et pour cause. Le crétin la devant vient de te tendre le plus vieux piège du monde... Enfin, peut être pas... Disons le plus vieux depuis l'invention de la loupiote.
                Conscient que sa petite lampe le rendait plus visible dans une forêt noire qu'un naturiste égaré au milieu de la sortie de messe de Manshon, ta cible à laissé son feu accroché à un arbre. En toute logique il veut te faire croire qu'il est caché juste derriére et te sauter dessus par surprise quand tu te rapprocheras...

                Ce qui signifie qu'il est probablement caché juste à la droite, du coté de ce sapin un peu plus touffu que les autres...

                L'abruti, c'est pas aux vieux chasseur de prime qu'on apprend à faire la grimace...

                Cela dit il faut faire vite, un aboiement vite étouffé derriére toi et un rapide coup d’œil t'apprenne que les types que tu as canardés en sortant se sont organisés et se lancent à ta poursuite. Il s'agirait pas d’être pris entre deux feux.


                [...]

                Rafaelo

                En matiére de failles l'adversaire s’avère être un escrimeur extrêmement talentueux... Ses parades sont rapides, précises, impeccables. Et même si tu ne donnes pas le meilleur de tes capacités, tu te retrouves bien plus loin de l'atteindre que ce que tu escomptais.
                Et en plus d’être bon il est prudent, prudent et méticuleux, son sabre lui donne une meilleure allonge que la tienne et il s'en sert à merveille pour lutter contre tes deux armes, profitant de chaque instant de répit pour se maintenir dans des conditions idéales de combat, tranchant la table, les sièges, et se déplaçant en cercle autour de toi pour ne pas se faire acculer contre les murs...

                -Curieux vraiment. Voila un style de combat qui n'est pas exactement celui qu'enseigne la marine. Se retenir, observer, tester, attendre pour placer la riposte foudroyante qui mettra fin au combat d'un seul éclair d'acier... Intéressant...

                Et comme tu n'attaques plus il le fait. Il est plus brutal et plus offensif que toi. Un poil plus rapide aussi... Pas assez pour pénétrer la défense impénétrable que tu as bâti pendant des années d'entrainement, mais assez pour te maintenir sur la défensive et t’empêcher de contre attaquer, tout occupé que tu es a contrer la déferlante d'acier pour ne pas révéler tes pouvoirs...

                -Il y a longtemps que je n'ai pas combattu un maitre d'escrime de ta trempe... Longtemps que je n'avais pas fait appel au...

                Bruit de lame qui en rencontre une autre, encore, et encore... Mais dans le tintement métallique qui résonne dans la pièce, une dissonance vient de se glisser. Comme si une des lames venait de changer...

                -...Jugement de l'acier...

                Et alors qu'une nouvelle fois tu dévies sa frappe, ta lame se brise juste au dessus du pommeau...
                Le choc du métal. Implacable, insolent. L'acier de l'antique lame crisse et se craquèle. Une veine noire apparaît juste au-dessus du fourreau, appelant à l'abîme et au néant. Un frisson glacé parcourt l'échine du bretteur, devant ses yeux horrifiés, son artefact se délite. La lame rompt et éclate en un cynique chatoiement. Le cuir qui enrobait la garde se déchire, cisaillé par le fil de l'épée du pirate. Le pommeau glisse hors des mains de l'assassin, échappant à ses doigts écorchés. La gaine s'étiole et déroule la garde d'une arme aux parures dorées, au symbole reconnu. Un 'A' cerné de trois serpents, entrelacés et dévorants. Une estampille que peu connaissaient dans son sens originel, mais qui avait une signification plus sordide à présent. Le symbole de l'Umbra. Sans fioriture ni sacrement. Trois serpents qui crachaient leur vilénie à l'encontre du monde. La garde de la rapière Auditore rebondit à terre, avec un bruit sourd. Elle roula et percuta une chaise renversée. Le métal toucha le sol avec le son d'une bourse qui se déverse. L'homme masqué recula d'un pas, contemplant la chute de ce dernier lien. Il regarda le sang qui perlait hors de sa main. Il contempla son gantelet aux griffes effilées. Qu'était-il devenu dans cette quête insensée ? Son héritage venait d'être mis à bas par le fil de la lame de ce pirate. Un colère sourde commença à pulser au fond de ses tripes. Une rage qui le menait depuis de mois, une chose qui était devenu sa raison d'avancer. Depuis quand ? Trop longtemps peut être. Il se maintint sa main droite, blessée par l'éclatement de son arme. Pourtant, ce n'était pas de la peur qui trônait au fond de ses pupilles océanes. Une froide détermination, si glaciale qu'elle aurait pu geler le cœur d'Old Lando sur place. Ce n'était pas le regard d'un homme aculé, ni celui d'un fou. On pouvait y voir toute sa détermination, toute sa haine. Le pirate n'était qu'une étape sur sa route, peu importât qu'elle se révéla fatale ou non. Un jalon qui venait de frapper en plein coeur du symbole. Son ordre avait chut, puis son héritage. Oh, bien entendu, ce n'était qu'un objet, mais sa valeur était bien plus grande aux yeux de l'assassin. C'était comme lorsqu'on avait enlevé Cesare, c'était comme lorsqu'on ce Colonel s'était emparé des effets de son père en guise de trophée. Il touchait au sacré. Il touchait à son âme, à ce qu'il incarnait. Un sourire mesquin se dessina sous l'étole qui barrait le visage de Rafael. Il en avait presque la chair de poule. Son coeur battait durement au creux de sa poitrine, cognant de toute ses forces. L'instant semblait s'être figé.

                "Pour ma part ... *il ricana* il y a longtemps qu'homme ne m'a pas fait sortir de mes gonds." murmura l'assassin.

                Une douce folie s'était emparée de lui, il oscillait entre son devoir et sa colère. Ne sachant que choisir, il s'avança droit vers son adversaire, main gauche levée. Les griffes scintillèrent dans la pénombre, alors que Rafael se mettait de nouveau en garde. Une légère fumée s'exhalait de lui. Assez fine pour n'être que de la buée, mais bien trop sombre pour qu'un oeil aguerri ne s'y trompe. C'était un fait, les pouvoirs de l'Auditore étaient liés à la force de ses pulsions, de ses sentiments. Et en cet instant précis, c'était un mélange de fureur et d'indécision qui bouillonnait en lui.


                "Tu te trompes sur un point, cependant. Je n'ai pas besoin de t'attendre pour placer cette riposte." grogna-t-il, en se précipitant sur lui.

                Le masqué roula sur lui-même, s'emparant du sabre tombé d'un des trois pauvres hères qui l'avaient suivi. Il plaça deux feintes puis imprima un autre de ses coups d'une violence rare de sa part. Les brefs échanges lui avaient permis de cerner un peu mieux la façon de se battre d'Old Lando, et cela n'arrivait toujours qu'à une seule conclusion : il était meilleur que lui. Meilleur épéiste, certes. Leurs styles étaient diamétralement opposés, tout comme les techniques empruntées de ce pirate. Usant du décor, l'assassin tenta de le prendre de court en lui envoyant une chaise d'un coup de pied rageur. Le bois éclata en un millier d'esquisses, mais cela ne l'arrêta pas. Il frappa derechef, enchaînant coups brutaux avec griffures fourbes. Progressivement, la force de ses attaque augmentait, à l'aune de sa rage, mais parallèlement il s'essoufflait et perdait en subtilité. Ses coups se déviaient dans le bois de la bâtisse, creusant des estafilades de plus en plus larges dans le sol et les murs. Si bien que, de nouveau, la lame de son arme empruntée se tordit. Une fois, puis rompit. Un claquement sec, sans équivoque. Le métal ricocha sur l'étole qui enserrait le front de l'assassin, la déchirant légèrement. L'assassin se retrouva là, bras droit en avant, main gauche levée pour une énième attaque. Le souffle court de ses dernières attaques, toujours cette sombre colère au fond du regard. Poitrail dévoilé. Masqué par l'étole, Old Lando ne pouvait pas voir le sourire qui s'étiolait sur ses lèvres, juste sa froide détermination. Son front ne saignait pas.
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                  -Go !

                  Profitant de la courte séparation entre les deux combattants, l'escouade révo en position dehors entre en action. Deux pieds bottés défoncent les deux portes. Celle par ou vous êtes arrivés et celle du fond de la pièce, qui mène probablement à une pièce secondaire puis à une deuxième sortie.

                  De la galerie qui court le long de l'étage, deux crosses de fusil démolissent les épais carreaux de la petite fenêtre, et en un instant vous vous retrouvez toi et Old sous la menace de quatre fusils... Enfin non, pas vraiment, il y a bien quatre fusils mais ils ne menacent que l'intrus, toi...

                  -Un geste et on te troue connard ! Pose ton arme !

                  Old de son coté ramène ostensiblement sa lame le long du corps et recule de quelques pas, s'éloignant de toi et des lignes de tir des révos... Et son sourire insolent et sur de lui le suit comme son ombre...
                  Merde, ça c'était pas prévu. L'assassin se figea. Pirates ... ou ? Révolutionnaires. Ses frères. Il eut un regard vers les deux qui gisaient à terre, une mare de sang autour de leur crâne. Puis envers ceux qu'il avait réussi à mettre hors de combat, toujours vivants. Il porterait le tribut de la mort des victimes de Mihai, mais il connaissait les risques en venant ici. Rafael se retourna lentement vers les hommes qui le pointaient de leurs fusils. Quels choix s'offraient à lui ? Baisser les armes et se laisser embarquer. Ils lui ôteraient le foulard à la moindre occasion, révélant la supercherie. Le but était de tout faire pour charger le dos de Salem. Mais ... ces méthodes étaient viles, en un sens. Rien n'est vrai, tout est permis. Tsss. Mouais, encore un plan foireux, hein ? La prochaine fois, tu seras peut-être un peu plus futé Raf', et t'arrêteras de foncer tête baissée, ça te fera des vacances. Il réfréna l'élan de colère qui l'avait poussé à attaquer le pirate, jugulant ses pouvoirs par la force de sa volonté. Tout homme sensé en resterait là, on ne pouvait échapper à une salve de balles d'aussi près. Sauf pour de rares élus, après tout. Le pirate se sortit de la ligne de mire des Révolutionnaires. Deux options s'offraient à Rafael. Mettre hors d'état de nuire ses frères, quelques bleus leurs suffiraient mais alors il serait obligé de révéler sa condition de logia, de se trahir. Il n'était pas assez rapide pour frapper avant de se prendre la salve. L'autre option était de se rendre, de laisser à Old Lando l'occasion de croire que les révos l'avaient sauvé, sinon aidé. L'imbécile ne perdait rien de sa morgue, ce qui ne faisait que contribuer au mépris que l'assassin lui conférait. Un pirate. En un sens, ils valaient mieux que certains du gouvernement, eux au moins ils s'assumaient ... et que certains Révolutionnaires, cela allait sans dire, hé hé. Cette dernière option était aussi risquée que la précédente. Bon, le choix était fait. À la guerre comme à la guerre, après tout.

                  Il lâcha son épée, puis leva lentement les deux mains. La solution de sagesse, non ? Ou pas. Il risqua un regard vers la fenêtre puis, sans crier gare, il fit trois pas à travers la pièce, puis sauta à travers elle. Fallait savoir s'avouer vaincu, enfin ... quand on était un Marine. Le verre se brisa sous son poids, et deux balles frôlèrent de trop près l'assassin, volant à travers ses vêtements. L'une érafla son flan, traçant une large estafilade rouge. L'autre se perdit dans les méandres de l'écharpe carmine. Il se rattrapa à terre en roulant, et s'engouffra entre deux bâtiments avant que ses frères n'aient le temps de recharger et de le pointer de nouveau. Il s'aida de caisses entreposées ça et là pour gagner les toits, hors de vue de la bâtisse à deux étages, histoire de ne pas laisser ses empreintes dans la neige puis, entendant les cris au loin, regagna les rues pour se diriger vers les montagnes. Là, il y serait en paix. Il disparut entre deux conifères, non sans jeter un regard arrière. Des lumières s'agitaient dans la ville, mais ses aptitudes à la dissimulation, sans compter son expérience des climats de ce genre à Tequila Wolf, semblaient les avoir perdus. Il prit le temps de se cacher dans une congère, histoire de vérifier qu'il n'était pas suivi. Et merde ... ça avait foiré. Enfin, vraiment ? Old Lando avait été attaqué par la Marine, et sauvé par la Révolution. De ce fait, ça entrait toujours dans les bilans positifs. Certes, le pirate respirait encore, mais l'alliance avec la mouette était compromise. Quant à filer des médecins à Krabbs, Rafael n'était pas pour, mais ce n'était plus à lui de décider à présent. Les quelques scrupules qu'il avait eu à agir ainsi s'étaient rapidement envolés. La fin justifiait les moyens, mais là, c'était ... nouveau. Son action avait engendré la mort des siens, et c'était une blessure pernicieuse. Il avait certes essayé de l'éviter, mais il aurait du s'y attendre. Il ne valait pas mieux qu'un autre, seule la cause comptait finalement. Plus tard les états de conscience, plus tard. La Confrérie avait besoin d'action d'éclats, elle nécessitait que cette guerre soit gagnée, à tout prix ! Peut-être une excuse parmi tant d'autres. Le destin s'en était mêlé, au final et ce n'était pas plus mal, en fin de compte. Old Lando ne correspondait pas exactement au crédo, il ne savait rien de lui, mis à part sa condition et la réputation de l'équipage de Krabbs. Oui, ce n'était pas plus mal.

                  N'entendant plus le moindre bruit aux alentours, l'assassin se transforma en nuage de fumée puis s'envola à grande vitesse à travers le ciel, profitant de la couverture nuageuse pour se camoufler au regard des potentiels observateurs. Sa mission était à présent terminée ici, Salem ferait bien assez tôt les frais de ses actes, de son odieuse manipulation. Tant que cela servait la cause ... Ne restait plus qu'à survoler l'île et repérer la cache des forces révolutionnaires en masses, direction le château. Le Seigneur Ombre le retrouverait bien, il était plus temps de prendre contact avec les forces en présence sur l'île et de laisser tomber ces enfoirés de Marines. D'autant plus que la suite de son plan nécessitait quelques surprises que seuls ses camarades pourraient lui fournir. Ou alors ... il y avait un homme qui respirait toujours, un homme qui était sensé agoniser. Mais n'était-ce pas s'engager là sur la même voie qu'avec Old Lando ? Juger sans savoir, se précipiter et faire des erreurs. Non. Il rejoindrait la révolution et se battrait à leurs côtés. Rien de plus, rien de moins. Il lui faudrait aussi prendre des nouvelles de Céline ... et rechercher Envy lui-même, dans le pire des cas.
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                  J'me prends des branches remplies de neige dans la figure à presque chaque pas que je fais, comme pour me donner encore un peu plus de fraîcheur. Comme pour me congeler un peu plus. Mais je continue la course et bientôt, la loupiote apparaît plus distinctement. Me reste qu'une dizaine de mètres à faire mais j'ai beau regarder de tous les côtés, le proprio a l'air de me la faire à l'envers. Alors j’arrête de courir. Je la joue prudent parce que le con a dû vouloir se cacher et plus j'approche plus les traces de pas se font bordéliques. J'ai beau tenter de comprendre les paroles du sol, j'y arrive pas. Ça a l'air à moitié effacé et le buisson, à gauche, tout touffu, tout bien pour se planquer me rassure pas.

                  Je tire une valve dedans, au cas où, et je recharge. Mais aucun râle ne se fait entendre. Aucun corps ne tombe. Tandis que de nouvelles balles viennent se loger dans le chargeur, que les bruits de pas derrière se font plus ordonnés, plus pressants, mes yeux voient enfin ce que je voulais voir, au milieu de la pénombre, de la neige et du peu de lumière que me fournit la loupiote, je vois les traces que je voulais voir.

                  Je vois le temps que j'ai perdu et celui qu'a encore gagné le poursuivi.

                  Et merde. Il me l'a faite à l'envers.

                  Alors je me remets à courir. Comme un con. Sauf qu'il est trop tard. Les coups pleuvent derrière. J'ai trop perdu de temps. Les poursuivants tentent déjà de me dessouder. J'me jette dans la neige comme si j'avais pas froid. J'saute derrière un tronc tombé.

                  Et j'attends. J'attends d'entendre le son des courses. De savoir exactement où seront les gars quand je me retournerai et me mettrai quelques secondes à découvert. J'attends de sentir le moment exacte où ils seront tous à moi. À mes balles.

                  Immobile, les yeux fermés et le dos collé au tronc d'arbre, à moitié assis, je scrute. Je sens. J'écoute.

                  Et vint le moment où je sors ma gueule. Où je sors mon flingue et où les coups pleuvent. 4 pour être exacte. 4, comme le nombre de corps que j'entends tomber. Comme le nombre de balles qui viennent siffler à mes oreilles sans réussir à me toucher. Et j'me rabats le dos contre le tronc.

                  Ça a été rapide. Ça oui. Mais merde comment mon cœur bat la chamade. Comment j'ai encore cru que j'allais crever. Ahah c'que j'aime ça. Et c'est pas fini, ça non, il en reste c'est sûr. Combien ? Où ?
                  Je me remets à écouter comme pour comprendre où je me suis fourré. Pour réussir à pas crever. Je me remets à écouter les bruits de pas qui sont étrangement plus discrets. Plus flous. Plus rapides.

                  Plus rapides ?!! Merde !

                  Alors que je me prépare à sauter de ma cachette, me rendant compte que les guss ne sont plus qu'à quelques mètres de moi, une balle vient se ficher dans le tronc à quelques centimètres de ma gueule et c'est par une autre, de balle, que je réponds par réflexe. Le guss qu'était censé me l'avoir fait à l'envers. L'était planqué devant moi, depuis tout ce temps ! Mais ce con a loupé sa chance et son corps tombant à la renverse le prouve bien. Sauf que j'ai pas le temps de respirer et qu'à peine je saute en avant que le tronc se fait trancher en deux, en un coup d'épée !

                  Je suis dans la merde.

                      Tout est une affaire de point de vue évidemment. Maintenant que tu sais qu'un des types tranche les tronc d'arbre comme d'autre coupent une buche, effectivement, ça pourrait paraitre délicat. Mais quand on y réfléchit bien... Y'a quelques minutes il devait déjà savoir couper des arbres, et en plus il n'était pas seul... Et de ce point de vue la, y'a quand même une amélioration.

                      En tout cas c'est ce que tu peux penser jusqu'a ce que tu vois le type debout derriére l'arbre qui s'effondre...

                      Une histoire de Pirate Lumberjack1_imagesia-com_4zbw_large

                      Dans ta tête, les affiches de primés défilent comme les symboles de fruits sur un bandit manchot. Et Cling, tu trouves. Boris "Double Hache" révolutionnaire, mis à prix huit Millions de Berrys... Un bucheron originaire de Tequila Wolf qui un beau jour a mal pris qu'on lui demande de fabriquer des cabanes en planches plutôt qu'en rondin pour les prisonniers du bagnes... A quoi ça tient les prises de conscience... Bilan, une hécatombe chez les matons, et un Boris qui depuis fait parler de lui en agitant ses deux haches un peu partout...

                      Faut dire qu'elles sont impressionnantes ses haches. Ajoutés à sa carrure d'homme ours, difficile d'oublier le monsieur...

                      Pendant que tu recules Boris fait justement siffler ses deux outils en l'air dans une danse complexe et indéniablement impressionnante... Et sautant sur la souche de l'arbre fraichement abattu il pointe une de ses cognées vers toi.

                      -Toi le marrrine ! Mes frrérres sont morrrt, prrréparrre toi à les rrrejoindrrre

                      Et poussant un cri de guerre horrible, il se jette sur toi comme une scie circulaire enragé..
                      Je recule pas hein. La gueule que je tire, c'est pas de la peur. J'me mets juste à admirer la trogne de ce bon vieux Boris. Ce vieil ours qui fait peur à la plupart des gusses qui croisent son ch'min et qui survivent. Les autres, sont plus là pour parler. Je recule et alors même qu'il m'insulte de marine en me pointant avec ses deux hachoirs, moi aussi je me mets à le pointer de mon pétoire. Et je n'lui laisse pas le temps de finir sa phrase que ma balle part déjà filer entre ses deux yeux. Yeux qui se font sauver par le plat d'une hache aussi rapide qu'une balle. Balle qui ricoche et part se perdre dans un arbre juste à côté de moi.

                      _Bon, j'ai compris... Les armes à feu, c'pas pour toi...

                      J'range mon pétoire pour sortir l'Opinel, au moins, pas de risque de ricochet mortel. Sauf qu'à bien regarder ma minuscule lame, à bien regarder ses énormes cognées, y'a comme une différence de taille. Et le corps à corps contre un guss comme ça, ça fait mal, très mal. Alors qu'il tente déjà de me trancher en deux, je n'essaye même pas de parer, c'est un coup à péter mon arme dès le départ, non, j'esquive, je me baisse au dernier moment pour que sa grosse hache vienne raser le chapeau qui manque de s'envoler. La mini-seconde d'après je m'retrouve la gueule sur ses jambes que j'entaille avec ma minuscule lame. Sauf que l'animal, l'a des réflexes bestiaux et son énorme godasse vient percuter ma gueule pour la faire valser. La faire voler loin au dessus de sol. Lui faire voir rouge.

                      Et ça fait Strike. Tout mon corps s'écrase contre un tronc qu'avait rien demandé. Ça fait Cric, ça fait crac. Et ça fait mal. Le dos complètement explosé contre l'arbre, je tente difficilement de m'retirer alors que le bon vieux Boris continue à m'mater de ses deux yeux tout heureux. Je penche la tête à gauche. Je penche la tête à droite. Ca craque une ou deux fois. Au vu de c'que je ressens, j'dirais une côte ou deux de froissées.

                      _Héhé mon p'tit Boris, si ton cerveau faisait la taille de tes panards, t'aurais p't'être une chance.

                      Alors que le pauvre guss descend la gueule vers le bas et ouvre grand la bouche comme pour tenter de comprendre, moi j'analyse. Et j'décide. Je range mon Opinel qui servira à rien contre ce tas de graisse et de muscle pour sortir mes deux pétoires. Je n'tirerai pas de loin, mais j'tirerai bien. Sauf que le pauvre Boris, l'a pas compris qu'il avait perdu, qu'il n'avait plus aucune chance de gagner et il recommence sa valse des hachoirs.

                          Effectivement, le brave Boris à l'air d'avoir l'esprit aussi vif qu'un billot de bois. Mais il a l'habitude de côtoyer des gens qui comprennent des choses que lui ne comprend pas, alors il range la blague dans un coin de sa tête pour l'étudier plus tard et revient illico à son leitmotiv du moment, trouver le moyen le plus rapide et le plus efficace de t'émonder comme une grosse buche...

                          -Pauvrrre Fou ! Perrrsonne ne peut vaincrrre un bucherrrron dans un combat en forrrét !

                          Et la... Il faut dire que le type te surprend, il est peut être pas super malin mais il a un truc quand même. L'instinct de survie ? Va savoir... En tout cas au lieu de se jeter sur ton flingue braqué il file sur la gauche et se met à te contourner a toute vitesse en prenant soin d'interposer plein d'arbres entre lui et toi. Tu tires quand même, après tout c'est la marine qui paye tes balles, mais tu n'es pas sur de l'avoir touché... Et pendant ce temps la lui il tranche... Qu'est ce qu'il peut bien faire ?

                          -TIIIIIMMMBEeeerrrr !

                          Et quand tout les arbres derrière lequel il est passé basculent de concert tu comprends soudain... C'est pas l'instinct de survie c'est celui du castor !

                          Les arbres s'abattent, pas sur toi mais bien autour de toi, le bucheron a compris qu'il devait te coincer et t’empêcher de fuir ! Et alors que troncs et branches te coincent au milieu d'une vraie cellule végétale, Boris fait un bond gigantesque pour venir t'attaquer par le seul endroit ou tu es encore accessible, par le haut !

                          -LUMBERRRJACK KENPO !
                          Dans ce genre de moment qui ne dure souvent pas plus d'une seconde, où la vie ne tient plus qu'à un fil, on n'a pas le temps de réfléchir et tout le futile, tout l'inutile, nos pensées le virent. Ma femme, ma gosse, la sale gueule du Boris, les coups de pute du bandé et le bain de sang qu'il a entraîné, tout ça, je l'oublie parce que ce genre de moment,

                          J'le vis.

                          C'que je fais quand je me rends compte que cet enfoiré d'Boris m'a bloqué ? Rien. Nada. Quedal. J'respire et j'reste immobile. Mon pétoire pointe vers sa gueule et mes yeux observent bien grands ouverts. Oh ça dure pas longtemps non. Juste celui de prononcer deux syllabes. Juste celui de comprendre le sens et la force du vent, de trouver la faille de garde du Boris, de voir la distance qu'aura la balle à parcourir. Et quand c'est fait,

                          Je tire.

                          Y'a de ces gens qui dès qu'une connerie leur arrive, agissent de manière conne, font tout de travers et s’enfoncent encore plus dans la mouise en voulant réagir. Et pis y'a les gens comme moi, qui réfléchissent, qui prennent la bonne décision, qui s'en sortent.

                          Qui survivent.

                          Sauf que là, le trou noir qui suit le coup de feu ; la douleur qu'envahit tout le corps, la chaleur qui réchauffe ma gueule gelée comme un liquide tiedatre, ça me rassure pas. Ça me fait même un mal de chien qui m'empêche de bouger. Je sais bien que j'ai les pieds bloqués par les foutus rondins d'bois, mais le reste ? Forcément, j'me demande...

                          C'est ça, l'enfer ?

                          Parce que j'me suis toujours dit ça, quand la mort viendra me prendre, ce sera pas pour un coin tranquille avec la papaye, non. Ça sera pour payer mes conneries. J'ai trop laissé de fois ma conscience de coté pour ramener du fric à ma femme, j'ai trop dit merde à la vie de gens qui méritaient pas forcément de mourir. Mais ça, au fond,

                          Je m'en fous.

                          Parce qu'en attendant, ma famille manquera jamais de rien et si j'devais recommencer, je recommencerai. Alors vu que j'en ai pas encore fini avec la vie, vu qu'j'en ai mare de ce gros bonhomme qui m'écrase et d'tout son sang qui coule sur mes frusques, JE VIRE CE FOUTU GROS BORIS ! Et j'respire, parce que y'a pas à dire,

                          C'est beau la vie.

                          Le saleté de bûcheron fixe le sol de ses deux yeux ternes et j'me dis que j'arriverai jamais à la porter. Sauf que je passerai pas à côté de 8 millions. Je mire sa gueule, j'me sa hache. Et j'coupe. C'est sanguinolent mais ça se conservera avec le froid. Je capuchonne sa gueule avant de frapper mes fringues pleines de neige et de sang, puis je repars. En silence.

                          Comme un cow-boy.