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Dans la jungle, terrible jungle, le squale est mort ce soir

Un autre salut, d'autres contractions. Dos raide, crocs crispés bien droits sur leurs gencives, eux aussi au garde-à-vous. J'm'éloigne lentement du capitaine, partant à la découverte du camp de base des rhinos storms. Seulement quelques pas en direction des tentes, froissant l'tapis de feuillage et d'terre souillée par les empreintes des grosses pattes en cuir des camarades, avant d'revenir au point mort. Planté là, immobile, comme une jeune pousse qui boit l'crépuscule.

Juste le temps d'assimiler les regards en biais des soldats traînassant leurs guêtres, attendant les ordres, l'combat, ou p'tete la mort. L'ambiance, elle est aussi étouffante que le climat. C'est du rustique, et du classique. Rien qui m'extirpe d'mon bouillon d'idées noires. L'cadre est clair, le cliché net : des casques aussi fêlés qu'les esprits qu'ils abritent, du sommeil parasité par les moustiques, la forêt qui fait un bien piètre parasol et un bouclier encore pire, puis surtout un quotidien régi par l'attente dans l'ombre de la guerre.

M'fait penser aux lentes, lentes, languissantes attentes interminables dans des bases plus sordides les unes que les autres. La marine et son sillage de négativité. J'bute des pirates, arrachant des touffes d'herbe dans une forêt d'corruption. On m'dit qu'je suis un rouage dans la grande horloge des justes, j'pense qu'je suis rien d'plus qu'un boulon en train d'se desserrer.

La bataille et la parlote avec Mavim m'ont laissé bouillant, et j'crois que j'pourrais embraser la jungle si j'commençais à cracher c'qui m'crame le coeur.
J'me sens plus trop marine. J'me sens plus trop poiscaille. J'me sens encore moins héros. J'suis juste une boule de nerfs qui roule, roule, écrabouillant péniblement les obstacles plantés sur son chemin, les utilisant comme tremplin provisoire pour poursuivre sa descente sur une pente dont elle connaît pas la longueur. Ni l'arrivée...

...

C'camp est un espèce d'îlot civilisé au milieu d'un océan d'verdure sauvage.
L'étreinte pesante de la jungle. La chaleur du combat rendant tout gluant.
La moiteur d'mon cuir combinée à l'anxiété suante. Mon esprit dans un brouillard humide.

C'est qu'un coup d'pompe. Et l'envie d'rompre un instant avec la réalité. Tout ira mieux après. Le mélancolique redeviendra médecin, le médecin redeviendra soldat, le soldat redeviendra tueur. Le tueur redeviendra mélancolique. C'le cycle de mon esprit. J'y peux rien, si mon esprit est si routinier. La seringue de la mémoire injecte une dose de courage de temps à autre, et ça repart ! Et j'rebroie du noir !

J'suis réfugié dans mes vapes, sourd aux p'tits saluts intimidés qu'm'infligent les soldats qui m'frôlent. J'poursuis ma route, pour pas avoir à confronter mes yeux écarquillés et brillants de bovin aux leurs. J'vais aller m'trouver un coin peinard où m'poser.

Les tripes nouées et battantes, le palpitant qui s'débat à l'intérieur d'ma cage, comme tentant d'échapper à sa condition d'pauvre boule de chair emprisonnée dans les entrailles sordides d'un poiscaille qui prend pas des masses soin d'son corps.
Haha.
M'fout une palme au coeur. Le sentir me laisse penser que j'vis encore, ça gomme un peu l'amère impression que quelque chose a été tué en moi. Quelque chose comme des rêves, des convictions, une envie d'me dépasser. Malgré tout mon coeur reste excité, contrarié. Las des sensations fortes et d'la mort. J'laisse ma paume l'écouter.
Tout en prenant un peu d'distance. Mes lourdes pattes parviennent à m'porter à l'ombre d'un palmier affaissé. J'me laisse chuter sur ses racines, la sensation d'peser un cachalot.

J'suis vide, putain. Ma volonté s'est retrouvée dissoute dans un espèce de bain crépitant d'doutes.
Pourquoi ? Pourquoi les mots d'Mavim m'ont pas repropulsé l'sang à toute berzingue dans les canaux ?
Ça aurait du marcher. Il avait raison, le boss, j'dois pas m'contenter d'suivre et survivre. Faut que j'vive, que j'déterre mes convictions perdues. Celles qui m'portaient parfois l'sourire aux lèvres malgré les railleries et les insultes. Celles qui m'conféraient la certitude que tout avait un sens.

J'peux pas m'permettre d'être las. Pas maintenant. Ruminer tue. Et j'ai fais l'pari d'vivre, c'est pas pour tout perdre sur un coup d'mou.

Reprends toi, merde ! Pense à Tark qui voudrait être fier de toi ! Si tu l'fais plus pour toi, fais le pour lui !

J'empoigne mon blouson, lui fait cracher la p'tite flasque fourrée au papier. La bouteille du révolutionnaire, contenant la carte postale qu'il m'a adressé sans l'savoir. La feuille jaunie, noircie de texte. J'sais pas bien où j'entrerai en la lisant, ni dans quel état j'en ressortirai. Mais c'est l'moment ou jamais pour m'lancer.

Si ça se peut, la confidence m'enfoncera encore un petit peu. Ou au lieu d'ça, elle m'fera mirer par sa fenêtre un nouveau paysage pour mon avenir.
...
Alors, Raf, qu'est-ce que tu deviens ?


Dernière édition par Craig Kamina le Dim 10 Aoû 2014 - 1:57, édité 1 fois
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Toute la vérité, rien que la vérité

Et la vérité, sacrée bombe qui démolit irréversiblement les plus grandes des structures montées par l'monde, déploie son onde de choc dans ma conscience de molosse nourri et logé dans l'chenil du gouvernement.

Qu'est-ce qui va pas chez moi ? Pourquoi j'suis pas révo' ? Pourquoi j'm'accroche à la marine comme un tique ? Un clebs pouilleux rongeant passivement et inlassablement un os décalcifié comme s'il contenait le dernière gramme de moelle sur terre.

Raf' venait donc de Goa... Du côté doré d'la muraille, de surcroît. Pourtant, il a choisi la bonne voie.
Un peu comme moi...
Né avec une cuillère en argent dans la bouche, j'mange pourtant maintenant avec les doigts...
C'est échapper à des destins qui auraient pu faire de nous d'tristes bourgeois. Au lieu d'ça, on est d'tristes révo'.

Les mots d'la lettre s'entassent en nuages surplombant l'aride terreau qui tapissait mon esprit.
Et parmi ces nuages, un orage.
La phrase. La dernière. M'bondit à la face, une vraie bête folle furieuse.

"Demain, nous serons le 19 janvier 1625. J’aurais vingt-cinq ans, et je mourrai."

J'tiendrais vraiment l'ultime missive d'celui avec qui j'ai partagé un bout d'vie, un bout d'silence et une part de ma conscience ? L'un des rares à avoir pris l'temps d'mirer en moi l'océan d'peur et d'déroute qui s'étend à perte de vue ? Qu'a tenté d'm'extirper d'la mer d'alcool dans laquelle j'm'apprêtais à couler durant cette année où j'ai paumé mon frère, ma lumière ?

Nan, franchement. C'est du figuré, hein ? Métaphore ? L'est pas vraiment mort ?
Mes crocs sont partie à la rencontre de ces lèvres pulpeuses que j'aurai jamais. J'suis aussi capable d'me mordiller les lèvres, lorsque j'suis stressé. Anxieux. Pris de nausées. A cause des vertiges du passé.

Gah, v'là. L'un des rasoirs a ouvert une faille dans ma paroi d'écailles. Fermez les écoutilles, on a une fuite. J'saigne beaucoup... Ça s'répand partout.
Et j'm'en fous. Ma manche blanche éponge d'elle-même le fleuve sanguinolent et s'imbibe de sauce tomate, faisant barrage au courant qui menacerait d'inonder la précieuse missive. Dans l'même temps, mes mirettes un peu vitreuses, très creuses, balayent sans relâche, de haut en bas, de bas en haut, le papelard pour dépoussiérer c'tas d'douleur et en dégager du réconfortant. Improvisé linguiste sans diplôme, ni verve, j'cherche entre les lignes, en-dessous aussi, n'importe quoi qui pourrait m'assurer qu'Raf est encore en vie, quelque part.

... J'trouve rien.

Vingt-cinq ans ! C'est mon âge, putain. Et s'il avait scribouillé c'truc cette année, ça voudrait dire qu'on avait exactement l'même âge ? Mais sa banque de vécu et d'souffrance semblait tellement plus dense et touffue que la mienne...

Vingt-cinq ans. Y a vingt-cinq ans, j'étais un têtard. Y a six ans, un poisson d'aquarium. Dix-neuf ans d'escalade suivi de six ans d'dévalement. Et la descente se poursuit aujourd'hui. Quand j'regarde derrière moi, j'perçois c'sommet que j'me sentais capable de gravir, tiré par mon frangin, il y a des années. Mais de plus en plus lointain, les nuages l'enveloppent peu à peu. Il commence à disparaître.

Vingt-cinq ans ! Mort à vingt-cinq ans ! C'est comme si j'crevais là, ici, maintenant. J'veux pas mourir. Pas sans avoir avant donné un sens à ce que j'ai laissé derrière moi. Trop jeune pour morfler. Pire que ça, j'peux pas donner une aussi mauvaise fin au scénar' rocambolesque d'ma vie d'poiscaille échoué trop loin d'son rivage.

Le blanc papelard frappé par une goutte de mon sang. J'saigne abondamment. Normal, ça saigne beaucoup, la lèvre. Surtout quand on la pourfend à coup d'crocs...
Je m'essuie comme je peux, les mirettes faisant des allers-retours entre le sang et la lettre.
J'me relève, frôlant l'palmier, brunissant mon manteau trop blanc pour être honnête. Il m'dégoûte, d'toute façon. Les gallons d'lieutenant plaqué or. Et j'arrive plus à supporter l'idéogramme menteur qui m'nargue dans mon dos.

"Justice". Y a pas d'justice. Raf ? Pas un ange. Mais un paumé qui cherchait l'bon sens. Comme moi, comme tant d'autres. Tous qui méritent pas d'crever. Peu importe la cause qui convulse en arrière-plan au moment de leur mort : ça devrait pas être à eux d'mourir.

J'crois pas en la beauté des sacrifices. C'est du gâchis. D'la défaite poignante déguisée. Ça alimente juste le pathétique et l'désespoir de la situation.

J'suis toujours debout. Mais mes guibolles sont fissurées d'partout. Comme si en plus d'avoir besoin de réapprendre à rêver, j'allais avoir besoin de réapprendre à marcher.
J'me mets à errer dans la jungle, foulant lentement mais à un rythme mécanique l'herbe qui plie sous mes lourds pas. J'ai les paupières tombantes, les yeux chutant sur la lettre.
Et encore un goût d'hémoglobine sur la langue. Cette fois-ci, MON hémoglobine, la mienne à moi. Elle me picote, me brûle le palais. Mon sang à moi a un goût particulièrement âcre, très amer.

J'm'y ferai jamais, à la saveur de la guerre.

A oublier d'mirer ce qui se profile devant moi, j'ai failli m'envoyer un arbre. Métaphore d'ma vie ? Le destin est suffisamment farceur et imaginatif pour caler ce genre de blague sur ma route.

La nuit commence à tomber sur la jungle. Et dans l'même temps, sur mon âme aussi.
J'connaissais pas Raf. C'était juste un frère d'un soir, comme d'autres ont été des soeurs d'un jour. Des membres de la famille de mes états d'âme, dispersés un peu partout dans l'monde, n'importe où, chez n'importe qui, faisant n'importe quoi. Des oasis ici et là dans mon désert aride de solitude, qui m'permettaient d'pas sombrer dans la soif insatiable de revanche.

Alors son sort me touche. Sa mort me fracasserait l'coeur. Si fragile coeur qui doit être en verre, vu que le moindre impact l'explose, et vu à quel point il est transparent.
Raf est loin, très loin, autant dans l'espace que dans l'temps. Mais la distance devient négligeable. Les sentiments, surtout les souvenirs, ont une portée infinie.
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En filant droit à travers la jungle, j'sais à peu près où s'trouve le camp par rapport à moi. J'ai p'tete improvisé quelques détours et des virages sans vraiment m'en rendre compte. J'suis p'tete complètement branlant et mon sens de l'orientation anesthésié. J'suis p'tete autant perdu dans entre tout ces arbres qu'entre tout ces événéments.

La somme de mes choix donne un fiston sacrément malformé. Désirs de justice, d'indépendance, d'honneur et de reconnaissance. J'ai toujours cru oeuvrer dans c'sens, voulant palper toutes ces récompenses. L'épanouissement, qu'ils appellent ça, la perle qui brille quasiment autant que celle du bonheur, il paraît. Mais aujourd'hui, j'suis déjà bien content qu'il me reste encore des mirettes en état de marche pour chialer.

Lire Raf m'a davantage dégoûté de la boue dans laquelle j'patauge depuis toutes ces années. Six ans qui m'auront ouvert les mirettes, de la pire des façons qui soient. En leur infligeant les pires horreurs qu'le monde avaient à leur offrir.

Guerres. Folies. Injustices. Ironies. Corruption. Racisme.
Pris dans un tourbillon de haine qui prend chaque jour un peu plus de vitesse.  
C'est ça, ouais. On passe ma cervelle à la centrifugeuse. Elle a broyé cruellement tout ce à quoi j'tenais, et j'peux plus qu'me rattacher à une purée visqueuse qui ne me nourrit pas.
Plus de rêves, d'espoirs. Plus de foi. Plus de guide, de vertu. Juste une insatiable soif de solitude, et...

... et même cette dernière envie, on s'acharne à m'la voler.
Y a des bruissements, des craquements. Où que j'sois, quelqu'un s'y rend aussi. P'tet un soldat pinté venant vidanger dans les bois. N'importe quel pécore qui vient perturber ma concentration. M'fait l'effet d'une putain de profanation d'mon silence macabre assaisonné aux chorales enchantées des piafs colorés. Mes réflexes me disent de fuir comme une bestiole acculée, m'réfugier dans les tréfonds d'la forêt. La feuille serrée dans ma poigne encore humide de sueur, d'eau et de sang, souillée elle aussi.

Je cours.

J'regagne en délicatesse quand j'me rends compte que froisser la lettre d'ma palme poisseuse et dégoulinante risque de ternir voire dissiper l'histoire qu'elle raconte. Elle a survécu à l'océan, ça serait bête que ça soit un minet impulsif et maladroit qui mette un terme à son voyage.
J'compte bien la conserver, comme un bouquin d'chevet.

La déplier, l'aplanir et en lire et relire le contenu n'me fait ni freiner, ni réfléchir. J'perds en lucidité, j'le sens. Mes pensées s'font saccadés, un peu incohérentes, un brin désespérées.
A ma manière, mes neurones lâchent l'affaire, j'crois. Ils me lancent des images et des émotions au hasard, m'prient de me débrouiller avec.
Rancune ? Mépris ? Pitié ? Haine ? Tristesse ? Regrets ? J'sais plus bien où m'loger pour juger l'monde.

J'suis p'tete juste à la recherche d'un sentiment perdu. La certitude qui m'habitait dans ma jeunesse. La certitude que tout a un sens. La certitude que tout finit toujours bien. La certitude qu'on a tous un rôle à jouer. Qu'on attend simplement notre heure pour monter sur scène.

Mon museau s'plie, j'éclate ses vaisseaux. M'suis envoyé un palmier. Ça devait arriver.
En plus d'être paumé, j'ai l'air con. Plus j'avance, plus j'me hais.
J'me laisse tomber sur la terre chaude, en geignant un peu.
Cette fois, ma manche blanche ne bronche même pas. Elle n'part pas à la rencontre de tout c'sang étalé sur ma face. Elle le laisse envahir chacun des creux d'ma sale trogne.
Mon sang coule. Beaucoup. La douleur est vive et profonde. Elle en concurrence l'Autre douleur vive et profonde. Celle qui stagne dans mon esprit.
Mon sang coule sur la terre et la nourrit. M'suis pété l'nez, rien de grave.

Couché, mirettes suspendues au plafond d'feuillages constellé d'échantillons d'soleil. J'me sens plus au calme. J'me sens mieux.
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Des pas muets contre le sol meuble des bois. Un singe effrayé par l'apparition s'enfuit en gémissant. Comme un fantôme, il s'avance parmi les arbres et les fougères, se faufilant avec l'aisance et le flegme d'un fauve au travers de la végétation. Lorsqu'on vient de bavarder pendant plusieurs minutes avec un géant armé jusqu'aux dents, il arrive parfois qu'une promenade soit de mise pour se remettre les idées en place. C'est le cas de Oswald.

Il a rencontré le frère de Staline. Rien de plus, rien de moins. Et c'est avec un calme qui se calque assez bien sur celui de l'homme-poisson qu'il s'approche, le sourcil arqué, la curiosité piquée.

Son manteau flotte à sa suite comme le voile d'un véritable spectre, traînée silencieuse caressant les plantes, montagne de combats et de victoires incrustées en quelques galons dorés. S'il n'a pas encore atteint ce qui lui semble être l'épanouissement, il s'en croit beaucoup plus près désormais. Il est peut-être légèrement sur la sellette, toujours remis en question par les autorités supérieures, mais il est non-loin de la victoire. Et cette victoire, il sait qu'elle fera enfin de lui le héros qui a manqué ces derniers temps aux Storms.

Enfin il sera le Salem dont ils se sont tous languis.

Les ténèbres, il les a dompté. Ses gallons, il les a mérité. Sa réputation, il l'a assumé. Désormais, il se sent enfin apte à être celui qui remet sur pied, celui qui tire les autres du doute et de la remise en question.

Enfin il est capitaine.

-Hoy, ça va?

Ce genre de question tout à fait rhétorique n'a pour effet que de trouver quelque chose de compatissant à dire. Il se doute pertinemment que Kamina ne va pas bien du tout. Même qu'on ne peut s'empêcher de lui murmurer en pensée:

"Héhé, c'est ironique ça, un toubib qui se casse la gueule lui-même."
-'te l'fais pas dire.

À la hauteur de l'homme-poisson, il s'accroupit et tente de faire revenir le médecin à ses esprits.

-Qu'est-ce que tu fais par ici?

C'est bien la première fois qu'il lui parle, et pourtant il ne voit pas quoi faire de mieux que de directement aller au but, comme il a toujours fait. Après tout, les deux drôles de bonhommes se trouvent assez loin du camp. À quoi bon s'aventurer dans ces environs éloignées? Tirant un mouchoir de sa poche, Oswald s'assoit face au médecin devenu patient et tâche de nettoyer son visage barbouillé.
Pourquoi être si serviable et altruiste, tout d'un coup? Il n'a à peine aperçu ce médecin de la journée, ne le connaissant que par la lecture de son dossier.

"À croire que l'arrivée prochaine de la guerre te fait sentir mieux."

Ça doit être un truc comme ça. Oui. La guerre. La victoire. Le frisson du combat. Tant de chose qui ont fait carburer Double Face à monter si haut. Alors il termine d'essuyer le visage du lieutenant avec une moue déçue, assis paisiblement au beau milieu de cette jungle tout sauf familière.

-Hgn… C'est cassé.
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Je-C'est rien. L'arbfre a plus subi que moi. Commodore.

L'fier palmier a flanché et le moindre souffle l'enverrait valdinguer. Comme moi, il a affronté un choc et la fracture qui l'accompagne. Lui une cassure physique, moi une cassure mentale...
... et un peu physique aussi.
J'ai toujours l'esprit éparpillé aux quatre coins de mon univers intérieur. Les morceaux crient toujours dans leur solitude, des sentiments qui piquent, Revanche, Remords, Echec et Sévices, mais j'les écoute plus aussi fébrilement que tout à l'heure. Car le grand manitou, assis devant moi un sourire serein au coin des lèvres, vole mon attention à mes idées noires.
L'homme qui donne un visage bicolore à l'enfer de Jaya m'éponge ma face devenue fontaine pourpre, d'un délicat mouchoir blanc. Et c'est bien malgré moi que j'lui offre une vue probablement imprenable sur l'intérieur de la forteresse qu'est ma gueule, les canaux rouges palpitants de mon palais, toujours cerné d'ses tourelles d'ivoire abruptes. Bienvenue dans ma bouche bée.

Mavim. Raf. Jenkins. J'aurais préféré rencontrer toutes ces pointures en une journée moins tourmentée. Je profite pas, là. Je profite pas de l'honneur, de la fierté. Si c'en est une. La fierté de faire face à un fou.

Fe me baladais. Pour chanfer d'air. Apfrès la bataillfe...

L'explosion nasale arrange pas mon élocution, intimidée par les grands yeux perçants du super patron.
Malgré tous les efforts que j'déploie, j'arrive pas à enfermer mes émotions. Ça déborde. Ce profond trac qui s'traduit en p'tits spasmes nerveux.

Eh, mon premier sang sur Jaya aura été une vulgaire auto-flagellation. Ça a quelque chose d'apaisant. Quoique ! Mon pouce se souvient d'avoir été mordu par l'assurance-vie à bord du sous-marin, pendant mon apnée sous la paperasse. Ça ressemble à une scarification programmée et inconsciente. J'aurais très bien pu me faire caresser par le fer et me vider au soleil les côtes à l'air et l'esprit aux cieux. Ou me recevoir une balle dans la caboche, une gomme des plus efficaces qui efface en une fraction d'secondes toute l'histoire de ta vie que tu te démenais à écrire.

Mais non, on dirait que seule ma lourderie est capable de me blesser.
Ma blessure de guerre, mon souvenir de Jaya, ça sera ça. Un pif explosé après avoir chargé dans un palmier.
Je survis. A force de la narguer, de la chatouiller et de glisser entre ses jambes, la Mort elle-même a du décider d'me laisser à mon triste sort.
Je survis. On dit que les meilleurs partent les premiers. Vu que je survis, l'adage m'semble viable.
Et pour remuer le couteau dans la plaie déjà bien infectée de ce ridicule qui n'me tuera jamais, fallait qu'un commodore sauvage surgisse des buissons pour venir m'essuyer l'museau et me demander si tout va bien.

Tout va MAL.

V-Vous avez raifon, c'est cassfé. Me ffaudrait une attelle.  

La lettre. Gorgée d'sang sur les bords, elle gît au milieu d'mon ketchup sauçant la terre. Et pas à portée d'palme, mon bras peut pas la récupérer sans être pris en filature par les mirettes curieuses du commodore. Et dans un concentré d'panique qui surgit d'ma brume cérébrale, j'appréhende la réaction d'un officier abondamment galonné face à un traître en puissance, qui échange des mots doux avec un pote révo' à l'autre bout du monde.

Dévier ses grands yeux. Le fixer. Pour le forcer à me répondre par une fixette en retour. Faut pas que...
Que son... Trop tard. Le papelard a accroché son regard.
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S'il y a bien quelque chose que l'on peut difficilement se targuer de savoir déjouer, ce sont les sens accrus de la détection de Double Face. Malgré son habile camouflage sous une marre de vermillon, la lettre reste soudain très évidente aux yeux du Commodore, si bien qu'il ne peut s'empêcher de la saisir avec empressement.

-Oh non! Elle est toute tâchée! J'espère que ce n'est rien de trop important.

Il relève au même moment les yeux vers Kamina qui renvoie le même air qu'il aurait si on le jetait au bas d'un gouffre. Tendu comme jamais, les yeux plein d'une panique qui ne peut seulement s'associer avec son nez brisé. L'air un peu surpris devant cette mimique que le médecin tente tant bien que mal de dissimuler, Oswald entre-ouvre la lettre, les sourcils froncés.

-C'est une lettre à toi?

Lent et protocolaire mouvement d'affirmative.

-C'est une correspondance personnelle ou un papier médical?

Correspondance personnelle.

-Tu devras probablement la réécrire, c'est dommage, elle est toute bousillée.

Il la tend au médecin qui, lentement, presque en tremblant, lève sa palme pour reprendre son bien. Soudain, de façon trop sèche pour ne pas éveiller le soupçon, Double Face cesse son mouvement et reprend le morceau de paperesse. Un éclair lui a traversé l'esprit. Qu'est-ce qu'il fait au beau milieu de cette jungle, si loin du camp, le lieutenant Kamina? Le tout accompagné d'une lettre qu'il dit "personnelle" et dont il semble préférer qu'elle n'entre pas en possession de son supérieur.

Oswald le connait à peine, mais ses yeux se plissent avec suspicion; Il n'y a pas de balance chez les Storms, pas de faible ni de déserteur… mais chez les Hypériens?

-Tu permets que… demande Oswald en soulevant la première page du papelard.

NON. Il secoue vivement la tête et balbutie une explication ridicule et mal-formulée.

Trop tard. Il y a un nom de trop qui s'est accroché au regard perçant de Double Face. Un mot qui fait remonter en lui des souvenirs nimbés de colère, de doute, de remise en question, de violence et de torture. Un seul nom qui décapite la quiétude du Commodore sur la guillotine de la haine. Le feu monte à ses joues, le sang à ses yeux, la rage à son esprit, l'acier à ses doigts…

-Raf… Rafaelo… Di Auditore…

C'est une image fulgurante qui s'imprime au cerveau de Double Face. L'image du sourire dément d'un homme mené à bout par les sévices inhumains du granit marin. Une autre suit la première en rafale, puis une autre encore, puis une autre, puis une autre, des dizaines de souvenirs s'enchaînent ainsi à sa mémoire. Tous plus horribles les uns que les autres, tous des mauvais pas que Oswald croyait avoir mis e côté. Il revoit le sourire malin de Auditore. Il ressasse cette colère virale qu'il avait le pouvoir de susciter chez lui. Il retrouve cette migraine foudroyante qui l'écrasait sous l'effet de ses pulsions.

Pendant une seconde, c'est comme s'il était toujours Double Face, la bête de Drum. Le fou. L'incontrôlé. Celui à qui on rappelle trop souvent qu'il n'a sa place nulle part.

Son poing frappe avec la vitesse et la force d'un piston. S'écrasant contre les mâchoires de Kamina pour une mince seconde, avant que celui-ci ne décolle et ne se déguste vingt mètres d'arbres, de fougères, de racines et de terre.

Tremblant, la respiration rauque, Oswald su à grosses gouttes en faisant tout son possible pour garder son calme.

Il a peut-être dompté les ténèbres, mais il lui semble désormais inévitable qu'une part de lui restera à jamais gangrénée par les souvenirs de son ancienne défection. Il prend de grandes inspirations, laissant les battements de son cœur revenir à la normale, laissant le brouillard de la colère se dissiper de son esprit. Il a vu le nom sur cette lettre qui gît désormais au sol.

-Qu'est-ce que c'est que cette emmerde… murmure-t-il à bout de souffle en ramassant le papier.

Pourquoi reviens-tu si soudainement, Raf'?
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La brume s'épaissit et s'empourpre. J'm'attendais à une réaction, j'l'attendais en claquant des crocs. Mais j'pensais pas qu'la réplique impliquerait directement ma mâchoire. Meurtrie, cabossée, quasi remontée au niveau d'mon pif explosé, elle ajoute un nouvel instrument à mon orchestre de souffrance.

J'ai tournoyé sur. Vingt ? Trente mètres ? Très loin. A chaque arbre que mon faciès se mangeait, je chialais un peu plus de sang. J'suis encore plus paumé dans la jungle maintenant...

J'ai des points blancs plein les mirettes, des tâches de soleil qui dansent en clignotant. Les couleurs s'fondent et les dimensions fusionnent en un espèce de grossier tableau exécuté par un peintre abstrait bourré, s'mariant à merveille avec c'que j'devine ma face, adaptée au cubisme. J'ai peu d'temps pour ordonner mon esprit, qu'était déjà en pleine révolution. J'crains un retour de flamme. Un retour du commodore. Pas l'temps d'capter. Assez pensé.

Il m'a sonné comme la cloche que je suis, c'est tout c'que j'ai à comprendre. Et injecter assez d'force dans mes pattes pour qu'elles m'poussent et réapprennent à marcher est déjà suffisamment compliqué sans qu'j'ajoute une couche de pensées visqueuses par dessus. Plutôt qu'deux, j'déploie les quatre pattes, qui m'laissent ramper quelques mètres avant d's'engourdir et réclamer une trêve. Pendant un instant, j'ai réappris à marcher, à quatre pattes. Ça m'rappelle quand j'étais p'tit. C'est si lointain et pourtant, pas écrasé par l'poids de cette montagne de souvenirs lourds qui domine mon pathétisme. Mon innocence, ma pureté, ma tendre enfance, protégée dans un coffret scellé à jamais.

J'étais p'tit, j'apprenais à march... ah. Perdre la boule. J'm'affale face contre herbe, et elle boit cette puissante hémoglobine qui fonçait à travers mes vaisseaux. Qu'c'était bien la peine de m'aider à m'essuyer la trogne si c'était pour la barbouiller de nouveau tout d'suite après... J'a... Chasser ces pensées. Survivre. En rampant, une vraie limace laissant une coulée d'sang dans son sillage. Plus bas qu'terre, chevauché par l'incompréhension et la déroute.

C'est la révolution qui l'a mis hors de lui ? Ou Raf' lui-même ? Ou quoi, violence gratuite ? Racisme ? Ma face de merlan frit qui l'a agacé ? Ces grosses mirettes de squale larmoyantes incapables d'apitoyer le plus doux des nounours ? Y a tellement de raisons d'vouloir me refaire la tronche.
... ce macaque qui me renifle le derrière vient humilier un pseudo-prédateur affaibli. Mais ça a pas duré plus d'trois secondes, avant que l'ombre du commodore refasse surface et s'extirpe du bain de lumière qui inonde la forêt. La singe se fait la malle en couinant.

Et le reste de ma dignité avec... emportant sa copine la franchise.

C'était du vfent ! J'le connais pas ! J'ai trouvé fa dans l'eau tout à l'heure, je, j'ai, par curiositfé, eh...

Vomir un tel mensonge, si distant et froid envers les souvenirs ardents qui m'animaient y a pas cinq minutes, ça m'liquéfie l'coeur. Un choc thermique, c'est ça.
L'instinct de survie s'est emparé de ma langue. Y a pas d'amis, pas d'camaraderie qui tiennent, pas de sacro-saint lien entre lui et moi qu'offrons nos vies à la même mouette. C'est notoire que Jenkins est pas seul dans son étroit ciboulot. Qu'violence et impulsivité précèdent chacun d'ses actes.
Si je l'ai fâché trop fort, j'suis mort. Hein ? L'est du genre à trancher sans s'préoccuper des bordures...

La lettre est là aussi ? Compressée dans sa paume serrée ? Ou détruite... ?

J'vous en pr...

Nan ! Pas de supplications. Ça lui ricocherait sur la sensibilité comme les lames lui rebondissaient sur la peau, tout à l'heure.

Laissez m...

Pas un ordre. Les hauts gradés aiment pas les ordres.

Qu'est-ce que vous allez me faire ?

C'est bien, ça, non ? Ça lui laisse le choix... lui ouvre toutes les portes qu'il peut désirer... Et m'donne un air résigné, dernier rempart de ma dignité.
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-Ce que je vais te faire…?

Son souffle rauque diminue en intensité peu à peu, le laissant reprendre sa conscience. Son regard s'aiguise et son esprit s'éclaircit. Si un instant, un court, mince, fragile et millimétrique moment, il était la bête, maintenant il est le Commodore Oswald Jenkins. Et ce Commodore, il réalise quelque chose qui le terrifie lui-même au fond de toute cette affaire. Une découverte qui se cueille dans les tréfonds des pupilles écarquillées de Kamina. Une nouvelle couleur sur ce tableau d'émotions qu'on ne peut que trouver à même la mine ensanglantée du médecin;

Il a peur.

Il est terrifié.

Et ça, c'est de la faute de Oswald.

S'il y a bien des choses qu'il arrive d'oublier au sein des Storms, dans ce cocon protecteur face au reste de notre monde d'accusation et de guerre, on découvre facilement en reprenant contact avec cet univers que ces dites choses n'ont pratiquement pas changées.

Pour beaucoup, Oswald est toujours un affreux monstre. Sur l'instant, ce n'est pas difficile à avaler, c'est seulement décevant.

Ainsi, il se calme pour de bon. Avec la guerre dans les yeux, un nom bouillonnant dans son esprit et ce visage effrayé pris en travers de l'estomac. Avec méfiance, il lance la lettre au médecin.

-Moi, je n'vais rien faire. Mais toi, tu vas m'expliquer pour qui tu joues, et à quoi ça rime tout ça.
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Le commodore qui doute de moi, m'prend en flagrant délit de faiblesse avec un artefact révo dans la palme, c'est bien la pire chose qui pouvait m'tomber dessus ici. La pire chose juste après un boulet de canon, ça va de soi...
Mes crocs pétés chutent en grêle sur l'sol, tandis que j'baisse les yeux l'temps d'abandonner un instant l'regard perçant du commodore qui m'vrille l'esprit et l'empêche de s'ordonner correctement.
Je m'offre juste quelques secondes de réflexion. Et j'me dis, couler comme une pierre, c'est pas grave, j'ai l'habitude. Et la vérité est p'tete encore capable de m'repêcher, là. C'est quitte ou double, la vérité. Un outil qui répare ou qui détruit, selon la situation. Et pour m'dépêtrer d'ce bourbier, j'ai pas d'autre option que de jouer avec ce feu-là.

Je bafouille -non, je gargouille, plutôt- l'histoire, d'ma mâchoire décomposée.

Pen-Pendfant la bataille, 'ai trouvé une bouteille avec fette lettre, dedans...

C'était une missive réconfortante. Pour tenir bon malgré la tenue d'charcutier qu'on m'avait obligé à enfiler et la boucherie qui s'prétendait être mon devoir. Juste ça. J'ai vraiment une gueule à fomenter des complots ?

Je l'ai récupérée, j'l'ai lue...

... j'crache un peu. C'est l'alerte rouge sang, là-dedans. Un incendie rouge. Mes gencives me brûlent, se vidant par cascades. Et en elles repoussent mes crocs, des rasoirs de porcelaine face à la poigne d'acier de ce type. Mes mirettes confondent toujours leurs couleurs, exacerbent les lueurs du crépuscule qui s'attardent entre les arbres. Mes esgourdes, devenues douves de sang, étouffent tout les sons venus de trop loin. J'suis comme plongé dans un sanctuaire lumineux et silencieux. Si la face renfrognée de Jenkins m'évoquait pas davantage l'enfer que le paradis, je jurerais d'être en pleine hallu' métaphysique.

Que j'sois pas tombé KO, ça m'surprend moi-même. J'savais pas ma conscience aussi résistante face aux mandales. Faute de consolider mon âme, six ans de marine m'ont au moins bien blindé le corps. J'suis épaté, pour le coup. Et mon museau aussi...

... j'ai rien à voir avec Raff'. Enfin, fi. Un peu. C'est...

Le ciel se couvre dans les yeux du commodore. Rectifier l'tir avant que l'éclair ne tonne. VITE.

JUSTE UN AMI ! J'bossfe pas pour lui, si c'est ce que vous... pensiez...

J'ai pas l'habitude d'être bien vu, bien considéré. A raison. J'ai pas l'charisme pour assumer mes convictions. Pas la force pour repousser sans grogner et avec panache les assaillants d'ma fierté. La nature m'a fait proie, j'ai pas la foi d'protester. Mais c'qui me reste vraiment en travers de la gorge, comme des os pointus qui m'déchirent la trachée à chaque déglutition, c'est bien les souvenirs des déçus qui macèrent dans mon sillage.
Y a plein d'façons de décevoir quelqu'un. La confiance, c'est un fardeau terriblement lourd.
Mais j'pense aux pires, ces gens qui m'ont rangé sans préavis dans des cases dans lesquelles je rentre pas.
Alors. Commodore. Traître ? Taupe ? Lâche ? Fourbe ? Faible ? J'ai foiré quoi d'après vous ? J'penche pour le dernier.

Ouais, un ami. Raf est juste un ami. Ça doit pas vous ffaire peur, mon commodore.

Un ami. Un ami d'un soir... Comme tout mes amis. 'restent jamais bien longtemps dans les alentours.
Défendre de plus beaux idéaux en rejoignant la révo' ? Conneries. Si j'y vais, ça serait plus qu'pour ressentir la présence du frangin à mes côtés. Et celle d'amis.
Mais c'est pas demain que j'retournerai ma veste. Après-demain, c'est plus plausible. C'est que la sensation d'être une anomalie, un bouton purulent au milieu d'un jeune et joli visage, elle croît, de jour en jour, elle devient un puissant envahisseur qui impose son dictat à mes pensées. Arrive plus un jour sans qu'je vienne à douter d'ma raison de me débattre.

L'sang coule, me perturbe, m'oblige à renifler, déglutir, cracher. C'est un très grand mouchoir qu'il me faudrait, mais...

Euh... P-Permissfion d'utiliser mon manteau pour éponger, mon commodore ?
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-Vas-y, j'te ferai pas de mal.
"Allez, on r'vient à la première personne, j'ai bien envie de lire ce papelard."

Je m'assois à nouveau à ses côtés. Le regard dans le vide, ne sachant réellement quoi dire ou faire, je reprends cette lettre que j'avais jeté à terre. C'est lui qui l'a rédigé, Rafaelo. Cet homme que j'ai capturé, puis qu'on a laissé s'échapper. Cet homme qui fut le premier à réellement frapper là où il fallait, à trouver les endroits où enfoncer le fer de la vérité pour me faire hurler mon mal. Il a écrit cette lettre, de l'autre bout du globe il l'a rédigé en y apposant son âme, ses émotions, son véritable lui. Sous me yeux, l'encre a imprimé un morceau de Rafaelo, un dernier lègue de cet homme trop longtemps incompris. Craig se nettoie, moi, je lis. Je lis et je me mord la lèvre avec amertume.

"Ce fourbe, il a toujours le mot pour convaincre."

Plus que ça même, il a le mot pour faire croire, pour faire aimer. Mes yeux suivent les écrits de l'assassin et mon esprit lui me souffle ces nombreux souvenirs que j'ai d'avoir retenu des paroles similaires. Des paroles venant de Rafaelo, de Marx ainsi que de Treyga Le Tsar. Tous ont accédé à un stade que j'ai l'impression de moi-même me refuser, tous ont compris quelque chose que je semble vouloir ignorer. Je bois les écrits de Auditore et j'en perds mon cap. Je ne me sens plus qu'une girouette vêtue d'un habit pittoresque barbouillé de symboles hiérarchiques. C'est un peu ça, en fait, la Marine, c'est être une girouette qui n'est propulsée que par un seul courant. C'est être un mouton happé par un plus grand troupeau.

Et moi, tout d'un coup, en attendant d'être rattrapé par le cours de ma mission, par les obligations de mon grade, je me surprends à bêtement me demander "pourquoi?" C'est probablement ça, être révolutionnaire dans l'âme, c'est se la poser, cette question qu'on oublie dans l'espoir de ne point se tracasser. Et cette question, je dois probablement savoir me la poser, sinon, mes ennemis éviterait probablement de sans cesse me le rappeler : je n'ai pas ma place chez les bleus. Je l'ai chez les Storms, ça, oui, mais au sein du gouvernement? Je lis, je rumine, et je ne sais quoi répondre. Je sais seulement qu'à force de me faire matraquer l'esprit par ces actes commis qui me culpabiliseraient si j'en étais le responsable, je ne vois plus que l'ombre que la Mouette projette sur le sol, du haut des airs.

Je n'aperçois plus le plumage immaculé du véritable symbole qu'on m'a fait rejoindre. À une époque, je croyais être le fléau d'une organisation qui voulait le bien. Désormais, je ne me sais plus noir, ni blanc, ni gris, à vrai dire. Je me sais perdu, et l'homme-poisson à mes côtés l'est probablement autant que moi.

-Tu le connais d'où, Rafaelo?

Non. Attends.


Je veux tâter le pouls d'un homme touché lui aussi par les paroles du bonhomme-fumée. Je veux savoir ce que ça fait, quand on est pas une brute tourmentée, de se faire montrer la voie par le plus charismatique des guides.

T'as lu tout ça? Alors, qu'est-ce que t'en dis… Craig?
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Trop de douleur noie la douleur, et elle est plus qu'un bruit monotone lointain qui stationne dans mon museau. Que j'caresse en épongeant, que j'compresse sans trop y croire, pour tenter d'fermer le robinet. Mes conduits inondés sèment la panique sur mes papilles. Puis, soit mes esgourdes m'ont joué un tour, soit c'est ma mémoire qui trafique le jeu, mais j'ai bien cru entendre l'immonde fils bâtard du craquement et du grincement caractéristique de l'os qu'on fracasse, et ça m'expliquerait pourquoi j'ai l'impression que mon groin est devenu flasque et m'donne une gueule de nasique. Quant à c'manteau tout blanc, mon pelage de mouette, sorti de la laverie de Navaronne avec qui j'ai eu tant d'différent en si peu de temps, le v'là cruellement défloré.

Mais mon esprit n'est pas dans mon nez, alors il reste sourd à sa souffrance. Mon esprit est tombé dans un coin un peu décrépit et rongé par l'humidité. Une nuit de 1623. Pleine mer, East Blue, Baratie. La sale bête qu'on appelle temps l'a même pas amputé, ce souvenir, même pas mordu. C'était quelques semaines après l'tournant de la vie d'frangin. Ça faisait longtemps qu'il commençait à négocier ce virage, mais d'mon point d'vue, ça s'est passé comme un dérapage crissant et serré. J'ai rien vu venir. Pouf, parti, Tark, révo. Adieu. Ou peut-être Au revoir.

Et parce que j'avais pas d'épaules où m'poser, c'est sur une table du Baratie que j'suis atterri. Avec quelques litres de mauvais vin. Puis il est entré en scène.

Au moment où j'avais besoin de quelqu'un, Raf est l'un des rares à m'avoir tendu la main.
Si vous voulez tout savoir, j'espère qu'il va bien. C'est tout. J'espère qu'il est pas mort comme le prétend sa lettre.


Remuer des souvenirs aussi délicats sur invitation du commodore m'fiche la honte. Pis qu'ça, j'ai l'impression d'être soumis à un espèce de thermomètre dont il se sert pour déterminer à quel point la rébellion a pu chauffer mon âme. Si j'dépasse un seuil dangereux, j'm'attends à me recevoir une nouvelle beigne.
Alors pas d'sentiments bruts. Juste des mots émoussés, libéré d'ce ressenti qui m'scie l'âme en deux.

On en veut à un lieutenant d'empereur. Si on l'a, il sera remplacé dans la minute qui suivra sa mort. Toujours pareil avec les pirates, on se démène à en tuer un, dix surgissent pour lui succéder. Comme de la vermine.

J'ai appris à haïr les forbans. Parce que sur le terrain, c'est les premiers à m'en vouloir aux arrêtes. Mais au fond, c'est juste mon instinct d'survie qui les catalogue menaces. La piraterie est juste un symptôme de la peste qui ronge le monde, des plaques noires sur une peau boursouflée. Et plutôt qu'plancher sur un vaccin qui mettrait à mal cette maladie, la marine préfère s'acharner sur la piraterie, un d'ses symptômes les plus hargneux et impressionnant.
Et la révolution ? Impuissante. Elle voit le vrai mal, elle le comprend, mais n'a pas le moindre bâton à lui carrer dans les roues. Monde pourri.

Pendant ce temps, des gens comme Raf s'attaquent à trop fort pour eux. Plein d'ambition, d'convictions, mais pas le pouvoir que la marine a. Alors ils crèvent comme des clébards aux portes du monde qu'ils voulaient changer.
Et on les oublie, eux. Parce que le gouvernement a décidé qu'ils n'étaient pas des héros.


Puis j'brise ma langue pour en stopper l'flot d'pessimisme qui déferlait dessus. L'saignement s'est un peu calmé. La douleur dans mon museau palpite au rythme d'mon coeur. J'ai stabilisé la catastrophe nasale. Reste à voir si mes coups d'gueule entraîneront pas Jenkins à aggraver mon cas... L'simple vision du nom de Raf m'a propulsé son poing dans la face. Alors, sous-entendre que Raf et ses copains sont des gentils martyrs...
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C'est con comme ce qu'il dit est vrai. Je suis là, assis à l'écouter, mes yeux le scrutant avec un intérêt non dissimulé, et je le trouve brillant. Pourquoi? Parce qu'il réfléchit plus loin que je le fais moi-même, il est de la trempe de ces parleurs qui me font voir le monde différemment. À sa façon, il est un Rafaelo, un Marx, un Hijiro. Il analyse le monde avec l'œil des politiciens, des penseurs, des leaders. J'ai trop longtemps vu cet univers à travers l'écran de la haine, et désormais c'est avec les lunettes d'un homme voulant protéger sa famille et devenir le héros qu'on attend de lui que je l'observe. Pourtant, lui, ce petit homme-poisson au nez cassé, il le soupire, ce monde, il l'appréhende avec désespoir. Il m'a l'air bien mal foutu, au fond, ce Craig; enfoncé bien profond dans les entrailles d'une organisation qui le dépasse, enchaîné au boulet de ses propres décisions. Le manteau lui va définitivement mal, très mal, ça se voit jusque dans la fleuve de sang qui baigne son visage. Il est tourmenté, il se questionne, et trouver quelqu'un qui agit ainsi au sein de la Marine est pour moi quelque chose de presque heureux. Il y a une sérénité dans l'idée de savoir que l'on est pas le seul à réfléchir différemment.
À croire que les moutons noirs sont nombreux, mais trop dispersés pour se reconnaître.

-J'ai longtemps voulu être un héros. Ces derniers temps, j'ai commencé à croire que ça n'en valait pas la peine, qu'il suffisait d'être considéré comme tel par ceux qui nous sont chers… Je veux être un héros pour les Storms, pas pour le monde. Il faut savoir choisir ses combats, Raf a choisit le sien, on ne peut pas gagner à tous les coups…

Je parle, mais je ne sais pas si ce que je profère est réellement pertinent. Face à ses paroles de sage, j'ai l'impression d'être à nouveau l'élève assis devant le maître. Comme avec toutes ces personnes que je côtoie et dont j'ai tant à apprendre : Wallace, Serena, Lilou…

-Autrefois, Raf avait infiltré le Léviathan. J'ai découvert qu'il était un traître au beau milieu de la bataille de Drum, sur le pilier central - t'as probablement entendu parler du massacre…

Une pointe d'amertume dans mes mots lorsque je parle de ces "exploits" qui ont fait ma notoriété et que j'ai toujours regretté. Des images s'enfilent; Krabbs, le visage tuméfié et brûlé. Staline, couvert de sang et d'ecchymoses. Envy, l'air goguenard comme à son habitude. Salem, triomphant, immortel. Le Seigneur Ombre. Stark. Lilou. Mihai… J'ai envie de lui en dire plus, je le fais. À parler avec Craig, à l'entendre se découvrir, on a envie d'en faire autant. J'ai toujours agis ainsi avec mes propres hommes, il peut bien à son tour goûter à ce qu'est faire partie de la famille des Storms.

-Je l'ai reconnu, là-haut, au beau milieu de la mêlée. J'étais complètement fou, près à en découdre avec qui que ce soit. Et comme de fait, j'ai affronté Krabbs à ses côtés. Si le Corsaire est mort aujourd'hui, c'est en partie ma faute. Sans moi Rafaelo ne l'aurait jamais vaincu. Je t'en parle parce que je sens que t'es un Gris dans l'âme. Non. Je le sais. Et puis, chez les Rhinos, on se couvre tous les uns les autres, y'a rien à craindre. La moitié de l'équipage est au courant, pour Drum, mais jamais ils ne diront quoi que ce soit, Wallace a brûlé les rapports de bataille et toutes les analyses psychologiques pouvant donner des munitions à l'État Major pour m'envoyer en cour martiale.

Je termine ma réplique par un clin d'œil. Avec moi, ses dires sont en sécurité.

-Tu sais, par ici on est tous un peu à la mauvaise place. Les Storms ne sont pas des membres de la Marine normaux. Ça, en haut, ils s'en doutent, mais ne peuvent rien faire parce qu'on fait du bon boulot, héhé. Ce que tu disais plus tôt m'intéresse, continue donc, t'as l'air d'avoir longtemps ruminé c'que t'as à dire.

C'est Raf qui serait fier, ce salaud, héh.

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L'incident de Drum... Pour sûr que j'en ai entendu parler. M'était demandé ce qu'avait pu arriver aux toubibs 20, ces coeurs montés sur pattes qui sacrifiaient leur existence sur l'autel des Autres. Qui m'avaient appris des ficelles du job qu'j'aurais jamais soupçonné, à l'époque d'mon stage parmi eux, qui m'avaient démontré à quel point le corps est une si fine et fragile mécanique. Ça m'avait déterré des souvenirs agréables, l'évocation de Drum. Les mettant en conflit avec un présent carrément plus glauque. Encore des gens qui méritaient pas ça. Y avait c'toubib 20, ce géant. Je l'imaginais volontiers survivre, mais ces p'tits copains hauts comme un homme-poisson, qu'est-ce qu'ils ont pu devenir ?

Le commodore plonge un mixeur déchaîné -encore un- dans la purée bouillante qu'est ma mémoire. J'irai pas lui en vouloir pour avoir buté un corsaire. M'en tape d'eux, et de tout les enjeux qui gravitent autour. Ces boucaniers là ont depuis longtemps choisi leur chemin, et ils assument ce plongeon dans la violence. Mais les gentils toubibs pris dans la destruction du pillier, hein ? Dommages collatéraux ? Elle est belle, la protection des civils. Pourquoi il fait ça ? Pourquoi il me raconte tout ça ?

Y a du truand chez le commodore que j'arrive pas encore à saisir. Elles se sont dévoilées subitement, ces confessions, sans crier gare, un orage dans le brouillard. Le fond de violence est là, j'suis sûr qu'il inonde encore les tréfonds d'son esprit strié. Mais y a des débris d'humanité qui font surface, qui flottent, et qui font maintenant plus de bruit que les clapotements d'la rage en-dessous d'elle. Et écouter le leader des rhinos causer de ses protégés comme s'ils les connaissaient plus qu'ils se connaissent eux-mêmes, ça m'repasse en boucle dans le crâne la voix blasée d'Rei qu'évoquait cette "nouvelle famille". Ça sonne exactement comme ça. Comme s'il me dévoilait une page du journal d'une famille à problèmes.

Froncer les sourcils qui surplombent des mirettes fuyantes, plisser l'nez si ma poudre d'os me le permettait, crisser des crocs polis par le sang. C'est bien une gêne ornée d'questions qui s'empare de moi. Pourquoi il m'raconte tout ça ? Y a même un prénom qui s'est échappé, un Wallace. Ça me fond dans la famille des rhinos, d'office, ces petits secrets. Il m'a tamponné apte, d'la trempe de ses collègues ? J'revois mon Moi d'il y a dix minutes, rampant pathétiquement sur la terre, dessinant un sentier d'sang en pleine forêt, retraçant mon calvaire. Et ces supplications qui m'gargouillaient dans la gorge, et mon instinct de survie qu'étranglait bruyamment ma fierté. L'impression d'être tombé dans son collimateur et de devenir un exutoire à sa colère.

Et cet homme qui me terrifiait semble me proposer maintenant l'asile parmi les siens. Pas bipolaire pour rien.
J'relève les yeux comme s'ils pesaient quelques tonnes. J'tente de soutenir son regard. Et rouvre le débit.

Ça fait des années que j'vois des gens souffrir et morfler tout autour de moi. Et c'est trop rare que j'aie le temps ou les moyens de leur porter secours. Pire, c'est trop rare que j'en reçoive l'ordre.

J'ai été maton, geôlier, soldat et guerrier, troufion de corvée ou messager, mais jamais un gardien d'la paix qui veille d'un oeil bienveillant sur la légèreté et l'insouciance des innocents.

Si seulement il existe des innocents...

J'me sens vulnérable. Gris dans l'âme ? J'la sens plutôt multicolore. Un prisme qui convulse, qui s'effondre sur lui-même, dans lequel chaque couleur cherche à dévorer sa voisine chromatique. Le gris reste exclu dans son coin, répandu en pâté sur le bord de la palette, et menace à chaque instant de couler encore plus profondément en moi.

Ça a toujours été une option, la révo'. Avant même que l'frangin fasse son choix, ça mûrissait en moi. Une issue de secours, un peu amère et décevante, une croix qui s'planterait sur la tombe de mes espoirs de jeunesse. L'Amiral Kamina, sa grande cape et ses gallons argentés, semant derrière lui les graines d'un avenir prospère, dont la force collabore avec la bonté dans la construction d'bonnes fondations pour une paix durable, il est mort, non sans avoir lutté. C'était une vision d'jeunesse, une sirène qui semblait s'profiler très loin dans mon horizon, qui m'envoûtait et m'attirait en fait dans les griffes d'un destin nettement plus sombre.

Un destin évidé des rêves et du panache qui autrefois le rendait si mélodieux à mes oreilles.

J'ai ruminé, ouais. Des plombes. Gueuler m'est interdit. Vous savez ? Un homme-poisson qui gueule et se débat, il fait très vite péter les compteurs de menace. Ça fait tellement de temps que j'me tais. Tellement de temps que je vis -que je survis- encerclé d'gens qu'ignorent tout de moi. Qui n'SAVENT PAS c'que c'est de voir ses sentiments et ses espoirs traînés dans la boue. Son honneur et son passé bafoués. D'être considéré une pièce de bétail au service de son berger. Rejeté par le monde qu'on voulait gâter.

Bizarrement, c'est seulement quand on m'casse la tronche que j'ai vraiment l'impression d'être entendu.

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-Si on pouvait réellement être ce que tu appelles un gardien de la paix, on vivrait dans un monde sans violence, où la bataille que l'on mène est déjà gagnée.

Et si, comme de fait, cette bataille avait déjà une fin claire et distincte, prévisible, même. Si cette bataille, on pouvait en voir la fin, on ne serait pas assis là à se demander "Bleu ou Gris?" sans savoir laquelle des réponses est la bonne…


Parce que ce serait si simple, au fond, de pouvoir se la jouer de toute les couleurs. De vaciller sur la roulette des allégeances au gré de notre girouette psychique, en fonction de là où notre cœur nous dirige. Il a raison, le Craig, quand il dit que des innocents, on ne peut réellement en compter en ce monde de guerre et de pouvoir. J'ai l'impression que le pire dans tout ça, d'un coup, c'est de sentir qu'on est, au final, qu'un simple brin emporté dans la tempête de ces batailles. Que cette histoire si tragique, rocambolesque et épique qu'est la bataille de Jaya n'est en fait qu'une bulle, minuscule, qu'on ne verra que momentanément sur la scène mondiale avant d'éclater.

C'est un peu ça, être dans la Marine, c'est être le maillon d'une grosse chaîne qui hisse au sommet un symbole auquel plus personne ne s'identifie vraiment…

Combien sont ceux qui le font réellement pour la paix? Même les vrais idéalistes, comme Craig, voient leurs rêves bafoués après quelques années. Désormais, c'est pour l'action. Pour l'ambition. Pour le succès. Tant d'objectifs qui profitent de la guerre à défaut de la régler. Pour la régler, il faut changer d'air. C'est ça qu'ils ont voulu me dire, tour à tour, ces révolutionnaires que j'ai cru borné, à une époque…

-Faut pas non plus réduire sa mission à simplement se faire casser la tronche, Craig. Faut pas non plus réduire son rôle à celui d'une minorité silencieuse. Regarde où j'en suis. J'ai réussi à gravir les échelons parce que j'ai été ce qu'on attendait de moi, une violente machine de guerre qui ne réfléchissait pas. Un joker qu'on laissait tomber sur le champ de bataille en se demandant chaque fois si j'allais y passer une bonne fois pour toute.

Après, c'est bien de savoir qu'on évolue dans un système plutôt pourri qui forge les hommes pour mieux les déconstruire. Mais quoi, ensuite? C'est quoi, la Révolution, au fond? C'est l'envers de la médaille? Un endroit où tout le monde est heureux et où personne ne fait de sacrifice?

On en sait rien, au fond, on essai juste de croire que l'herbe est plus verte chez le voisin.

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La révolution... y en a plein de révolutions, en fait. Des idéalistes, des anarchistes, des terroristes, des Rafs. C'est un vaste champ encore fertile à exploiter.

Et c'est aussi la terre d'accueil du frangin. Ça compte.

Pas exempt de mauvaise herbe, p'tete bien déjà profondément pollué par les orgueils, mais l'air me changerait de celui du jardin fatigué de la marine.

Pas qu'je veuille vous larguer, hm. Hein !


Un morbac resté six ans greffé à la marine quitte pas son refuge touffu du jour au lendemain. Me faudra encore du temps et de nouvelles doses violentes de désillusions pour me décrocher. Mais ça arrivera, j'le sais. J'suis pas défaitiste, j'suis perspicace. J'survis et j'agis aujourd'hui sans plus croire en l'sommet que je visais, alors tôt ou tard, le gosse en moi s'révoltera et transférera ses rêves ailleurs. J'ai fugué le trop terne foyer familial, j'fuguerai un jour la morose marine. Ça arrivera, c'est le cycle de l'éternel insatisfait qui erre dans un univers trompeur et gigantesque à la recherche d'un coin de paradis où blottir ses espoirs. Foutue girouette, en gros.

On attend la même chose de moi. Obéir aux ordres, tuer et détruire, survivre, obéir aux ordres suivants. Mais j'suis pas une brute folle et j'cogite tout ce que je fais, alors j'ai jamais su m'calibrer sur leurs attentes. J'ai eu de la chance de tomber sur des types comme Mavim, ou comme vous, qui m'voient pas que comme une mâchoire ambulante.

Car de temps en temps, m'envoyer recoudre quelques pauvres types, ou leur donner l'extrême-onction, ça justifie mon statut de toubib de guerre, et ça m'offre un contact avec les pions. Et parmi ces petits gens qui m'clamsent dans les bras, ceux qui partent apaisés et convaincus d'avoir donné leur vie à une cause qui la méritait sont autant rares que dérangeants.

Vous vous laisseriez crever, vous, si vous saviez que c'était la seule façon d'nous assurer la victoire ici ? Qu'on gagne, qu'on perde, qu'on s'en tire tous vivants et souriants ou secs et en puzzle, on ne sauvera rien, même pas l'équilibre. Au mieux, on finira sur un statut quo et le monde s'en cognera. Au pire, le Malvoulant s'lancera dans une vendetta.

Ça doit être son genre, non ? C'est le but, d'aggraver les tensions ? La marine pourra endiguer sa rage ?


C'est pas mon dada, la géopolitique. J'vois juste qu'en titillant Flist, on chatouille aussi un empereur psychopathe. Et j'aurai du mal à m'targuer de défendre les bonnes valeurs, si j'participe actuellement à la transformation du monde en bac à sable géant et sanglant pour mégalomane frustré.

J'coupe un instant le robinet de négativité pour reprendre mon souffle et mes esprits. C'est qu'il faudrait pas que Jenkins se remette à douter d'ma fidélité. Y aurait pas lieu d'en douter. J'suis pas si difficile que ça, moi, niveau leader. J'suis de ces chiens qui savent reconnaître un bon maître, et qui lui restent fidèle dès l'adoption. On dirait qu'le chenil des rhinos est chaleureux. Ça m'suffirait...

Puis... c'est leur genre aussi, là-haut, d'envoyer les éléments instables à l'abattoir, non ?
J'ai pas l'oreille pour les ragots, mais c'était pas flatteur, c'qui circulait sur vous, à Navaronne. Alors j'vous admire, d'une certaine façon. Passer outre l'image de monstre qu'on vous colle et vous obstiner à protéger votre espèce de famille, c'est, euh... courageux.


Là encore, je sais pas d'quoi je parle. Comment causer du courage alors que j'ai jamais réussi à le chopper assez longtemps pour le faire mien ? Ma frimousse se renfrogne, j'ai le nez qui m'tiraille. J'finirai la mission avec le museau qui pend, je crois. Ça sera élégant, ça m'ira bien.
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-T'inquiètes, un jour ou l'autre, on y pense tous, à quitter. On y pense simplement un peu plus lorsqu'on ne trouve plus de raison ou d'objectif au travail qu'on accompli, c'est normal. Pourquoi la guerre, au final, hein? Parce que chacun, dans notre coin, on a nos valeurs à défendre, nos familles à protéger.

Allez Craig, retournons au camp, mieux vaut faire quelque chose de moins douloureux que de la patte à modeler avec ton nez.


Je me lève, l'aide péniblement à retrouver son équilibre, il est encore sonné par le coup, le pauvre. J'insiste pour l'aider à marcher, coupable de le voir en si mauvais état. Ils subsistent et existeront probablement toujours en moi, ces réflexes violents que la Bête m'octroie. Nous nous remettons à progresser dans la jungle, retrouvant peu à peu notre chemin vers le camp de base des Storms. Je pense à tous ces hommes qui, eux, comptent sur moi et me perçoivent comme un héros. C'est grâce à eux que, chaque jour, je me dis que je ne me verrais nulle part ailleurs que dans les rangs de la Marine.

Néanmoins, il faut toujours de ces révolutionnaires ou de ces adversaires trop brillant, trop convainquant pour moi. Ces beaux parleurs qui envoient les boulets du doute contre les murailles du donjon de mon assurance. Même à sa façon, il agit comme eux, Craig. Avec ses questions personnelles, ses démons et son passé brumeux, il me fait penser à Serena; un homme-poisson chez qui le doute est contagieux, ce genre d'être qui nous donne envie de voir de quoi à l'air l'envers de la médaille. Ce genre de personne qui nous rappelle, comme un service rendu, que la désillusion existe, qu'elle est omniprésente, à vrai dire. Lui, sa désillusion, il la vit à chaque bataille, lorsque des hommes qu'on croyait courageux, loyaux et braves périssent sous ses yeux, maudissant le symbole qui les a jeté sous le feu des mousquets et sous le fer des sabres.

-Tu sais, Craig… si c'est pour ne serait-ce qu'un seul des membres de mon équipage, je suis près à encaisser tous les coups et tous les tirs que peuvent m'envoyer tous les pirates de Jaya. Que ce soit pour Serena, pour Wallace, pour Sarkozyzy, pour Ketsuno, pour Karl, pour Jeska, Lilou… Peu m'importe, je suis près à tout pour protéger la seule chose qui m'est chère. C'est ce qui fait des Rhinos plus qu'un simple équipage. Les barrières hiérarchiques, les formalités et les politesses de mise, moi, je les écrase du pied. Ils sont mes fils et mes filles, ces hommes et femmes, peu importe sous quel pavillon ils opèrent. Je me fous de gagner ou perdre, tant que je perds le moins de membres de ma famille, Craig.

Je lui dis ça avec l'éclair de la conviction dans mes yeux. Les ténèbres qui me hantent, face à l'ardeur de mes mots, ils se recroquevillent et s'effritent, fracassés par la lumière qui me guide. Quand je parle ainsi de mes hommes, je me sens plus justicier que jamais, on ne peut être à proprement parler un "gardien de la paix", pourtant, j'ai bien impression de la garder, moi, la paix du Léviathan. Comme un Seigneur qui veille et entretient son petit univers en s'assurant que tout va pour le mieux.

-Après… je suis de loin un des pires stratège de la Marine… J'avais presque oublié de penser aux conséquences de la capture de Flist à long terme… Et là, je peux t'assurer que l'équilibre, pour être brisé, il le sera. Cela dit, je peux aussi t'affirmer que le changement s'opère quand on le brise, l'équilibre. Et le changement, c'est souvent pour le mieux. Regarde moi, je l'ai brisé, en moi, l'équilibre entre le noir et le blanc. Et je ne me suis jamais aussi bien senti que ces derniers temps.

C'est un sacré penseur, le Craig, un élément plus que satisfaisant. Mavim est définitivement un chanceux.

-Je me doute bien que là-haut, ils attendent justement les bons arguments pour me mettre ailleurs. Si je suis à la tête du Lév', c'est parce que je suis le mec qu'a hérité de Salem. Un petit écart et je pars pour d'autres horizons, ça, je m'en doute. Selon l'état major, je suis probablement bien loin d'être une variable sécuritaire pour le vaisseau de l'amiral en chef, mais c'est mon équipage, pas le leur. Et puis, n'empêche, c'est un peu de sa faute, si je suis là, à l'état major. Ils n'avaient qu'à me laisser croupir dans mon asile au lieu de m'engager et de mettre à profit ma violence.

Rooh… Les ragots. Tu sais, j'ai arrêté d'écouter ce que les gens soufflent à mon propos depuis longtemps. Je sais bien que pour beaucoup je reste un monstre. Et monstre je suis, ça, on ne peut le nier. Mais demande-toi, un instant, qu'est-ce que c'est, un monstre? Est-ce que c'est juste quelqu'un de très laid? D'hors norme? Quelqu'un qui commet des actes horribles? Quelqu'un de foncièrement mauvais? Simplement le contraire de ce qui est humain, pensant et bienveillant? Toutes ces réponses?

Les gens qui me traitent de monstre ne pourraient probablement même pas savoir vraiment à quoi ils se fient pour me qualifier ainsi, la liste est trop longue pour les simples qui ne s'attardent qu'à une image qui passe dans les journaux. C'est pour ça que ça ne m'intéresse plus, ce qu'il pense, parce que j'ai des proches, qui, eux, savent que je ne suis pas qu'un monstre. Pas besoin de l'avis du monde.

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C'est le monde qui forme ses propres monstres, de toute façon. Et j'aimerais penser qu'c'est la famille qui les détruit.

Une jolie famille, sincère et baignant dans l'amour, c'est beau comme un paysage ensoleillé, fleuri et vivant. Une comme la mienne, explosée, stagnant dans l'indifférence chez le papa et la maman, croupissant dans les regrets chez le frangin, c'est une tempête qui ravage les fondations des êtres.
Marrants, ces rhinos. D'la bouche de leur paternel bicolore, ils semblent marrants, et mignons. Il a dévoilé leurs identités, y en avait beaucoup. Même s'il en causait sur un ton posé, ça se sentait qu'les noms émergeaient un à un des tréfonds de son coeur. De la masse de nouveaux frangins et soeurettes, "Serena", ça m'a fait sursauter l'oreille. Décidément, l'présent devient dérangeant à s'faire écho du passé... C'est p'tete pas "ma Serena", la coïncidence serait trop puissante, mais le destin, il est puissant. Attentif aux "signes", même ceux qui existent pas. Toujours.

Les monstres se cachent dans les têtes des gens, hein ? Toujours facile de juger les gens, bien plus compliqué de les comprendre. J'comprends ce que c'est, de craindre son propre esprit.

Ça fait des plombes que j'm'efforce d'être sourd aux préjugés. Ma logique me dicte de pas faire aux autres c'que j'ai jamais aimé qu'on m'fasse. C'est un sport éprouvant, mais mes efforts portent leurs fruits. Peu à peu, j'm'affranchis de ces regards tout frais tout préparés qu'on m'tend comme une pitance facile et gratuite. Un poison qui apeure. Malheureusement, dans ce grand monde élargi par la douleur et régi par la peur, on est trop souvent tentés de renvoyer l'ascenseur, et bondé de bombes si possible, pour anesthésier nos propres souffrances. Alors, les autres, ils continuent à haïr, et infecter les plaies dans les coeurs des autres. Moi, Jenkins, tout le monde. On est tous le monstre de quelqu'un. Parce que c'est plus facile d'affronter nos angoisses en leur attribuant des figures de chair et de sang.

Mes pattes me portent sans qu'j'aie plus à leur demander quoique ce soit. Elles sont un peu engourdies, elles aussi, par l'effort et la douleur, oppressées, boitillantes un peu, foulant avec peine les racines de pauvres arbres, faisant fuir dans leurs secousses les insectes paniqués pris malgré eux dans le triste spectacle des idéaux qui s'entrechoquent sans savoir se contourner. La nature est trop souvent théâtre des tragédies humaines. Et humaines-poiscailles... J'ai mal pour la nature. Pour sa paix, son silence. Pour son vent qui charrie des relents de charnier. Pour son bois fracturé par les boums, les pam et les bangs. Pour ses bestioles qui mettent en suspens leurs querelles sanglantes le temps d'se barricader dans leurs terriers et d'attendre la fin des horreurs commandées par la justice.

J'voulais être la main de la justice mais j'me rends compte un peu trop tard qu'être la paluche d'une aveugle avec un glaive, c'pas super glorieux.

Raf semblait avoir cette impression aussi, parfois... Que la justice existe pas. Que les désirs et les coups de sang des gens se planquent systématiquement dessous.

L'idée fout la trouille. Faire couler le sang pour une chimère, c'est glauque, non ? La violence engendre la violence. La surenchère pousse à la surenchère. On récolte ce que l'on sème, tout ça. On s'en sort pas.

On protège un modèle. Une société. Qui tolère l'existence d'esclaves, de misérables, de bougres dont les besoins vitaux, oubliés, mutent en désir de vengeance. Ils ont peur, ils sont fâchés contre ceux qui s'permettent d'être heureux à trois pas de chez eux. Et ça recommence...

S'il doit y avoir justice, elle doit se situer quelque part par là... Dans la palme -ou la main- qu'on tend aux autres pour les sortir d'un gouffre qui pourrait les avaler.

Comme ça sonne mièvre...


Le pif qui goutte au rythme de mes mots. Y aurait une métaphore planquée là-dedans que ça m'étonnerait pas.

J'vous avoue que la révolution m'laisse sceptique.

Tous les vergers ont leurs fruits pourris.

Ce que faisait... Raf', aussi.

Il bossait dans le nettoyage, non ? J'ai jamais su.

Hmm. Ça fait... du bien d'en parler.

Pas confident mais presque. Et spontané. Le gaz s'accumulait et ouvrir les vannes devenait inévitable pour pas risquer d'exploser aux pires moments, sur les champs de bataille. Mais il s'agissait pas d'se planter sur l'homme qui serait capable d'humer ces vapeurs de doutes sans crier au gaz toxique. Qui aurait cru qu'celui qui m'écouterait serait le commodore lui-même ? Qui aurait cru qu'il serait catalogué fou à lier, extirpé trop vite de son asile, élément instable à prendre avec des pincettes ? Qui aurait cru qu'le dialogue aurait été propulsé par un pif éclaté et un retour de Raf' sur papier ?

Qui aurait cru que Jaya aurait été capable de me faire miroiter, peu à peu, un nouveau tournant pour ma vie ?
...
Qui aurait cru qu'un museau explosé fasse plus mal qu'une guibole fracassée ?
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-Ça fait toujours du bien de parler, héhé.

Ouvrir le robinet et laisser couler un peu de cette incertitude qui ronge nos cœurs de soldats. Souffler un moment avant de remettre son fusil sur l'épaule, ça ne peut faire de mal à qui que ce soit. C'est dans ces moments là que j'aime à être présent, assis aux côtés de ceux qui doutent. Faisant simplement acte de présence ou de parole pour les garder debout, pour les ramener sur le chemin sombre que je tente de mon mieux d'éclairer, avec la lanterne de la confiance. Il y a un peu de ça, au fond, dans le boulot de Capitaine. Ça ne consiste pas qu'à remplir des rapports, recruter des hommes, faire des mouvements sur des cartes et piloter un navire, non. Être Capitaine, c'est être un exemple, un meneur, une idole, quelqu'un à qui chacun peut se fier.

Enfin j'ai l'impression d'être ce Salem que l'on attendait de moi depuis si longtemps.

-Faudra t'y faire, la justice, c'est un concept que tout le monde croit avoir compris, mais que personne ne comprend vraiment, au final. Elle se trouve probablement dans la main de ceux qui aident les plus faibles. Ce que je sais, en contrepartie, c'est qu'elle ne sera pas sur le champ de bataille de Jaya, oh non…

Entre les fougères, les lianes et les troncs des arbres, on voit pointer les premières tentes du camp des Storms. De retour au bercail. Je sens la réalité me revenir à la figure comme un seau d'eau glacée. Cette jungle, je serai presque triste de la quitter, lorsque tout sera fini. Y être, seul ou accompagné, c'est comme plonger dans une bulle de temps. Aux tréfonds de la canopée, nos pensées se répercutent et font écho à nos émotions, on oublie les secondes qui passent, on n'existe que dans la tête de ceux qu'on côtoie, et vice versa. Elle respire, cette forêt. Quand on y est seul, on ne devient que du temps, que de simples unités qui s'écoulent au gré des sabliers, des grains invisibles qui tombent, et tombent, et tombent.

Dans la jungle, on n'est plus que du temps qui passe, du temps et rien d'autre.

La bulle éclate. Je suis Oswald "Double Face" Jenkins, le Capitaine des Rhinos Storms. J'ai une stratégie à planifier, une bataille à mener, une guerre à gagner, des hommes à encourager. Sur Jaya ne se livrera pas qu'un simple affrontement, non, il s'y décidera si enfin, je suis de la trempe des véritables grands de ce monde, comme Salem, comme Red, comme Thunder F, Tahgel, Envy, Raf'…

-Y'a peut-être pas d'justice ici-bas, mais je sais tout de même une chose, Craig, une chose inévitable; c'est que sur cette île, y'a du Bleu et du Rouge. Et que dans ce monde, le Violet n'a jamais été une option…
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