Héros ... hic !
PREMIÈRE DANSE
PREMIÈRE DANSE
« Ha non ! Je n’irai plus chez ce cinglé ! - Où est donc passé la gentille Yamiko prête à tout pour aider ses prochains ? Tu n’hésites pas à te rebeller contre la Marine pour aider des pirates mais tu refuses de livrer à manger à un vieil homme ? » La jeune borgne croisa énergiquement ses bras sous sa poitrine d’une jeune fille de seize printemps, pour bien marquer sa dénégation. Le vieux Pinguit était la dernière personne qu’elle aimerait revoir. La dernière fois qu’elle lui avait apporté son repas, il l’avait accueilli d’une façon bien violente et ce pour une raison que, même aujourd’hui, la jeune borgne ignorait toujours. Le vieil homme était connu pour ses actes insensés et imprévisibles. L’agression gratuite du sénile envers la jeune chasseuse de primes - serveuse à ses moments perdus au petit restaurant d’Ellaine Hurano - avait ôté toute envie à la jeune fille de le fréquenter. Yamiko était pourtant bien connue pour son côté plus que sociable qui la faisait même souvent passer pour une bonne poire. Habituellement c'était Tavo, un adolescent de treize ans, fils de la chef cuisinière, qui assumait le rôle de livreur de la maison mais durant son absence, comme aujourd'hui, il fallait bien trouver quelqu'un pour le remplacer. | Ellaine Hurano | Pinguit se faisait livrer ses repas quotidiennement par le restaurant d’Ellaine dont on disait qu'il était secrètement amoureux mais il n’était pas le seul dans ce cas. La rouquine était une vraie beauté en plus d’avoir un caractère de feu qui attirait bien des hommes et de tout âge. Jeune veuve et belle femme, nombreux sont ceux qui l'avaient déjà demandé en re-mariage mais elle avait refusé catégoriquement toutes les demandes de ses prétendants. « Cet homme ne mérite pas ma gentillesse ! … Dois-je te rappeler qu’il a failli m’embrocher avec son sabre tout rouillé la dernière fois ? … Quand je pense que j’aurais pu attraper le tétanos à la moindre égratignure ! - Encore une fois, je te dis que jamais il n’aurait fait ça. Il est peut-être beaucoup trop rustre et impulsif mais ce n’est pas … enfin plus un tueur ! - Un mauvais pirate le restera toute sa vie. Il a cessé de tuer seulement parce qu’il n'en est plus capable ! - Pourtant, tu viens de dire qu’il avait fallu te tuer ? - Justement, il « avait fallu » ! Il l’aurait bien fait s’il en était capable ! - Je pense que, malgré son état, il pourrait encore tuer des simples civiles s’il le désirait mais il ne le fait pas parce qu'il a changé. - Je dirais plutôt parce qu'il ne tient pas à terminer le peu de jours qui lui restent à vivre en prison. Vu son état, la Marine le rattrapera sans mal s’il commettait un nouveau crime … Et d’abord, pourquoi tu le défends comme ça ? Toi, la femme au cœur de glace ! Demanda la jeune borgne avec suspicion. - Si j’avais un cœur de glace comme tu dis, cela fait longtemps que je t’aurais balancé à la Marine à cause de ta dissidence, chasseuse de primes de pacotilles ! ... Le vieux Pinguit est un très fidèle client. Je ne veux pas le laisser mourir de faim juste parce que c’est un ancien pirate et que tout le monde le croit fou. - Un ancien tueur tu veux dire ! Enfin bon, je suis d'accord avec toi. Ce n’est pas une raison pour le laisser mourir de faim mais pour son bien, je te conseille de le faire livrer par quelqu'un d'autre ! ... Franchement, je ne comprends pas pourquoi la Marine n’enferme pas ce vieux psychopathe. - T’es vraiment conne ou tu le fais exprès !? Si je demande ce service c’est parce que je n'ai personne d’autre sous la main ! … En tout cas, le Pinguit a dû vraiment pousser le bouchon bien loin pour avoir réussi à se faire détester même de toi. Toi qui viens pourtant même au secours de ceux que tu es supposé arrêter, refuse d'amener à manger à un vieil infirme ! Jamais je ne n'aurais cru cela de ta part, Yamiko ! » Tenta de lui faire culpabiliser la Hurano. La jeune borgne resta silencieuse, la tête en ébullition. Son cœur lui dictait d’aller nourrir le vieux fou alors que sa raison lui disait de ne plus l’approcher. Elle était peut-être une bonne poire mais sa tolérance avait de limite. « Raaaaaaaah c’est bon ! Finit par céder la jeune borgne, aux proies à l' infamie. File-moi ce panier mais je te préviens, je le lui dépose puis je m’en irai ! Je ne resterai pas une seconde de plus dans l’antre de ce démon ! - Comme tu voudras. Tavo récupèrera le panier et les couverts quand il reviendra. » *** Un panier-repas dans les mains, Yamiko emprunta la direction vers le domicile du turpide Pinguit. Perdue dans ses pensées, à se remémorer sa malheureuse dernière rencontre avec l’insupportable vieillard, la jeune borgne fut ramenée dans la réalité par une agression qui attira son regard, alors qu’elle longeait une ruelle assez étroite mais très fréquentée. « Tu peux pas regarder où tu mets les pieds ? Lâcha un homme à un autre bien plus frêle que lui qu’il décolla presque du sol en le tenant par le col. - De ... de ... désolé ! Bégaya le maintenu alors que du liquide coula le long de ses pieds pour finir par se déverser sur le pavé. - Regarde-moi ça ! Il a pissé comme un bébé ! Six hommes, qui étaient du côté de celui qui malmenait l’apeuré, ricanèrent en chœur. - Aller, inclines-toi devant moi, le visage dans ta pisse et peut-être que je passerai l’éponge ! Déclara le meneur, tout en libérant son captif qui se pressa de poser les genoux à terre, s’apprêtant à exécuter l'ordre bien dégradant. - Ne faites pas cela ! Lâcha la jeune borgne avant que l’homme ne se déshonore complètement. » Du monde avait fini par encercler la scène mais la jeune chasseuse de primes se retrouva soudain isolée car tous les spectateurs s’étaient écartés par peur de se faire passer pour ses complices. « Hein ? Le chef des fauteurs de troubles détailla du regard Yamiko. Tu veux peut-être prendre sa place, gamine ? Cela ne me dérange pas. Au contraire, je préférai qu’une jolie fille s’incline devant moi qu’un trouillard qui pisse dans son froc. » Tenant des deux mains, devant elle, le panier-repas qu’elle devrait livrer, la jeune chasseuse de primes soutint le regard hostile du voyou sans broncher d’un cil. Une fois de plus, elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas mais son être ne pouvait s’empêcher de réagir face à une agression gratuite comme celle qu'elle assistait. Voyant que la « gamine » ne s’exécutait pas, le méprisable personnage posa un pied au niveau du crâne de sa victime - qui ne s’était pas relevée - s’apprêtant à le forcer à embrasser la trace d'urine sur sol. Tout doucement, Yamiko déposa son bagage mais alors qu’elle s’apprêtait à foncer sur le luciférien pour tenter de l’envoyer valser dans le décor avec son fameux kick aérien, un homme intervint avant elle. On dirait bien qu'elle n'était pas la seule à aimer jouer au justicier dans le parage ... |